Citations de Pierre Corneille (1037)
On ne sait pas les maux dont mon coeur est atteint.
De pensers sur pensers mon âme est agitée,
De soucis sur soucis elle est inquiétée ;
Je sens l’amour, la haine, et la crainte, et l’espoir,
La joie, et la douleur tour à tour l’émouvoir.
On souffre avec regret, quand on n’ose souffrir.
Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments,
Mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,
Elle n’y règne pas, elle les tyrannise,
Et quoique le dehors soit sans émotion,
Le dedans n’est que trouble, et que sédition.
Un je ne sais quel charme encor vers vous m’emporte
Sévère
Quel désordre peut craindre un coeur désespéré ?
N’y consent-elle pas ?
Fabian
Oui, Seigneur, mais…
Sévère
N’importe.
Fabian
Cette vive douleur en deviendra plus forte.
Sévère
Et ce n’est pas un mal que je veuille guérir.
Je ne veux que la voir, soupirer, et mourir.
À raconter ses maux souvent on les soulage.
Ne craignez rien de mal pour une heure d’absence.
Adieu, vos pleurs sur moi prennent trop de puissance,
Je sens déjà mon coeur prêt à se révolter,
Et ce n’est qu’en fuyant que j’y puis résister.
ALCANDRE
Servir les gens d'honneur est mon plus grand désir,
J'ai pris ma récompense en vous faisant plaisir.
ALCANDRE
(...)
S'il faut par la richesse estimer les personnes,
Le théâtre est un fief dont les rentes sont bonnes,
Et votre fils rencontre en un métier si doux
Plus de biens et d'honneur qu'il n'eût trouvé chez vous.
Pauline
Vous m’aimez ?
Polyeucte
Je vous aime,
Le ciel m’en soit témoin, cent fois plus que moi-même
De tous ces accidents rien ne peut m'alarmer,
Je consens de périr à force de t'aimer.
Je vous aime Madame, et mon fidèle amour
Depuis qu'on l'a vu naître a crû de jour en jour ;
Te faut-il de ma flamme un plus grand témoignage ?
Crois que je suis sans feinte à toi jusqu'à la mort.
Et j'entrevois quelqu'un. Est-ce toi mon souci ?
Le blâme qu'on reçoit d'aimer trop une femme
Aux maris vertueux est un illustre blâme.
Ma chère âme, est-ce vous ? surprises adorables !
Son destin et le mien prennent un même cours,
Et je mourrais du coup qui trancherait ses jours.
CLINDOR, en prison.
-...)
Quel bonheur m'accompagne à la fin de ma vie !
Isabelle, je meurs pour vous avoir servie,
Et, de quelque tranchant que je souffre les coups,
Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous !
CLINDOR, en prison.
Aimables souvenirs de mes chères délices
Qu'on va bientôt changer en d'infâmes supplices,
Que, malgré les horreurs de ce mortel effroi,
Vous avez de douceurs et de charmes pour moi !
ISABELLE
(...)
Je veux perdre la vie en perdant mon amour,
Prononçant ton arrêt, c'est de moi qu'on dispose,
Je veux suivre ta mort puisque j'en suis la cause,
Et le même moment verra par deux trépas
Nos esprits amoureux se rejoindre là-bas.
Ainsi, père inhumain, ta cruauté déçue
De nos saintes ardeurs verra l'heureuse issue,
Et si ma perte alors fait naître tes douleurs,
Auprès de mon amant je rirai de tes pleurs ;
Ce qu'un remords cuisant te coûtera de larmes
D'un si doux entretien augmentera les charmes ;
Ou s'il n'a pas assez de quoi te tourmenter,
Mon ombre chaque jour viendra t'épouvanter,
S'attacher à tes pas dans l'horreur des ténèbres,
Présenter à tes yeux mille images funèbres,
Jeter dans ton esprit un éternel effroi,
Te reprocher ma mort, t'appeler après moi,
Accabler de malheurs ta languissante vie,
Et te réduire au point de me porter envie.
(IV, 1)
Vôtre amour seul a droit de triompher de moi.