Rencontre avec Pierric Guittaut à propos de son enquête "La Dévoreuse, le Gévaudan sous le signe de la Bête 1764-1767" (Éditions De Borée, coll. "Histoire & documents").
La Be?te du Ge?vaudan n?est pas un mythe, et ses nombreuses victimes re?clament mieux que le mauvais thriller auquel beaucoup la cantonnent. C?est partant de ce constat que l?auteur s?est lance? a? sa poursuite il y a dix ans.
Romancier remarque? pour ses polars ruraux, Pierric Guittaut est aussi chasseur et tireur a? poudre noire, passionne? d?Histoire et qualiticien certifie? dans l?industrie ae?ronautique.
Apre?s plusieurs se?jours en Margeride, l?auteur nous livre l?enque?te la plus comple?te jamais re?alise?e sur le sujet : analyse inte?grale du fonds d?archives, reconstitutions de tirs, comparaisons anatomiques. Tous les suspects sont passe?s en revue.
Bousculant les ide?es pre?conc?ues, les conclusions de cette investigation sont ine?dites et nous permettent de nous re?approprier un pan entier de notre histoire rurale tombe?e dans l?oubli. En franchissant les frontie?res, le lecteur se retrouvera me?me lance? sur les traces d?un authentique spe?cimen de la Be?te du Ge?vaudan, qui attendait depuis plusieurs de?cennies dans la discre?tion d?un Muse?e de la Nature qu?on (re) de?couvre son illustre filiation.
250 ans apre?s la fin de l?affaire de la Be?te du Ge?vaudan, Pierric Guittaut nous livre enfin les clefs pour comprendre cette e?nigme qui n?en e?tait pas une...
Marie? et pe?re de deux enfants, Pierric Guittaut vit en Sologne berrichonne. Il y travaille en tant que qualiticien ae?ronautique dans l?industrie me?canique et partage ses loisirs entre la lecture, la chasse, le tir, le bricolage et l?e?criture. Il est aussi l?auteur de romans noirs a? succe?s dans la Se?rie Noire chez Gallimard.
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Ce monde n'existe plus que dans votre esprit. Il y a un nouveau monde, là, dehors, qui attend. Les gens de votre propre pays n'y parlent plus la même langue que vous, et leur seule culture est celle des ordinateurs que vous rejetez. Les ordinateurs, des saloperies ? Mais leur vie entière est dans les ordinateurs, désormais : leurs amis, leur travail, leurs amants, leurs maîtresses, leurs enfants, leurs secrets. Tout ! Ils sont des millions, des milliards, et vous n'êtes plus que quelques milliers en sursis. Ce monde n'attend qu'une chose : c'est de vous engloutir, vous, votre ferme, votre patois et vos jeteurs de sorts. Ce n'est plus une question de croyance ou d'ignorance, mais une question d'offre et de demande. Dans ce nouveau monde on ne jette plus de sorts à ses ennemis, il suffit de ruiner leur réputation sur les réseaux sociaux.
La solitude d'un adulte n'est pas que la somme du manque d'une chaleur au quotidien, d'une présence autre, d'un interlocuteur, d'un corps auquel se frotter, c'est aussi, surtout, le rétrécissement progressif d'un univers mental. Seul, la pensée s'étrique. Les jours sont moins longs, les années plus rapides et répétitives et l'on marche aigri et semi-conscient vers sa tombe dans un crépuscule généralisé.
L'homme a tenté de lui faire passer un message,et Caroline le cherche au fond de son être. Elle enrage parfois de ne pas trouver la clef de cette porte qu'elle perçoit,là, tout près d'elle,cette porte qu'elle a entrevue par un soir d'été et qui la hante encore.Alors quand le dégoût de son époque et de son carcan métallique la saisit,quand l'infernale armada du devoir et des obligations professionnelles, familiales et financières fait naître chez elle une sensation d'agonie lente et d'étouffement silencieux,de noyade impuissante ,quand le bruit permanent éructé des écrans de toutes tailles lui donne envie de se boucher les oreilles,quand l'hypocrisie et la mesquinerie des humains la rendent plus triste qu'une enfant ,la femme vient poser sa joue tout contre la vitre dure et froide.Elle attend et elle espère .Un mouvement dans l'obscurité ,une silhouette surgie de la ligne des arbres.Une ramure fière et sauvage qui se détacherait du ciel nocturne rendu laiteux par la pâle clarté lunaire.Caroline nourrit ,enfoui dans la partie ensauvagée de son coeur,l'espoir qu'un soir,à l'occasion d'un crépuscule d''automne semblable à celui-là, l'homme-cerf reviendra pour l'arracher à sa prison barbare et lui parler le langage des étoiles. ( page 227).
Quand il l'enlace par-derrière deux minutes plus tard sous la pluie chaude et puissante en plaçant ses mains en coupe sous les globes moelleux de ses seins et en mordillant la peau délicate de sa nuque, elle sent le membre dur et viril comprimer ses fesses (...). Virginie ferme les yeux et sourit. Dans une prière muette, elle remercie à tort la Providence d'avoir fait entrer dans sa vie celui qui les détruira tous.
Essayer en permanence de repousser la date de sa mort parce qu'on croit chercher quelque chose, et qu'on croit avoir toujours besoin d'encore un peu de temps pour le trouver, c'est juste absurde. Ce que l'on cherche est partout, et il suffit d'un instant pour s'en emparer. Chaque jour, chaque aurore peut être le début d'une nouvelle vie radicalement différente de la première.
La troisième victime était étendue trente mètres plus loin, avant la masse sombre de la berline allemande aux phares toujours allumés et à la portière côté conducteur restée ouverte.A en croire la disposition de l'homme, de son vélo et de la voiture, le gendarme en a déduit en s' approchant au pas de course que le chauffard l'avait happé sous sa calandre , avant de lui rouler dessus et de le traîner sur plusieurs mètres. Après avoir constaté que le troisième cycliste, un homme d'une quarantaine d'années, était décédé, le major Remangeon s' est approché du véhicule, le souffle rauque et saccadé. LL'écoeurement et la révolte faisant place à un autre type de sentiment, plus instinctif, plus en rapport avec ses fonctions.Le goût métallique s' amplifiant sur sa langue.
Dimanche.10h49
L'animal s'est arrêté pour le fixer.Les quelques mètres qui sėparent le chasseur de sa cible ont perdu toute signification.
Le cerf est près de lui,et très éloigné.
Il se passe quelque chose,réalise Stéphane de façon confuse tandis que les couleurs de son champ de vision se renforcent autour de la clarté inhabituelle du pelage de l'animal.L'aquarelle délicate d'un cerf blanc au milieu d'une gouache grossière de forêt trop vite esquissée.Cette dissonance sensorielle le poignarde d'une lame d'angoisse glacée .( page 9).
L’homme a tenté de lui faire passer un message, et Caroline le cherche au fond de son être. Elle enrage parfois de ne pas trouver la clef de cette porte qu’elle perçoit, là, tout près d’elle, cette porte qu’elle a entrevue par un soir d’été et qui la hante encore. Alors, quand le dégoût de son époque et de son carcan métallique la saisit, quand l’infernale armada du devoir et des obligations professionnelles, familiales et financières fait naître chez elle une sensation d’agonie lente et d’étouffement silencieux, de noyade impuissante, quand le rythme absurde de sa vie la lasse, quand le bruit permanent éructé des écrans de toutes tailles lui donne envie de se boucher les oreilles, quand l’hypocrisie et la mesquinerie des humains la rendent plus triste qu’une enfant, la femme vient poser sa joue tout contre la vitre dure et froide. Elle attend et elle espère.
Alors qu'il module sa foulée dans une partie descendante pour garder un rythme égal, une masse sombre attire son attention à l'horizon, sur sa droite.Il s' arrête, frappé par le spectacle du grand coiffé qui s' imprime en contre -jour sur l'arrière-plan filandreux. L'animal s' est immobilisé à son tour et Fabrice à l 'impression qu'il l'observe un instant, lui le coureur frêle, avant de lever la tête, jetant en arrière ses bois puissants aux nombreux cors. Le cerf fait ensuite quelques pas dans l'herbe pour gagner un sous-bois où il s' enfonce, se soustrayant à la vue du militaire qui reprend sa course après quelques secondes de recueillement, chargé d'une énergie et d'une détermination nouvelles.
Ce n'est pas un cerf ni un sanglier, mais une femme. Sa longue chevelure ruisselante est plaquée sur son crâne. Les manches d'un gilet détrempé pendent de chaque côté d'une fine rode blanche à fleurs rougeâtres, transformée pour l'occasion en seconde peau moulante. Le tissu gorgé d'eau laisse voir par transparence le triangle blanc d'une culotte de coton, l’œil sombre d'un nombril et les formes lourdes d'une poitrine capiteuse et affranchie de tout dispositif de maintien.