La romancière Rachel Shalita présente son roman "Comme deux soeurs", publié aux éditions de l'Antilope, en librairie à partir du 7 janvier 2016
- L'art, c'est toute la vie, c'est quelque chose que tu fais parce que tu es incapable de ne pas le faire. L'émail, c'est autre chose. On te paie pour le faire. Tu te donnes du mal pour que ce soit le plus joli possible mais ce n'est pas absolument nécessaire. Sans l'art, rien n'est possible.
Sur la couverture, le titre était écrit en lettres frisottantes.
Hanefesh haksuma, L'âme enchantée.
Au-dessus, le nom de l'auteur: Romain Rolland.
Au centre, un dessin au fusain, une femme vêtue d'une robe longue, un style qu'elle connaissait, pas du Paris de l'après-guerre mais des cartes postales vendues par les bouquinistes sur les quais de la Seine.
Tsiona lut à haute voix: alef, mem, alef. Ima, maman.
Véra confirma et continua de tracer les lettres avec la pointe du couteau: tav, mem, vav, tav.
Tsiona ne saisissait pas le sens.
Véra effaça le mot à l'aide du couteau.
Elle redessina tamut, va mourir.
Tsiona comprit cette fois, mais elle se refusa à lire.
Une pomme et une cerise, ce sont des fruits que nous n'avons pas en Eretz Israël. Et une framboise, ça nous avons, et des myrtilles dont on fait la confiture, il y en avait beaucoup dans la forêt, ici on n'en trouve pas.
Léon osa quelques mots d'anglais. Sacha comprenait le peu d'anglais qui lui restait de son séjour à l'orchestre philharmonique de Londres, mais pas suffisamment pour tenir une conversation. Léon tenta le français.
Sacha éclata de rire et dit en hébreu lo, lo, non, non.
Et là, il surprit Léon en déclarant:
- Ikh red yiddish.
On a le droit d’être sœurs ? S’étonna Véra. On ne doit pas demander à un adulte ?
– Bien sûr qu’on a le droit, dit Tsiona, c’est comme on veut nous.
– C’est pas vrai, pour être sœurs, il faut que les parents soient d’accord. Tsiona se tourna vers Véra :
– Et si les parents dorment ?
-Si les parents dorment, on leur demande le lendemain matin, répondit Véra avant de se tourner contre le mur
– Je ne suis pas faite pour le mariage, répondit Véra.
Cette phrase ne ressemblait pas à Véra, elle venait forcément de quelqu’un d’autre. Tsiona hurla : De quel livre sors-tu cette citation ? Véra, la vie, ce n’est pas de la littérature. Tu es en train de ficher en l’air tout ce que tu as.