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Critiques de Raymond Abellio (9)
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La fosse de Babel

Douze ans ! C'est le nombre d'années durant lesquelles j'ai cherché ce livre, ma licorne littéraire à moi, si vous me passez l'expression. J'en avais entendu parler à 20 ans, et ses multiples citations dans les autres romans que je lisais alors avaient créé, d'abord un intérêt, puis une véritable nécessité de le dénicher.

J'ai couru les bouquinistes des quais de Seine qui disposent souvent de ces perles méconnues que l'amateur éclairé sait apprécier et dont les noms bruissent comme des formules magiques le long du fleuve. Je le ratais toujours de peu, et le coût des exemplaires disponibles dépassait de loin mes maigres ressources.

Je l'ai enfin trouvé, totalement par hasard, dans l'un des rayons de ma librairie de quartier ! Superbe ironie que ce quête ait pris fin à cinq minutes de chez moi !

Certains disent qu'une attente comblée est nécessairement une attente déçue, puisque le simple fait d'attendre devient la raison d'être du désir et le voir assouvi entraîne sa disparition: d'autres estiment que la confrontation entre le fantasme, la licorne, et la réalité, sa lecture, ne peut de même que décevoir.

A tous ces gens, je réponds: Non !

Non pas parce que le livre a été à la hauteur de mes attentes, mais parce qu'il en a été totalement différent tout en les sublimant. Je n'exagère pas: sur les 640 pages que compte ce roman, il n'y a que 2 pages qui soient du niveau des très grands romanciers actuels...le reste est à des années-lumière au-dessus, de par l'intelligence du propos, de par son ambition remplie, de par sa vérité.

Si je vous disais que ce roman écrit en 1961 avait prévu la chute du communisme dès ses premières pages pour 1989 et la destruction de tours à Manhattan dans les dernières; si je vous disais que ce roman pressentait dès 1961 que les terrorismes religieux que nous connaissons marqueraient notre époque... Je m'arrête là.

Il ne s'agit pas d'un roman d'anticipation car les évènements se passent de la fin des années 1950 au début des années 1960 mais Abellio prévoit, non pas en tant que pseudo-magicien, mais avec sa sagesse la suite des temps telle qu'elle promettait d'advenir dès cette époque.

Abellio n'était pas prophète, ni mystique, juste d'une lucidité rare vis-à-vis du monde; il avait connu l'engagement communiste, l'activisme, le retour au christianisme, à la philosophie, puis il s'était détaché de toutes ces idéologies, désaffecté du monde et ouvert les yeux sans parti-pris.

Venons-en au style. Le roman lorgne clairement du côté de Stendhal, avec "le roman en tant que miroir du monde" et l'on peut donc parfois s'étonner de voir se côtoyer les thèses les plus audacieuses sur la dualité masculin/féminin avec les dîners dits "mondains" les plus superficiels.

Il faut préciser qu'une large masse du lectorat amateur pourrait être déroutée par ce roman, voire totalement rebutée, car il n'y a à aucun moment la recherche du divertissement du lecteur, ce n'est pas à roman à émotions qui fera pleurer, ou effraiera, ou attendrira.

"La fosse de Babel" n'est pas un fruit, destiné par nature à la corruption, c'est un germe qui n'attend que d'être planté en chacun,et de le changer.



To the Happy Few...
Lien : http://johaylex.wordpress.co..
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Les yeux d'Ezéchiel sont ouverts

Je venais de traverser une difficile opération à l'horrible hôpital Ambroise-Paré et je me suis dit que, quitte à crever si cela devait se produire, j'aimerais mieux le faire sur la Côte d'Azur qu'à Boulogne-Billancourt. Aussitôt dit, aussitôt sauté dans ma vieille Clio Renault. Depuis longtemps, je voulais voir Ramatuelle. Alors je suis descendu par la Nationale 7, et je suis arrivé au petit matin. Sur le parking, à côté du cimetière, j'ai roupillé deux heures et je suis sorti dans la bruine pour voir, d'abord, la tombe de Gérard Philipe qui s'était parquée à côté de ma voiture. Pas de mausolée, pas d'esbroufe funéraire, juste une petite dalle grise très sobre. Je me suis dit que, décidément, Gérard avait emmené son élégance avec lui. Et puis je me suis mis à errer dans Ramatuelle. Finalement, en sortant de l'église Notre-Dame, j'ai pris à droite sous un passage couvert où trônait une "boîte-à-livres". Et là, alors même que je pensais depuis des mois qu'il faudrait que je lise un Abellio, pour me rendre compte: "Les Yeux d'Ezéchiel sont ouverts"! Une édition de 1968 du Livre de Poche, tachée et gondolée, dont la reliure se débinait.



Ainsi, j'avais quelque chose à lire dans le baraquement que j'avais loué hors saison. Mais quelle curieuse lecture. D'abord, on comprend rapidement qu'Abellio exploite une imposture. Il n'a aucune vision ésotérique précise et cherche, par des tâtonnements parfois heureux, mais plus souvent pénibles, à élaborer un système de pensée sensationnel au fur et à mesure que l'histoire avance. La plupart du temps, le propos est incohérent. Mais si l'on retient les grandes lignes, quelques idées-forces se dégagent graduellement de la gangue matricielle du roman.



D'abord, comme Joseph Schumpeter, Abellio pense en termes de destruction créatrice.

Ensuite, Abellio essaie de se fabriquer sur mesure une espèce de Dieu impersonnel qui dans ses hypostases matérielles évoque plutôt un Baal dévorant que le Dieu des catholiques.

Enfin, rien ne sert à rien. Il faut seulement comprendre que tout ce qui doit arriver arrive, avec ou sans le concours de la volonté humaine, et devenir "lucide" (ce qui revient à devenir, nous explique Abellio, "luciférien") pour accueillir la destruction. Ce stoïcisme de poseur évoque une pâle copie de Georges Gurdjieff.



Il y a d'excellents passages, surtout au début, où le style est assez remarquable. Mais dans l'ensemble, la mixture forcée des concepts ésotériques est assez indigeste et la note dominante qui se dégage de l'ensemble est un sérieux parfum d'insincérité et de tartufferie nietzschéenne, comme s'il s'agissait d'épater le bourgeois. Néanmoins, Les Yeux d'Ezechiel constitue un témoignage très instructif quand on aborde la question métapolitique. On comprend alors bien mieux la philosophie - si l'on peut dire - de la Nouvelle Droite à l'origine. Des résurgences particulièrement remarquables se retrouveront dans les bouquins de Guillaume Faye, par exemple, même si Faye est épuré de tout gnosticisme et que sa vision du monde est radicalement matérialiste.



Grosso modo, Abellio défend une vision apparentée à celle de Saint-Loup dans Les Hérétiques. Leur parcours politique, d'ailleurs, est assez semblable: venus tous les deux de la SFIO, ils collaboreront avec les Allemands jusqu'à devenir, pour l'un, cadre du PPF de Doriot, pour l'autre du MSR de Deloncle -> voir à ce sujet l'extraordinaire bouquin de Simon Epstein (1% de collabos réellement engagés dans le national-socialisme, et sur ce 1%, plus de 80% d'hommes encartés à gauche avant guerre).



Abellio et Saint-Loup finiront par adopter la posture romanesque du simili-Cathare, bien digne de figurer dans les resucées du Matin des magiciens traitant (assez lamentablement) d'"ésotérisme nazi". Une veine littéraire particulièrement fructueuse dans les années 1960-70.



Un petit côté Cavalcare la tigre aussi, chez Abellio, qui s'explique facilement par ce qu'on vient de dire. Sauf que Julius Evola, c'est beaucoup plus sérieux, évidemment.



Bref, tout ça est tout sauf convaincant, mais sans doute, il faut le lire tout de même. Pour retourner ensuite crapahuter dans les calanques où c'est qu'il y a de jolies filles qui se f* comme de leur premier bikini des anarchistes catalans-cisterciens partisans de triomphe de Baal au nom de la lucidité luciférienne qui n'est autre que la grande tradition cathare libérée du dualisme où l'Eglise l'a enfermée (ouf! ça y est, j'ai une crise de foie - saleté de gloubiboulga!)
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La fosse de Babel

111 * 111 = 12321



Le carré d'aleph c'est à dire sa valeur numérique montée au carré démontre parfaitement la dualité antinomique d'un système dont le but est d'insérer une pierre angulaire identique au résultat de deux équations en miroir.



Le communisme sacerdotal, une pensée unique consistant à formater à l'aide de deux contradictions simultanées un principe similaire basé sur la révolte et la répression dont les arômes originels ne proviennent que d'une seule source.



Une genèse virulente établie dans des appartements capitonnés ou des villes bourgeoises tristes et pluvieuses à l'image de réformateurs radicalisés insensibles et déterminés devant tout en synchronisant leurs arguments manager leur égocentrisme.



Maîtres et serviteurs, décisionnaires et exécutants, organigramme d'un seul cerveau, structure absolue d'une substance unique s'alimentant de sa différence en déployant en parallèle la contestation et son châtiment.



L'union nationale constituée d'un parti unique provenant de toutes les idéologies politiques parachutées au sein d'un laboratoire collectif d'individus cobayes, vulnérables, instables et sensitifs volontairement tourmentés par les ravages de la différence.



Un aggloméré surpuissant contenant tous les bois permettant à tous les concepts de dévoiler leurs opposés dans une même partition en s'emparant d'un monde sous l'emprise du tout et de son inverse.







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La fin de l'ésotérisme

Si vous vous passionnez pour l'ésotérisme, mais que vous le conciliez avec une intelligence rationnelle, si vous aimez les grandes traditions orientales et occidentales, mais que le ton pédant et les obsessions réactionnaires de Guénon, ou encore les approximations et les idées fascisantes d'Evola, vous agacent, ce livre est pour vous !



Abellio y évoque la tradition primordiale, le Yi-king, la Kabbale, le symbolisme de la croix - via une fascinante hypothèse d'allure structuraliste - , l'alchimie, l'astrologie... C'est très dense, le genre de livre dont on lit et relit des passages pour les assimiler et les méditer.



Il y est question de tradition, mais aussi de notre époque - la parution initiale date de 1972 - , qui se caractérise selon l'auteur par la constitution d'un nouvel esprit gnostique, dont il situe l'origine en 1964, l'année des premiers mouvements étudiants et contre-culturels à Berkeley. Au contraire des guéonniens qui ratiocinent sur la dégénérescence et le kali yuga, Abellio sait découvrir un sens ésotérique positif à l'époque contemporaine.



Le titre joue sur le double sens du mot "fin" : achèvement et but. La fin de l'ésotérisme est de disparaître en se désoccultant, pour résumer grossièrement l'idée. Dévoilement qui est le travail de notre époque, et auquel le livre d'Abellio participe activement.



Cette réédition est accompagnée d'une préface de Pacôme Thiellement, pas dépourvue d'intérêt elle non plus.

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La structure absolue

Rien que pour cette merveilleuse généralisation de l'égalité de deux rapports et sa conséquence comme méthode de découverte (d'élargissement du champ de vision de l'esprit) ce livre vaut le détour.

Bien sur, tout comme Lupasco, Abélio est plus que dédaigné par les philosophe ayant acquis une patente permettant de discourir sur tout et de s'en réserver le droit.

Mais cela vaut plutôt comme titre de noblesse et devrait attirer l'attention de "l'honnête homme".
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La fin de l'ésotérisme

Même si la conclusion d'Abellio ressemble, dans sa condamnation du dualisme cartésien (sujet pensé-objet pensé, là où la Tradition non seulement la dépasse, mais enseigne que ce dualisme est "biunivoque", le sujet n'est pas que "actif" et l'objet n'est pas que "passif"), à celle de l'école dite pérennialiste (René Guénon, Julius Evola, Frithjof Schuon, ...) sa démarche est toute autre : en effet, notre auteur, loin de répudier l'Occident dans son entièreté au profit de l'Orient (la mort de Guénon au Caire en soufflant, pour derniers mots, "Allah", est symptomatique), voit plutôt dans sa tradition intellectuelles un grenier de potentialités de rétablissement "gnostique" (plus spécifiquement, la phénoménologie husserlienne, même si il surligne sa limitation à l'intentionnalité du sujet, là où l'objet aussi "répond") - citant en exemple Sri Aurobindo, un sage moderne de l'Inde (l'Orient idéal, donc) qui n'a découvert ses propres richesses métaphysiques qu'après avoir étudié en Occident.



Avec cet optimisme quant à sa propre civilisation, s'accompagne bien sûr un discours opératif qui diffère de celui des pérennialistes, non seulement sur des cas "secondaires" (le mouvement de révolte estudiantine des années 60 - l'ouvrage a été publié en 1973 - n'est pas une lubie "moderne", mais un champ d'espoirs pour l'avenir) mais aussi sur des questions plus primordiales, comme celle des religions organisées ou "d'autorité", selon le mot de l'auteur qui les condamne, justement a contrario des pérennialistes qui s'inscrivent dans les "orthodoxies" respectives des différentes religions majeures.



L'intérêt majeur, toutefois, reste dans les élaborations complexes des "sciences des nombres", en mettant en rapport les traditions relatives au Yi-King ou la Kabbale - il ne nie pas l'Orient, mais ne lui donne pas le monopole du Salut mondial comme le mouvement pérennialiste - avec des données plus larges (spirituelles et scientifiques). Les développement sur les cas particuliers de l’alchimie (dont il admet non seulement la symbolique de la Grande Œuvre comme cheminement spirituel mais aussi, contre Carl Gustav Jung dont il souligne toutefois l'érudition, de sa nature opérative et pratique) et de l'astrologie.
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La fosse de Babel



J'ai retrouvé avec plaisir ce gros pavé de plus de 600 pages, édité pour la première fois en 1962 et récemment réédité dans la collection "l'Imaginaire". Raymond ABELLIO est l'un de ces personnages fascinants, aux frontières de la philosophie, de la politique et de l'ésotérisme, flirtant en permanence avec un prophétisme échevelé et provocateur, fruit d'une série d'actions délibérées plutôt que d'un quelconque pouvoir surnaturel.



"La Fosse de Babel" est sans conteste son oeuvre romanesque majeure, suite d'un ouvrage plus anecdotique "Les Yeux d'Ezechiel sont ouverts". Le personnage central de ce récit, Drameille, cherche à former des hommes exceptionnels -des surhommes- destinés à conduire le monde. Et pour former cette nouvelle caste -celle du communisme sacerdotal, au-delà des clercs, des guerriers et des politiques- quoi de mieux que de mettre en situation de conflit objectif les extrêmes. Les survivants à cet affrontement seront assurément les meilleurs.... Le théâtre, une série d'usines américaines. Les acteurs, Santafé, ancien révolutionnaire espagnol chargé de fomenter des attentats anarchistes et Von Saas, ancien officier SS chargé de protéger par ses milices les industries menacées. Le récit, mené de main de maître à la première personne par Dupastre, écrivain, philosophe et ami de Drameille. Un homme ultime..... "Il existe, selon lui -Drameille- trois types d'hommes ultimes : le saint dans sa cellule, le chef communiste également dans sa cellule et le romancier n'importe où..."

"La Fosse de Bablel" est également un grand roman -non pas d'amour- mais dédié à l'amour, à la femme, que celle-ci soit "sauvage" ou "primitive" comme Marie Greenson ou qu'elle soit "ultime" comme Françoise de Sixte. ABELLIO possède une typologie de la femme très élaborée et fort personnelle qu'il nous détaille abondamment et qu'il utilise pour analyser les forces et les faiblesses d'un couple. C'est à une véritable étude des polarités entre homme et femme qu'il nous convie, et ce de façon magistrale "Par convention, nous disons que le sexe de l'homme est positif, car il est actif, et que celui de la femme est négatif, car il est passif ; mais inversement pour les cerveaux : c'est celui de la femme qui est positif, car il procède par intuition globale et immédiate, acte pur, tandis que celui de l'homme est négatif, car il procède par analyse et raisonnement, acte différé. Tout cela bien entendu pour l'homme et la femme dits normaux....."

"La Fosse de Babel", enfin, est un roman à couleur ésotérique, faisant suite aux essais d'ABELLIO en la matière comme "La Bible , document chiffré" ou "Vers un nouveau prophétisme" et annonçant son oeuvre maîtresse, "La structure Absolue". ABELLIO est obsédé par l'explication globale, structurale, et c'est par l'étude de la Bible et de la Kabale qu'il va déboucher, de façon étourdissante. On est, dans ce roman, aux prémices de la recherche...... d'une recherche qu'il prête du reste à ses personnages principaux, écrivains comme lui. "..nous découvrîmes enfin non ce que nous cherchions, mais ce qui nous cherchait, notre puits de science inconnu des cartes, bref ce que nous appelâmes spontanément la STRUCTURE ABSOLUE, parce qu'il s'agissait bien en effet, au sein de ce monde de relations opaques, de la structure unique qui les rassemblait et les éclairait toutes, comme le réseau invisible qui, d'une pierre brute, fait un cristal étincelent. C'était l'essence même de toute genèse, la genèse des genèses. C'était l'image géométrique de l'unique et gigantesque et perpétuel mouvement....."



En définitive, une oeuvre difficile, mais d'une richesse étonnante qu'il est toujours intéressant de (re)découvrir. (P.M.)



Et pour les amateurs d’Abellio signalons deux excellents ouvrages documentaires:

- Entretiens avec ABELLIO, par Marie-Thérèse de BROSSES, chez Pierre Belfont.

- La Structure Absolue, numéro 72 de la revue Question De, publiée par Albin Michel.

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La fosse de Babel

difficilement accessible....
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