ADMIRAL RICHARD BYRD ANTARCTIC RESEARCH
Je tentais de ne pas regarder vers le nord pour ne pas être déçu ; mais je le fis néanmoins, car peut-être au loin les feux du tracteur apparaissaient-ils. Une lueur vacillante me fit sursauter : ce n’était qu’une étoile à l’horizon. Le ciel était entièrement clair, sauf un pâle croissant d’aurore dans le quart de cercle nord-est. Cela me satisfit ; au moins ceux du tracteur pourraient-ils le voir, mais où qu’ils soient, me dis-je, aucun mortel ne peut voyager longtemps par un tel froid. Mes poumons paraissaient se resserrer à chaque souffle, et l’air que j’exhalais par l’ouverture du masque gelait et craquait.
Une grande aventure en solitaire, par un homme à la volonté phénoménale : on a peine à imaginer les conditions dans lesquelles il a vécu son hivernage... Un récit à lire !
Mais l'état de paix dont je parle ne s'obtient pas par la passivité. Il faut le gagner. La paix véritable s'acquiert par une lutte qui nécessite effort, discipline, enthousiasme. Ces chemins sont aussi ceux de la rigueur. Une paix qui exclut l'action mène à la sensualité et à la molesse qui tirent chacune de son côté. Souvent il faut lutter contre cette discordance. Voilà le paradoxe.
Non ma vie n'allait pas être si dure. Ici un homme n'avait pass besoin du monde, tout au moins de ce monde où règnent les habitudes et le besoin de sécurité. La Barrière, nue comme le platine, me suffisait et sur elle, du reste, je faisais à peine tache. Les seules choses à moi susceptibles de se voir étaient l'antenne de radio, la perche de douze pieds de l'anémomètre, surmontée de sa girouette argentée et des appareils à vent, l'abri à instruments, où se trouvaient thermomètres et barographes enregistreurs, les tuyaux de ventilation et la cheminée dépassant du toit. En quelques pas je pouvais tous les toucher et par une nuit sombre un voyageur ne les aurait sans doute pas aperçus à cinquante pas. Et pourtant tout cela ne me suffisait-il pas? Je songeais que la moitié du trouble de l'univers vient de ce que les hommes ignorent qu'ils peuvent se contenter de très peu.
Contre le froid, l'explorateur a des défenses simples mais efficaces, contre les accidents que comporte l'isolement, il n'a que ses ressources intérieures, son habileté ; à la nuit il n'a rien à opposer que son propre courage.