Malaisie, 1942. Le Pacifique et Singapour sont un bastion des britanniques qui n'ont pas retenu la leçon de l'épisode tragique de Pearl Harbor en 1941. Le Japon frappe vite, les britanniques ripostent beaucoup plus lentement. Singapour tombe.
On dit qu'il y a un avant et après une guerre et que cet "après" est différent si on est un simple civil, un homme politique, un riche commerçant ou un prisonnier de guerre.
Un projet pharaonique voit le jour, relier le Siam à la Birmanie pour rendre l'Asie à ses peuples et surtout pour créer une voie vers les britanniques, la voie de la dernière chance. Cette voie ferrée de la mort consumera des milliers de victimes, parmi lesquelles soixante mille prisonniers de guerre.
Dorrido Evans, double littéraire du père de l'auteur en fait partie. Le temps a passé, il a vu la fin de ce projet qui frôlait un absurde mortifère, il fait partie des survivants, de ceux qui ont la chance de pouvoir encore mettre un pied devant l'autre, d'effectuer des gestes anodins du quotidien, d'aimer une femme. On l'a érigé en héros de guerre, lui, ce médecin qui a lutté pour sauver des vies dans l'enfer des camps, lui qui n'était qu'un héros ordinaire parmi des héros tout aussi ordinaires.
Mais est-ce que ce reflet dans le miroir, cet homme désabusé qu'il entraperçoit, est vraiment le héros dont tout le monde parle, celui que tout le monde adule ?
Il ne se reconnait pas. Il a simplement survécu, rien d'autre. Il n'est qu'un homme, il n'a toujours été qu'un homme, avec ses doutes, ses peurs...
"La route étroite vers le nord lointain" nous entraîne sur le chemin des victimes, vers leurs souffrances, les privations, la faim, l'absence, la solitude, la maladie et la mort au milieu de la jungle. Le tribut est lourd et la vie bien peu de chose.
Les pages sont lourdes des cris de ces victimes, de la folie de la guerre à laquelle rien ne résiste, sauf peut-être l'amour. Celui, interdit, déraisonnable de Dorrigo pour Amy, la jeune épouse de son oncle, cet amour qui le hante encore, alors qu'il est pourtant étendu auprès d'une autre.
C'est un récit magistral que nous sert Richard Flanagan, un récit porté par le coeur, porté par les tripes. La langue est d'une précision chirugicale et plonge dans le coeur des personnages, sonde leurs âmes. Il n'y a rien de blanc ou noir, l'on doit apprendre à vivre ensemble malgré nos différences.
Rien de blanc ou noir donc, sauf peut-être l'horreur de la guerre qui prend, dans son cheminement vers ce nord lointain, une dimension universelle.
La dernière page tournée, une certitude s'est lovée dans mon âme, celle d'avoir vécu ces mots tantôt arides, tantôt riches, tantôt durs, tantôt doux, au plus profond de mon coeur, celle d'avoir été marquée au fer rouge.
Merci « Au Prix Relay des Voyageurs » pour ce moment de lecture !
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