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Citations de Richard Morgan (202)


Il ne savait pas dans quelle mesure cette désorientation était induite par Seethlaw pour le dominer, et quelle partie était la réaction ordinaire des humains après un moment passé dans les marches aldraines. D'une façon ou d'une autre, c'était assez horrible. Les paysages et les intérieurs qu'il croyait réels fondaient soudain sans prévenir, s'écroulant autour de lui comme des murs de cire creusés de lumière qui scintillait froidement comme le clair de bande sur une eau lointaine, et une impression s'être exposé au vide qui lui donnait envie de se recroqueviller dans un coin pour pleurer. Des silhouettes qui ne pouvaient pas être là allaient et venaient, se penchaient sur lui et lui délivraient des conseils aussi fragmentaires que cryptiques, chacun avec l'intimité froide de serpents qui siffleraient à son oreille. Il en connaissait certains, d'autre véhiculaient une impression de semi-familiarité cauchemardesque qui laissait penser qu'il aurait dû les connaître, aurait [i]pu[/i] les connaître, si sa vie avait été même marginalement différente. Eux en tout cas affectaient de le connaître, et c'est la logique onirique de leur certitude qu'il en vint à redouter le plus, car il était à peu près sûr de sentir des aspects de lui-même se détacher ou changer en réaction.
- [i]Si c'est vrai[/i], pontifiait Shalak par un chaud soir de printemps dans le jardin derrière l'échoppe, [i]s'il est avéré que les royaumes aldrains se tiennent en dehors du temps, ou du moins dans les bas-fonds le long de ses rives, alors les contraintes du temps ne doivent pas s'appliquer à ce qui s'y déroule. Réfléchis-y un moment. Ne pense pas à ces conneries des marais, sur les jeunes hommes séduits par les donzelles aldraines, qui passent une nuit avec eux et les renvoient à la maison quarante ans plus tard. Ce n'est pas le plus grave. Une absence de temps présuppose une absence de limites quant à ce qui peut se passer à n'importe quel moment. On vivrait un million de possibilités différentes en même temps. Imagine la volonté qu'il faudrait pour survivre à ça. Le paysan humain de base perdrait la tête aussitôt. Réfléchis-y[/i], répéta-t-il en se penchant assez près pour murmurer. [i]Fais un bisou, Gil.[/i]
Ringil tressaillit. Shalak trembla et disparut. Ainsi qu'une grande partie du jardin derrière lui. Flaradnam arriva par l'espace flou que cela laissa, s'assit en face de Ringil comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.
- [i]Oui, Gil, mais si je m'étais comporté comme ça à la passe des Gibets, où cela nous aurait-il menés ? Je ne serais jamais revenu en un seul morceau.
- Comporté comment ? [/i](Ringil secoua la tête, comme engourdi, en regardant les trait anthracite devant lui.) [i] Tu n'es pas revenu, 'Nam. Tu n'es jamais allé à la passe des Gibets. Tu es mort que la table d'opération.[/i]
Flaradam fit la grimace, comme si on venait de lui raconter une plaisanterie de très mauvais goût.
- [i] Arrête ! Alors, qui a mené la charge à la Passe, si ce n'était pas moi ?
- Moi.
- Toi ?
- Oui ! Moi ! [/i](Il criait.)[i] Tu étais mort, 'Nam, bordel ! On a laissé ton cadavre aux lézards.
- Gil, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu ne vaspas bien.[i]
Et ainsi de suite.
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- J'ai vu comment tout ça se termine. Un jour, dans une ville où les gens s'élèvent dans le ciel sans plus d'effort qu'il leur en faut pour respirer, où ils donnent en présent leur sang à des étrangers, au lieu de le voler par le fer tranchant et la rage comme nous le faisons, un jour, dans un endroit de ce genre, cette salope sera suspendue derrière une vitrine pour que les enfants la regardent. (Grashgal avait soulevé l'Amie des Corbeaux d'une main, avait porté quelques coups dans l'air, et l'épée avait murmuré pour elle-même dans la pénombre éclairée par le feu.) Je l'ai vu, Gil. Ils regardent ce truc au travers de la vitrine où on l'a rangée, ils posent leur nez si près que le verre est troublé par leur haleine, et on voit la petite empreinte de leurs mains qui disparaît dans la condensation, après qu'ils ont filé voir autre chose. Et ça n'a aucun sens pour eux. Tu veux savoir pourquoi ?
Ringil avait eu un geste aimable depuis les profondeurs du fauteuil où il était vautré. Lui-même n'était pas vraiment à jeun.
- Non... enfin, oui. Je ne sais pas, je veux dire. Dis-le moi.
- Personne dans cette ville-là ne comprend, Gil, parce que cela ne compte plus pour eux. Ils n'ont jamais appris à craindre l'acier et les hommes qui le portent, et aucun d'entre eux ne l'apprendra jamais, parce qu'ils n'ont aucune raison pour ça. Parce que, dans cet endroit que j'ai vu, ce genre d'homme n'existe plus. Nous n'existons plus.
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Il se produisit ce que Ringil avait espéré. Il entendit le claquement pétrifiant de cordes d'arbalètes à bout portant. Toutes les trois - éduqué par de petits accrochages, il les compta et sut. Varid sursauta sous l'impact. Un carreau traversa l'épaule du gros homme et faillit arracher le nez de Ringil. Les deux autres partirent ailleurs, Ringil n'aurait su dire où.[i]L'arbalète - voilà une arme franchement inutile.[/i] Il sourit - un soulagement rapide, une accélération du pouls. Sentit plus qu'il vit les hommes de Hale déferler depuis leurs alcôves. Les carreaux tirés, l'avantage abandonné - on en arrivait à l'acier. Il écarta le cadavre de Varid, laissant le poignard où il était, et gagna quelques pas nécessaires tandis qu'ils se précipitaient sur lui. Les minutes du combat parurent se détacher les unes des autres, étirées et irréelles...
Ses mains libérées se levèrent toutes les deux vers le pommeau, si naturelles, si fluides, qu'on aurait dit une machine kiriathe, comme si lui-même était un de ces mannequins à mécanisme kiriath si finement ouvragés, construit pour compléter l'acier.
Il sentit le baiser familier de la poignée contre ses paumes, sentit le sourire sur son visage se muer en feulement.
Le tintement froid quand le fourreau abandonna son étreinte.
L'Amie des Corbeaux était sortie.
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Le visage de la fille lui siffla dessus, exactement comme le serpent qu'il paraissait être.
- À part cela se trouve un niveau d'intelligence, ô Poltar aux dix puissantes saillies, que votre espèce mettra des millénaires à acquérir. Mais, le plus important, c'est que tuas demandé l'intervention des Habitants. Tu nous as appelés, dans tes prières et dans tes rêves, tu as tranché la gorge de petits animaux pour nous à chaque occasion et but leur sang, tu as brûlé des pots pleins de cet encens surestimé dont vous pensez qu'il attire notre attention. Tu voulais les Habitants, eh bien tu les as, et ce ne seront pas les compagnons de jeu que tu imaginais, [i]tu peux en être totalement assuré[/i]. (la chose dans la fille avait imité avec une satisfaction évidente les paroles prononcées par Ajana une heure plus tôt.) Je t'apporte un message de mon frère Hoiran, celui que tu appelles Urann. Ce message est : "Attends et observe. "
Le chaman posa une main sur la douleur brûlante entre ses jambes.
- Urann se vengera-t-il du Tueur de Dragons ? demanda-t-il derrière ses dents serrées. Serai-je vengé ?
- Cela, dit Kelgris avec douceur, dépend de la façon dont tu te conduiras. Si tu te comportes comme il est digne d'un, hum, Voyageur de la Route du Ciel, cela t'aidera sans doute. Déplais-nous, et je ferai de ton âme un jouet dans l'enfer glacé au-delà de ce monde. Quelque chose dans ces eaux-là. Quant à ceci... (Le poing entre les cuisses de la fille déplia un index sans desserrer l'étau sur le sexe de Poltar. Le doigt percuta son scrotum flétri par la peur.) ... ceci pourrait peut-être amuser mon frère dans un de ses mauvais jours, mais moi, cela ne me fait pas rire. Un saint homme doit être chaste pour canaliser son énergie là ou elle est le plus nécessaire. Chaste. Te rappelles-tu le sens de ce mot ?
La main serra encore plus fort. Poltar sentit la peau craquer, et l'humidité soudaine du sang.
- Oui, couina-t-il, oui, chaste.
- Tu ne déverseras plus ta semence de la sorte sans ma permission. Est-ce bien clair ?
- Oui, oui, oui.
Il pleurait de douleur. La main le lâcha aussi abruptement qu'elle l'avait empoigné, et le chaman chancela en arrière, puis s'abattit au sol.
- Alors, prosterne-toi, dit la voix toujours aussi douce et raisonnable. Prosterne-toi et, hum, réjouis-toi, les dieux te sont revenus.
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Elle le laissa face à la porte. Il s'arrêta un instant, puis y inséra la clé, la tourna et entra dans le petit espace parfumé qu'elle abritait.
Des bougies d'encens brûlaient dans les coins de la chambre, émettant plus de fumée que de lumière. Les ombres s'agitèrent sur les murs comme d'impatients spectateurs quand son entrée fit vaciller les flammes. Une fenêtre étroite montrait de vagues étoiles au-dessus de la plaine autour de la ville. Au centre de la pièce, la fille était attachée sur un cadre en Y inversé suspendu à un système de poulies, les bras liés au-dessus de la tête, les jambes écartées le long des bras du Y. Ses membres luisaient d'avoir été oints récemment, et la masse de cheveux noirs autour de son visage était encore humide. Elle était maquillée à la mode su Sud, les paupières alourdies de khôl et les joues peintes de symboles yhelteths, quoiqu'elle fût très clairement originaire de Trlayne. Sous tout ce fard, elle était très jeune et, vit-il, effrayée.
Le grognement de satisfaction du chaman parut monter de son ventre.
- Tu as raison de me craindre, putain, dit-il d'une voix grasse en fermant la porte avec son dos, parce que je vais te faire mal, comme tu mérites de souffrir !
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- Devrais-je vous être reconnaissant ? murmura-t-il.
Kaad soutint son regard.
- Oui je pense que vous le devriez. Il aurait été tout aussi facilement pu se trouver deux cages à la porte Est, au lieu d'une seule.
- Non, pas facilement. Pas pour un lèche-bottes, un petit aspirant social comme vous, Kaad. Pas avec la chance rêvée de se retrouver à téter au sein généreux des Eskiath. (Ringil se fabriqua un sourire - il le ressentit comme une obscénité lorsqu'il rampa sur son visage - comme une blessure.) N'avez-vous pas avalé tout ce que vous pouviez, petit homme ? Que voulez-vous encore ?
Et maintenant, il le tenait. La même rage tempêtait derrière le visage de l'homme, et cette fois elle trouva prise. Le sourire s'évapora, le masque du praticien se durcit à la bouche et aux yeux, et ses joues à la barbe soignée s'assombrirent d'une fureur impossible à dissiper. Les origines de Kaad le ramenaient du côté du port ; les hautes familles n'avaient jamais masqué leur dédain pour lui tandis qu'il s'élevait dans les rangs de la législature. La chevalière et les insignes avaient été difficiles à obtenir, les sourires raides, et les invitations de la bonne société des Clairières avaient été arrachées comme du sang ; un respect prudent, à défaut d'une accpetation - [i]l'acceptation ? jamais ![/i] - soutiré au coeur aristocrate trompeur de Trelayne à la fois par la ruse et par des calculs froidement réfléchis, par des marchés prudents et un jeu de pouvoir masqué. Dans le rictus de Ringil, l'autre homme entendit le grincement de son radeau social accolé aux nobles embarcations aristocrates, sentit sa fragilité et l'eau glacée qui s'ouvrait sous cette progression artificielle. Il sentit combien, à un niveau viscéral, qui n'avait aucun rapport avec la richesse matérielle ou le rang affiché, rien n'avait changé, rien ne changerait jamais. Kaad restait l'invié toléré mais guère apprécié dans la maison, le grossier intrus venu du port qu'il était depuis toujours.
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- Si Urann Le Gris a quelque chose à me dire, annonça-t-il fortement, il peut venir me le dire en personne. Il n'a pas besoin d'un vieux vautour trop usé pour gagner sa pitance en guise d'émissaire. Je suis là, Poltar. (Il écarta les bras.) Appelle-le. Appelle Urann. Si j'ai commis un sacrilège, qu'il ouvre le ciel et me terrasse sur le champ. Et sinon, eh bien, nous saurons que tu n'as pas son attention, n'est-ce-pas ?
On entendit quelques hoquets de respiration retenue, mais c'était le bruit que font les badauds devant un spectacle de rue, et non celui de leur foi outragée. Et le chaman le regarda d'un œil venimeux, mais n'ouvrit pas la bouche. Egar masqua une joie sauvage.
[i]Je te tiens, enculé ![/i]
Poltar était piégé. Il savait autant qu'Egar que les Habitants ne se manifestaient guère ces jours-ci. Certains disaient que c'était parce qu'ils étaient ailleurs, d'autres parce qu'ils avaient cessé d'exister, et d'autres encore parce qu'ils n'avaient jamais été réels. Au final, comme l'aurait dit Ringil, [i]on s'en battait les couilles, des raisons[/i]. Si Poltar appelait Urann, il ne se passerait tien, et il serait ridicule, et surtout paraîtrait impuissant. Et le flirt d'Egar avec le sacrilège pourrait être sans risque imité par d'autres hommes du clan, en tant qu'honneur du guerrier face à ce vieux ahrlatan mangé aux mites.
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Mais il y avait les autres.
Les faibles et les imbéciles, par dizaines, blottis à présent parmi leurs égaux, effrayés par la nuit froide au-delà de leur feu de camp et de tout ce qu'elle contenait. Effrayés presque autant par tout ce qui pourrait perturber une vision bordée de vastes ciels vides et de l'horizon inchangé de la steppe. Egar vit leur visage, les reconnut grâce à ceux qui se détournaient quand il croisait leur regard.
Et derrière ces visages, se nourrissant et jouant de ces peurs, les avides, les installés, ceux dont la haine du changement émanait d'un souci plus prosaïque : ce qui perturbaient l'ordre ancien mettrait en péril leur propre position privilégiée dans le clan. Ceux pour qui le retour héroïque du Tueur de Dragons avait été salué non avec joie, mais avec une méfiance froide et une vive inquiétude pour la propriété des troupeaux et la hiérarchie du clan. Et dans leur nombre, constata-t-il avec honte, figuraient au moins quelques-uns de ses frères.
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- Le Comité de morale publique n'a jamais dépendu de Kaad pour trouver son venin. Il existe une haine générale dans le coeur des hommes. Tu as fait la guerre, Gil, tu devrais le savoir mieux que personne. C'est comme la chaleur du soleil. Des hommes comme Kaad sont simplement des personnalités locales, comme des lentilles pour concentrer les rayons du soleil sur des brindilles. On peut briser une lentille, mais cela n'éteint pas le soleil.
- Non, mais ce sera plus difficile de déclencher un incendie.
- Pendant un temps, oui. Jusqu'à la prochaine lentille, ou le prochain été caniculaire, et les feux reprennent.
- Tu deviens un peu fataliste sur tes vieux jours, mon con. (Ringil désigna les lumières des autres maisons.) À moins que ce soit lié à tes nouveaux quartiers de résidence?
- Non, c'est l'âge. Quand on vit assez longtemps, on apprécie davantage la valeur du temps qui reste. Assez longtemps pour reconnaître la fausseté d'une croisade quand on est appelé pour la mener. Par les dents d'Hoiran, Gil, tu es la dernière personne à qui je devrais avoir besoin de le dire. Tu as oublié ce qu'on a fait de ta victoire ?
Ringil sourit, sentit l'expression couler sur son visage comme du sang versé. Un réflexe, pour se barricader contre cette vieille douleur.
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- Avec un plafond pareil, tu vas te faire arrêter, Grâce, dit-il d'un ton distant.
- Pas dans ce quartier. (Milacar le rejoignit à la balustrade et inspira l'air des Clairières comme un parfum.) Le Comité ne fait pas de visites à domicile par ici. Tu devrais le savoir.
- Tout n'a pas changé, alors.
- Non, les inégalités demeurent.
- Oui, j'ai vu les cages en arrivant.
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- Tu ne comprends pas, Gil. (Grâce-du-Ciel afficha un nouveau sourire incertain.) Je n'ai pas dit étaient morts, j'ai dit que seule leur tête est revenue. Chacune vivante, greffée à une souche d'arbre de vingt centimètres de haut. (Ringil le regarda sans répondre.) Vas-y. Explique-moi ça.
- Tu l'as vu ? De tes propres yeux ?
Un hochement de tête tendu.
- À une réunion de loge. Ils ont sorti une des têtes, placé les racines dans un bol d'eau, et, environ deux minutes après, ce putain de truc ouvre les yeux et reconnaît le maître de loge. Ça se voyait à son expression. Il ouvre la bouche, essaie de parler, mais il n'a pas de gorge, pas de cordes vocales, alors on n'entends qu'un cliquetis et les lèvres qui bougent, la langue qui sort, puis ça commence à pleurer, les larmes coulent sur ses joues. Milacar déglutit péniblement.) Après cinq minutes comme ça, ils sortent le machin de l'eau, et ça s'arrête. D'abord les larmes, comme si elles s'asséchaient, puis toute la tête arrête de bouger, ralentit comme un vieux qui meurt dans son lit. À part que la tête n'est pas morte. Dès qu'on remet de l'eau... (Il eut un geste impuissant de la main?) Ça recommence, pareil.
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Sa magnificence Jhiral Khimran II, fils aîné d'Akal Khimran, dit "le Grand", et à présent par succession royale châtelain d'Yhelteth, moniteur des sept tributs saintes, maître lecteur de la Prophétie, commandant en cher des forces armées impériales, seigneur protecteur des hautes mers et juste empereur de toutes les terres, ne leva pas tout de suite le regard du corps alangui de la jeune femme avec laquelle il jouait.
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La Chambre des Confidences était un radeau couvert d'une tente, fait de bois rares et de soie, ancré au centre d'un bassin fermé de cinquante mètres de diamètre, dont les seules fenêtres se situaient dans le toit. L'eau tombait en cascade le long des murs de marbre soigneusement sculptés de la pièce, rendant toute écoute impossible, et les eaux du bassin étaient peuplées de pieuvres particulièrement intelligentes qu'on nourrissait souvent de criminels condamnés. Ce qui se disait dans la Chambre des Confidences n'était destiné qu'aux oreilles auxquelles l'empereur faisait toute confiance, ou à celles qui n'en sortiraient pas. Et, en ces temps incertains, il n'était pas toujours facile de savoir à quel groupe l'on appartenait.
Archeth observa avec une indifférence droguée les coups d'œil furtifs que lançaient au bassin les deux courtisans supérieurs qui avaient entrepris de l'amener jusque-là. Sous les vaguelettes, il était impossible de distinguer quoi que ce soit avec certitude. Une tache tremblante de couleur pouvait être une pieuvre ou simplement une pierre. Une ligne sous l'eau était un tentacule, ou juste une algue. L'expression des courtisans reflétait chacune de ces incertitudes comme s'ils souffraient de quelque désordre intestinal, et la lumière pâle et ondulante de la pièce conspirait à souligner encore leur teint maladif.
Le visage de l'esclave qui servait de passeur révélait quant à lui aussi peu d'émotions qu'une pierre. Il se savait nécessaire pour ramener l'empereur, et était de toute façon sourd-muet, choisi avec soin, peut-être même mutilé spécialement pour sa charge. Il ne risquait ni d'entendre ni de révéler un secret.
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Commentaire d'introduction du traité sur les tactiques de tirailleurs que l'Académie militaire de Tirelayne avait poliment refusé de publier sous son nom : " Si vous ne connaissez pas les hommes sous vos ordres par leur nom, ne vous étonnez pas s'ils ne vous suivent pas au combat. Mais ne vous étonnez pas non plus s'ils vous suivent, car d'innombrables facteurs entrent en ligne de compte. Le commandement est une ressource fuyante, difficile à tenir ou à comprendre. " C'était la vérité, pure et simple, acquise à l'avant-garde sanglante de certains des plus âpres combats que les ville libres avaient connus de mémoire d'homme. Mais c'était, avait gentiment écrit le lieutenant éditeur de Trelayne, "trop vague pour que l'Académie considère cela comme une base d'entraînement. C'est l'ambivalence, plus qu'autre chose, qui nous conduit à décliner votre proposition. " En voyant cette dernière phrase sur le parchemin, Ringil s'était dit qu'une âme sœur l'avait rédigée.
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- Travailler pour cette salope de Kawahara. C'est une putain de raclure d'avortement, une salope de Math qui vaut même pas le prix de sa pile, pourquoi vous ...

[...]

- Écoutez.
Longue pause. J'ai écouté, pendant que Trepp fronçait les sourcils, buvait une gorgée de son verre et le reposait avec un soin exagéré. Elle a agité son doigt vers moi.
- Faut pas juger si on veut pas être jugé, a-t-elle bredouillé.
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L'autre m'a fixé des yeux comme s'il n'avait pas mangé de viande depuis longtemps.
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Annoncer à un officiel des NU que vous êtes quelliste revient à avouer que vous travaillez dans un abattoir à un dîner végétarien.
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En m'habillant devant le miroir cette nuit-là, j'ai été convaincu que quelqu'un d'autre portait mon enveloppe. Que j'en étais réduit au rôle de passager dans la voiture d'observation située derrière mes yeux.
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Il y a six semaines, je me suis fait assassiner, un acte que les policiers chargés de l'enquête, pour des raisons qui leur sont propres, ont choisi de considérer comme un suicide. Les meurtriers ayant en définitive échoué, je ne peux que supposer qu'ils essaieront de nouveau et, compte tenu de l'attitude de la police, ils pourraient bien réussir ...
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Ressusciter n'est pas toujours facile.
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