Citations de Rolo Diez (97)
(Un chaton qui parle)
Comment c'est d'être un chat?
- Chido. Super.
- Je jure que personne ne pourra devant moi t'accuser de manquer d'esprit de synthèse. C'est tout?
- Non. ça peut être chiant aussi. C'est chido quand on mange et qu'on dort bien, qu'on va à la chasse aux papillons, qu'on poursuit une jolie minette ou qu'on fait ses griffes contre les fauteuils. Mais quand il faut supporter des débiles qui te traitent comme si tu étais une poupée ou un chien, ou qui ne supportent pas ton goût de l'indépendance parce qu'il leur rappelle leur propre servitude, alors oui, c'est dur. C'est comme écrire. Il y a des hauts et des bas.
- A quelle heure revient-il ? ai-je demandé.
- Il ne va pas tarder, répondit sa secrétaire.
Une vraie nymphe, une poupée. Elle était bandante, mais pas autant qu'elle le croyait.
Le bureau où elle m'a reçu était tout en verre, en tapis, en tableaux et en diplômes accrochés aux murs. J'ai déboutonné ma veste et je me suis assis de façon à ce que la bêcheuse ne puisse voir la tache de graisse qui souillait mon pantalon. Avant, j'arrivais à m'asseoir sans déboutonner ma veste, mais depuis quelques temps, j'ai l'impression que mon estomac assimile rétroactivement tous les tacos et les bières avalés pendant quatre décennies.
Ce n'est pas normal, le monde est mal fait, mais ça, on le savait. Tout comme on sait que la réalité ressemble à une gargote : il faut avoir un sérieux coup dans le nez pour s'y sentir bien.
Ils vont et viennent. Ils m'observent d'un œil scientifique, comme si j'étais un cafard de laboratoire dont on étudie les réactions. Parfois je me réveille et je suis seul. Peu de temps après apparaît une infirmière brandissant une seringue et cherchant un endroit pour me planter. Dieu sait quel poison elle m'injecte. Celle que je crains le plus me rappelle Mengele et l'histoire du prisonnier qui a échappé à la mort en devinant que l'œil de verre d'un certain officier allemand était celui où brillait une lueur d'humanité.
Je me suis réveillé à neuf heures. On me tendait une bière et on me passait une main dans les cheveux. La caresse était aux petits oignons. La bière était un peu trop froide à mon goût mais je n'ai pas eu le courage de le dire à Gloria, compte-tenu de l'amour qu'elle me donnait. Je sais que ce sont des pièges que nous tendent les femmes, mais je sais aussi à quel point il importe pour un homme de ne pas être coiffeur ou rond-de-cuir et de commencer la journée en se faisant dorloter. Malinche devait réveiller Hernan Cortes de cette façon. C'est ainsi que nous tombons dans le panneau et que nous terminons en pleurs sous un grand arbre ou assis dans le salon à regarder la télévision.
- Debout fainéant ! m'a-t-elle dit avec le sourire, comme si ce n'était pas elle qui m'avait empêché de dormir.
- Je devrais être au travail, ai-je répondu, contrarié, en lui montrant le réveil. Je t'ai demandé de me sonner à huit heures.
- Je t'ai sonné à huit heures. Tu m'as dit que ceux qui se levaient de bonne heure étaient des bœufs, tu t'es retourné et tu t'es mis à ronfler.
- Cette bière est trop froide.
- A huit heures, elle était à la bonne température.
Elle ne souriait plus.
J'ai bu en silence. J'ai réfléchi à la facilité avec laquelle les femmes changent d'humeur.
Quasimodo me regarde d'un air triste et je découvre que la tristesse est amplifiée par la laideur. La tristesse la plus discrète du monde est celle de Kim Basinger car elle est très belle quand elle pleure. Kim sourire, Kim lunettes, Kim larmes ne sont que différentes versions de ses lèvres, de ses yeux, de sa peau. La tristesse du laid est si pure qu'elle en devient pathétique. D'où le succès de Frankenstein, de Quasimodo (celui de Victor Hugo) et autres monstres "gentils". Laids et tristes, ils sont convaincants. La laideur se dissout et s'intègre à la tristesse, s'ajoute à celle-ci et l'accroît.
Je me dis que j'ai eu de la chance et je respire la pollution à pleins poumons tout en sirotant une bière qui aurait été à point si on l'avait laissée trois minutes de plus au frais.
Ils ont fait ce qu'il fallait : ils l'ont jouée fine et ils ont brouillé les pistes. Quand quelqu'un travaille de cette façon, sans dévoiler ses motivations ni ses objectifs, il donne du fil à retordre à un policier mexicain (ou à n'importe quel policier de la terre, je suppose). Celui-ci entrera alors dans le premier bistrot venu, noyer son désespoir et sa stupeur dans la tequila.
Au millier de livres hérités de mon père -"Lis, mon garçon. Le secret de l'échec de l'humanité est contenu dans les livres"- s'ajoute un autre millier que j'ai moi même rassemblés en 25 ans. Certes, il y en a beaucoup que je n'ai pas lu faute de temps, mais cela me rassure de savoir que ces étagères abritent la plus grande enquête sur les crimes commis durant le million d'années écoulées ainsi qu'une tentative de réponse à la grande interrogation des hommes: si la vie est brève comme un soupir, pourquoi nous obstinons nous à la vivre de la pire façon, à être si irrémédiablement cons et à en baver autant?
- Attends-moi avec une bière glacée et un bon dîner. Je te mangerai en dessert.
- Que de promesses ! a-t-elle dit en riant. Je connais bien ce rire. Comme tous les mâles, il ne m'en faut pas plus pour devenir son esclave.
La deuxième tequila m'a aidé à résoudre l'affaire. La clé du mystère était une blonde qui savait se transformer en blond. Or, tout le monde sait que le meilleur endroit pour cacher un arbre, c'est la forêt. N'avons-nous pas eu une blonde sous les yeux depuis le début ? Et cette blonde menait-elle pas une vie tortueuse auprès de Jones ? Ne l'avais-je pas vue - moi qui ne rate jamais une belle paire de fesses - les cheveux massés en chignon ? Un chignon qu'on pouvait aisément dissimuler derrière le col relevé d'un blouson de cuir... Le responsable de l'hôtel assurait avoir vu un travesti. Outre la facilité avec les témoins transforment un métisse en noir et un Péruvien en Japonais, un travesti n'est rien d'autre qu'un homme déguisé en femme, et entre un homme déguisé en femme et une femme déguisée en homme, on a vite fait de se tromper.
Bucareli est un quartier dur, sale, moche, pollué et bruyant. Le jour où le choléra arrivera à Mexico, il s'installera à Bucaleri, parmi les clodos et les chiens errants, les légions de rats et les montagnes d vieux journaux. Pourtant, Bucareli est un endroit sans tricherie. On a beau conserver des ruelles coloniales à Coyoacan, on a beau construire des rocades aux quatre coins de la ville et fabriquer des quartiers européens pour touristes, Mexico City est une saloperie. A Bucareli, il n'y a pas de place pour les bœufs et les policiers font leur travail.
J'ai demandé à la réceptionniste d'appeler Rosario. La jeune femme est descendue puis elle est revenue en compagnie d'une panthère ondoyante aux cheveux noirs bouclés, maquillée comme une top model et perchées sur des talons de dix centimètres. Cinquante-six kilos de sexe et de vitalité. En la regardant plus attentivement, j'ai reconnu Rosario.
- Alors, mon roi !
Minauderie et bise sur la joue.
Disons-le tout net : n'importe qui peut avoir envie d'un petit cul et d'une bonne pipe, mais ce dont un homme a besoin, c'est d'une femme qui lui sourit, l'embrasse sur la joue et lui ment gentiment en l'appelant mon roi.
La deuxième bière était glacée, un vrai régal. Il n'était pas difficile de faire en sorte qu'une bière soit glacée. Ni tiède ni congelée, juste glacée. Cela semblait si simple que j'ai presque osé penser que même ma femme devrait y arriver.
Maribel a déployé son sourire tropical et laissé pointer le bout de sa langue : promesse de fellation qui m'a chatouillé le ventre.
L'avenue Révolucion semblait être celle de la jeunesse. Outre les enfants du pays, des troupes de jeunes Gringos foulaient joyeusement le sol de ce territoire libre. En Californie, ils sont mineurs jusqu'à 21 ans et, bien qu'ils trouvent de l'opium et des armes de guerre à chaque coin de rue, ils ne peuvent entrer dans un bar et commander une bière, encore moins visiter les antres où la vie danse, une fleur argentée sur chaque téton. Ils viennent donc à Tijuana et cela se comprend. Encore que comprendre soit une chose, supporter en soit une autre. Si cela ne tenait qu'à moi, je les enverrais tous travailler pendant 6 ans dans une usine de sous-traitance, puis pendant quatre autres, ils iraient gagner leur vie aux champs; je les obligerais à s'habiller comme des êtres humains, je leur imposerais le voeu de silence et les récalcitrants seraient muselés. Telles sont les méthodes pédagogiques de Carlos Hernandez.
Je suis allé à Zona Rosa pour essayer de trouver les Trois Maria. Qui leur a donné ce surnom ? Je n'en sais rien. Elles-mêmes, peut-être (en vertu de ce goût qu'ont les putes pour les noms d'artiste), se voyant comme des étoiles dans un ciel tropical, descendues égayer la ville grise et apporter un rayon de lumière aux cœurs solitaires. A moins que l'idée ne vienne d'un client, un "mister" quelconque qui connaissait le folklore mexicain de supermarché.
Parce qu’il est insupportable de faire du mal à la femme qu’on aime… Parce que ce coup de folie vous vide la tête d’un mec et ne laisse à la place de sa cervelle que de la tequila, de la rage et de l’herbe, le rendant incapable de penser, de se repentir ou d’oser décevoir les putains qui s’attendent à le voir agir comme un homme et pas comme une pédale… Parce que vous vous obstinez à rechercher le mépris dans le visage le plus aimé… Parce que vous prenez la décision malheureuse de lui faire payer le manque d’amour… Faites le compte et vous constaterez qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. On est déficitaire à tous les coups. On peut juste espérer que la magie de la première fois rende amoureuse la femme qui vous rejette, comme ça arrive dans les bandes dessinées et dans les films que nous connaissons tous : d’abord la dame pique une crise de nerfs et ensuite, sans qu’on sache bien comment, survient la passion.
Elle était comme un jambon de jabugo et un vin du terroir. Succulente et juteuse. Frôlant la quarantaine, elle avait la chair ferme et des rondeurs bien réparties.
Les amis ne sont pas foule. Les citoyens respectables ont l’ambition de rentrer chez eux entiers et avec quelques billets en poche. Seuls les plus forts survivent, c’est la loi du quartier.