Citations de Ronald David Laing (102)
Les significations dans l’environnement ou dans l’autre ne nous apparaissent que dans la mesure où nous-mêmes sommes des êtres signifiants.
L’Histoire est l’œuvre de toute l’activité de tous les hommes et elle leur apparaît comme une force étrangère dans l’exacte mesure où ils ne reconnaissent pas le sens de leur entreprise dans le résultat total objectif (même si leur entreprise est localement réussie).
La philosophie n’existe pas. Ce n’est rien qu’une abstraction hypostasiée. Il y a tout simplement des philosophies –ou plutôt une seule philosophie vivante à une époque donnée.
Le langage est objectivation, c’est l’occasion pour l’Autre de s’approprier ma réalité subjective.
Notre conception de l'autre dépend de notre disposition à recourir à tous les pouvoirs qui sont en nous dans l'acte de compréhension. Il semble ainsi que nous devions nous orienter vers cet autre de manière à laisser ouverte la possibilité pour nous de le comprendre. L'art de comprendre les aspects d'un individu que nous observons en tant qu'expressions de son être-dans-le-monde nous impose de relier ses actions à sa façon de ressentir la situation dans laquelle il se trouve avec nous.
Freud disait des hystériques, comme Fromm-Reichmann le dira plus tard des schizophrènes, qu’ils avaient besoin à la fois de donner et de recevoir plus d’amour que la plupart des gens. On pourrait inverser la phrase. Si vous avez besoin de donner et de recevoir trop d’ « amour » (quel que soit le sens qu’on donne au mot), vous courez un grand risque de vous voir appliquer le diagnostic de schizophrénie. Ce diagnostic vous attribue l’incapacité, en gros, de donner ou de recevoir l’ « amour » comme il sied à un adulte. Si vous souriez à cette idée, cela pourrait confirmer le diagnostic, car vous souffririez alors d’ « affectivité inadaptée »
La fonction comme praxis vécue apparaît dans son objectivation en tant que structure. La structure est l’objectivation de la fonction. Quelle est alors l’intelligibilité de la structure ?
Comment pouvons-nous penser l’Histoire humaine afin qu’elle soit intelligible et de quelle manière pensons-nous si nous la trouvons intelligible ou quand nous la comprenons ?
La facticité de la liberté réside en ceci que la liberté n’est pas libre de ne pas être libre.
Ce qui caractérise la mauvaise foi des marxistes contemporains, c’est la façon qu’ils ont de se cacher leur propre recours à des interprétations téléologiques.
Le schizophrène qui dit s'être suicidé peut ne pas vouloir dire qu'il s'est tranché la gorge ou jeté à l'eau [...]. Pour un patient de ce genre, il serait probablement absurde de tenter de tuer son moi en se tranchant la gorge, dès lors que son moi et sa gorge n'ont peut-être à ses yeux qu'un rapport extrêmement lointain et ténu, si ténu que ce qui arrive à l'un ne saurait avoir que peu d'effet sur l'autre. Son moi est en réalité non incarné.
W. James évoquait la situation, assurément imaginaire, de celui qui traverserait la vie sans être jamais remarqué (sinon encore reconnu) par personne. « Aucun châtiment plus diabolique ne saurait être imaginé, écrit le psychologue anglais - s’il était physiquement possible - que d’être lâché dans la société et de demeurer totalement inaperçu de tous les membres qui la composent ». Une telle expérience conduirait sans aucun doute le sujet aux confins de la folie.
Nous parlions d’une situation imaginaire : mais comment ne pas la voir en germe dans l’anonymat des villes ? Comment surtout ignorer qu’elle est quasi réelle pour bon nombre de personnes - tous ceux que la maladie, la vieillesse, le rejet social condamnent à « la plus haute des solitudes »?
Lorsque nous avons affaire à des faits ambigus dans un langage qui essaie d’être non-ambigu, nous atteignons inévitablement un nouveau niveau d’ambiguïté.
[La maladie mentale est une] issue que le libre organisme, dans son unité totale, invente pour pouvoir vivre une situation invivable.
[Préface de JP Sartre]
… quand chez l’être humain, un système de réactions pulsionnelles ne rencontre pas chez autrui une réponse définitive adéquate, l’angoisse apparaît.
… beaucoup de gens décrivent l’expérience de leur incapacité à quitter « la maison », à quitter l’autre personne ou le nexus de personnes qui faisaient primitivement partie de leur vie. Ils sentent que leur mère ou leur famille les étouffe. Ils ont peur et ils ont envie de se sauver. Mais plus ils ont peur, plus leur famille est effrayée et devient effrayante. Ils cherchent la sécurité en s’accrochant à ce qui les effraie comme quelqu’un qui, ayant posé la main sur une assiette brûlante, l’appuie plus fort au lieu de la retirer ; ou comme quelqu’un qui mettant le pied dans l’autobus au moment même où il démarre, s’accroche « instinctivement » à l’autobus, objet le plus proche et le plus dangereux, alors que la conduite « raisonnable » consiste à lâcher prise.
Ceux qui se trompent eux-mêmes sont obligés de tromper les autres. Il m’est impossible de préserver une fausse image de moi si je ne falsifie pas votre image de vous-même et de moi. Il faut que je vous dénigre si vous êtes sincère, que je vous accuse d’être un fantoche si vous cédez à mes désirs, que je vous traite d’égoïste si vous suivez votre voie, que je me moque de votre immaturité si vous essayez d’être généreux, et ainsi de suite. Quiconque se trouve pris dans un pareil embrouillamini ne sait plus à quel saint se vouer. Dans ces conditions, ce que nous appelons psychose est peut-être un effort désespéré de se raccrocher à quelque chose. Rien d’étonnant que ce quelque chose soit parfois ce que nous appelons « délusions ».
L’ « inconscient », c’est ce que nous ne communiquons pas, ni à nous-mêmes, ni aux autres. Nous pouvons transmettre quelque chose à quelqu’un sans nous le communiquer à nous-mêmes. Quelque chose concernant Pierre saute aux yeux de Paul, sans être évident pour Pierre. Tel est l’un des sens de la phrase : « Pierre est inconscient de… »
Tu ne t'intéresses pas à moi , tu ne t'intéresses qu'à m'intéresser à toi.
Le scandale n’est pas dans la simple existence de l’autre, mais dans la violence subie ou menaçante, dans la saisie que fait chacun de l’autre comme étant surnuméraire à travers la rareté intériorisée.