Elle accueillait chacun – duchesse ou commerçante, baronet ou baryton dans la chorale locale – avec un sourire d’une courtoisie et d’une humanité extrêmes, comme si elle les connaissait depuis toujours et les avait suivis à travers toutes les vicissitudes de leur existence.
Elle cousit les pièces d’or dans l’ourlet d’un jupon de batiste, et choisit de croire que ses trente-huit années de vie s’étaient déroulées dans une sorte de pénombre, mais qu’elle se dirigerait désormais vers la lumière. Et elle savait exactement où elle voulait que cette lumière tombe.
Elle montra d’abord le collier à un prêteur sur gages. Ce vieillard appliqua contre son œil un objet en forme de cupule, à travers lequel il examina les rubis. Clorinda Morrissey, qui fixait sur lui un regard acéré, vit un petit filet de salive mousseuse s’échapper de sa bouche et couler sur son menton. Elle en déduisit avec raison que l’homme avait tout de suite compris qu’à la différence de la pacotille qu’on lui proposait d’habitude – des breloques en métal doré, en bronze, verre, ivoire ou étain – l’objet qu’il avait cette fois-ci sous les yeux était d’une beauté et d’une valeur exceptionnelles.
Clorinda savait que Bath n’était pas exactement « le monde ». Elle avait appris que la ville avait été construite, comme Rome, sur sept collines, et qu’elle était le théâtre de « galas et illuminations » au printemps et à l’automne : deux choses qui, dans son esprit, revêtaient une certaine splendeur. Elle avait aussi entendu dire que c’était un lieu où se rassemblaient beaucoup de gens riches venus prendre les eaux ou simplement séjourner en villégiature ; or là où se rassemblaient les riches, il y avait de l’argent à gagner.
et il compris comme jamais jusque là, que plus rien ni personne dans sa vie ne le protègerait de la dureté de la terre.
Pourtant, Pao Yi savait qu'en hiver, l'aide de l'opium était nécessaire pour supporter la grotte. Il alluma une pipe, ils s'étendirent ensemble, la pipe passa de l'un à l'autre et Harriet éprouva pour la première fois cet étirement de son être en fragments d'une extraordinaire légèreté, qui pouvaient selon ses désirs se réorganiser et prendre toutes les formes.
Elle désira être un oiseau blanc avec des plumes douces, chaudes et un coeur qui battait la mesure de son chant, et comme un oiseau elle se posa sur le corps de son amant, le couvrit de ses ailes, le sentit monter en elle comme s'il y prenait racine et elle lui dit qu'ils ne faisaient plus qu'un.
Et Pao Yi, qui avait eu peur de s'abandonner à elle, qui s'était accroché à son quant-à-soi jusqu'à cet instant , l'implora de le tuer, de le faire glisser dans le néant de l'oubli à travers le désir, et elle acquiesça, et il se sentit envahi par la rage animale de copuler indéfiniment, comme les cerfs sauvages sur la Longue Colline au printemps, et en un torrent d'imprécations il la traita de démon, de reptile tentateur qui l'avait détourné de tout ce qu'il avait eu de plus précieux, et maintenant il était perdu en elle, perdu dans les ténèbres, il ne lui restait que l'horreur de sa propre mort.
- Tu ne serais pas heureuse à Kokatahi.
- Pourquoi parles-tu toujours du bonheur ? Comme si c'était la seule chose qui mérite nos efforts ?
Je m'exécutai. Écrasant ma cigarette, je m'agenouillai auprès d'elle, posai délicatement ma main sur son front, puis le lui caressai. Sa peau était lisse et douce et le parfum de son corps entêtant et fort. Au bout d'un certain temps, j'osai rapprocher mon visage du sien et lui chuchoter à l'oreille : "Je ne peux pas continuer, Miss du Maurier, sans avoir envie d'aller plus loin...
Mais une fois le paquet ouvert, je posai les yeux sur un objet depuis si longtemps oublié que je ne l'aurais jamais cru capable de me revenir en mémoire de manière spontanée.C'était un livre. Ou plutôt, cela avait jadis aspiré au statut immortel de livre, mais sans jamais y parvenir, restant au stade de juxtaposition de pages écrites de ma main déliée et tachée d'encre. Il y a bien longtemps, en 1668, alors que j'étais enfin revenu ici, à Bidnold Manor, j'avais envisagé de le détruire mais, n'ayant pu me résoudre à passer à l'acte, je l'avais confié à Will avec pour consigne de le déposer dans quelque cachette de son choix qu'il devrait aussitôt s'empresser d'oublier.Les pages contenaient le récit de mon ancienne vie. J'avais entamé cette histoire à une époque de grande confusion, sur la fin de ma quatrième décennie, époque où j'avais senti pour la première fois la splendeur du roi Charles II toucher mes misérables épaules.
Violet arrivait à un âge où elle craignait de voir sa beauté commencer à pâlir;
aussi tenait-elle à couper les foins tant que le soleil brillait encore,même s'il
était moins radieux qu'en une jeunesse où,de son propre aveu,les moissons
avaient été nombreuses et riches.