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Citations de Sabine Sicaud (92)


Sabine Sicaud
Où, quand, sur quel chemin faut-il l’attendre et sous quels traits la reconnaîtront-ils
Ceux qui, depuis toujours l’habillent de leur rêve ?
Est-elle dans le bleu de ce jour qui s’achève
Ou dans l’aube du rose avril ?
Ecartant les blés murs, paysanne aux mains brunes,
Sourit-elle au soldat blessé ?
Comment la voyez-vous, pauvres gens harassés
Vous, mères qui pleurez et vous, pêcheurs de lune ?
Est-elle retournée aux bois sacrés
Aux missels fleuris de légendes ?
Sort-elle, vieux Corot, dans les brouillards dorés.
Dans les tiens, couleur de lavande
Doux Puvis de Chavannes ? ou, tiens
Peintre des songes gris, mystérieux Carrière ?
Où s’épanouit-elle, Henri Martin, dans ta lumière ?
On ne sait pas. On ne sait pas.
Qui se ressemble ?
Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient
De n’entendre ce soir nulle parole vaine.
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Sabine Sicaud
Je vous ai tant aimé, Silence…

Cher vieux Silence, reposant comme une eau plane.

Vous ne me paraissiez jamais immense,
Jamais inquiétant — mais diaphane
Et doux autour de moi, rempart secret,
Tour invisible et sûre… Bon Silence,
Où l’on respire à l’aise et qu’on dirait
Peuplé des mille choses que l’on pense
Quand on est seul, un jour très beau…

Silence d’une rose au bord de l’eau,
D’un lézard au soleil, d’un fauteuil près du feu,
Du cadre sertissant un paysage bleu,
Je vous ai tant aimé…

Au vain bruit des paroles,
Comment s’accoutumer ?
Comment suivre l’étourdissante farandole
De mots parfois trompeurs et discordants
À travers tant de voix, tant d’accents, tant de cris,
Quand on vous a chéri,
Silence ?… Ah ! laissez-moi vous retrouver, gardant
Ce bienfaisant pouvoir des demi-rêves
Dans le royaume où les Images vivent !

Qu’une musique, en écho, nous arrive
Quand le rideau se lève,
Si vous voulez…

Mais laissez-moi, comme avec un ami,
Voir avec vous l’histoire merveilleuse
Que devient à mon gré chaque film déroulé.

Nous referons, s’il faut, des fins heureuses…
Nous irons jusqu’au bout de ce qu’auront promis
La fée ou l’enchanteur aux baguettes de lune.
Ici, tous les jardins aux fruits d’or sont permis !

Nous nous évaderons des phrases importunes…
L’écran tourne pour nous ses pages, une à une —
Pour nous, Silence aux yeux songeurs, Silence ami…
Dans le royaume où les images vivent…
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Sabine Sicaud
Une enfant

La vierge, dans l’allée, a filé sa quenouille
afin que chaque page ait un signet flottant.
Vous qui lisez, le front penché, dans une chambre,
ne sentez-vous donc pas qu’au seuil froid de novembre
tout ce maroquin neuf et ces parchemins d’or
sont faits pour que, ce soir, on traduise, dehors,
uniquement, les strophes du platane ? Automne,
guilloché de soleil, broché d’insectes jaunes,
plein de miel et de grains, et de cette odeur forte
que promène le vent du sud, de porte en porte;
Automne, qui donc pourrait croire aux feuilles mortes,
croire, ce soir, à la tristesse de la mort ?
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Je ne te connais pas, rose qui n’est pas rose,
Ni couleur de soleil, ni de rouge velours,
Ni d’un blanc de petite nonne, et qui me cause
Une anxiété vague, étrange rose.

Je ne te connais pas, je te sais quelque part,
Chez le fleuriste en vogue – à l’abri d’une serre –
Ou dans un parc trop beau comme avivé de fards
Et de sources factices – quelque part

Où l’abeille elle-même hésite, un peu craintive.
Jardiniers trop savants, que n’ont-ils fait déjà !
"L’églantier qui tendait vers moi ses branches vives,
Qu’en ont-ils fait ?" dit l’abeille craintive.

"Qu’en ont-ils fait ?"dit la cétoine au bonnet vert.
Et l’Amour nu, sur sa colonne, en pénitence,
Dit : "Qu’ont-ils fait de ce tendre univers
où librement des fleurs jonchaient les chemins verts ?"

Qu’ont-ils fait, qu’ont-ils fait de toi rose des haies ?
Trop somptueuse ou trop pâle soudain,
Chaque printemps déjà tu nous semblais moins vraie
dans la miraculeuse fête des jardins…

Et te voici du bleu convenu des turquoises,
du bleu des hortensias bleus, des lotus bleus,
des ciels trop bleus sur des porcelaines chinoises…
Te voici bleue, ô rose bleue ! et fausse un peu

Comme des yeux qui mentiraient, de beaux yeux lisses,
larges et fiers, baignés d’azur… et juin se glisse
dans le petit cœur frais des roses d’autrefois !

Et moi je songe au bleu de la sauge des bois,
aux bouquets ronds que brodaient, en couronne,
d’adorables myosotis, un brin fanés ;
aux bleuets des vastes champs blonds à moissonner ;
aux pervenches d’avril, aux clochettes d’automne ;

au muscari, qu’aigrettent des saphirs ;
au bleu d’insecte bleu des bourraches velues ;
aux gentianes dans les herbes chevelues…

Je songe à tous les yeux qui s’ouvrent pour offrir
tous les tons bleus de l’eau, de l’air, des pierreries :

au bleu de l’aconit, à la douceur fleurie
du lin candide, au regard clair du romarin…

à ce reflet de mer qu’ont les yeux des marins
et les houppettes des chardons le long des côtes…

Je songe à la chanson qui se chante à voix haute
ou si discrètement dans le creux des fossés…
Je songe à vous, je songe à vous, ô chanson bleue,
qui chantez en de pauvres cœurs et les bercez !

Je vous revois, jardinets de banlieue
avec ces visages de fleurs qui font penser
à des enfants dans une chambre ; je vous vois,
fenêtre à l’ombre où l’on cultive une jacinthe…

Et vous, champs de Harlem, brumes où tinte
le carillon d’autres jacinthes ; bleu de toits
drapés d’une glycine ; poudre fine
d’un épi de lavande au soleil des collines,

matins bleus, pays bleus, je vous reconnais bien,
d’ici, rien qu’aux parfums du vent qui passe…

… Et d’autres, mieux que moi, comme l’on se souvient,
se souviendront d’étés anciens, d’odeurs vivaces.

Mais quelqu’un dira-t-il, ô rose, infante bleue,
Dame étrangère qui surprend, même là-bas,
dans ces parcs où des paons royaux traînent leur queue,
dira-t-il qu’il te connaissait, Princesse bleue ?

Même poète, osera-t-il
Franchir la grille ou marchander la gerbe ?
tant de sentiers sont bleus, depuis avril,
d’un bleu tout simple… Osera-t-il ?

Et, même osant, que savoir d’une rose
qui n’est plus cette rose avec l’âme d’hier ?
– Le temps des dieux et des métamorphoses,
s’il revenait, pourtant, dame en bleu qui fut rose ?

Les Contes de Perrault ?… J’ai tant rêvé,
sais-tu, de baguettes magiques, de breuvages
transformant, pour la perdre ou la sauver,
la Belle dont un Prince avait rêvé…

J’ai tant rêvé, comme le Prince, que, peut-être,
sous ton déguisement, je te reconnaîtrais ?
Va, ce n’est pas ta faute… et l’on peut mettre
Une robe d’azur sans trop mentir, peut-être…

De l’orgueil ? On te croit de l’orgueil ? Je dirais :
"Ne devinez-vous pas qu’être une rose bleue
c’est être seule et triste ?…" Et le secret
de ton odeur perdue aussi, je le dirais,
pour qu’on t’accueille avec douceur, ma Rose…
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Les fleurs de fèves
 
Une odeur de vanille, insistante, si douce…
Les fèves sont en fleurs !
Un papillon, puis deux, entre les jeunes pousses –
Déjà, ce long parfum plein de douceur…
Il tient tout le vallon que suit la route,
Il envahit la plaine, toute.
Les fèves sont en fleurs…

Nœuds de satin, blanches cocardes,
Coquillages de nacre où tremble un signe noir,
Fleurs de fèves ! Tendez vos petits encensoirs
À ce bon vent chaud qui musarde…
Étagez vos blanches cocardes !
 
Droites, en velours vert-de-gris,
Les feuilles, bien en vain, montent la garde !
En vain, chacune a pris
Comme un reflet d’acier, doublant son velours gris !
 
Moi, je sais, fleurs de fèves,
Que vous faites semblant de vous presser autour
De cette lourde tige où s’épaissit la sève.
Grelots de ce hochet trop lourd
Vous sonnez, à vous-mêmes, votre rêve…
 
Des ailes ! Vous voulez des ailes et je sais,
Quand le vent joue à la raquette dans la plaine,
Que ces volants qui vont et viennent,
Ces petites plumes qui montent, c’est
Vous, rien que vous, les fleurs de fèves, qu’on suppose
Immobiles, sur le pied vert qui vous retient.
 
Une part, une autre se pose…
Qui s’en doute ? N’avouez rien.
Vous deviez, si près de la terre,
Y demeurer peut-être ? Allez,
Moi, je sais que l’on n’est cette chose légère,
Un papillon d’avril, que pour voler !
 
Pourquoi les arbres seuls auraient-ils sur leurs branches
Des papillons pouvant ouvrir leurs ailes blanches
Et jouer dans le vent, pourquoi ?
 
Demain, haussant un petit doigt
– Écrin velu de la première cosse –
Vous nous tendrez un rang de perles, déjà grosses,
Et vous serez des fèves sages, sans parfum.
 
Demain, les papillons s’en iront un à un
Vers les acacias de la colline…
Le vent jouera plus loin, c’est tout. Votre odeur fine,
Insistante, si douce, votre odeur
Nous l’oublierons… Nous l’oublierons déjà, fèves en fleurs…
 
 
(« Poèmes d’enfant », préface d’Anna de Noailles, Les Cahiers de France, Poitiers, 1926).
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Mot vert. Silence vert. Mains vertes
De grands arbres penchés , d'arbustes fous;
Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
Pieds de cèdres âgés où se concertent
Les bêtes à Bon Dieu; rondes alertes
De libellules sur l'eau verte...
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DOULEUR, JE VOUS DÉTESTE

                              L’Honneur de souffrir
                                      Anna de Noailles
  
  
  
  
Douleur, je vous déteste ! Ah! que je vous déteste !
Souffrance, je vous hais, je vous crains, j’ai l’horreur
De votre guet sournois, de ce frisson qui reste
Derrière vous, dans la chair, dans le cœur…

Derrière vous, parfois vous précédant,
J’ai senti cette chose inexprimable, affreuse :
Une bête invisible aux minuscules dents
Qui vient comme la taupe et fouille et mord et creuse
Dans la belle santé confiante – pendant
Que l’air est bleu, le soleil calme, l’eau si fraîche !

Ah! « l’Honneur de souffrir » ?… Souffrance aux lèvres
                                                 sèches,
Souffrance laide, quoi qu’on dise, quel que soit
Votre déguisement – Souffrance
Foudroyante ou tenace ou les deux à la fois –
Moi je vous vois comme un péché, comme une offense
À l’allègre douceur de vivre, d’être sain
Parmi les fruits luisants, des feuilles vertes,
Des jardins faisant signe aux fenêtres ouvertes…
(…)
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DEMAIN
extrait 2
  
  
  
  
Tout savoir… Tout savoir de l’univers profond,
Des êtres et des choses,
De la terre et des astres, jusqu’au fond.
Savoir la cause
De cet amour qu’on a pour des noms de pays,
Des noms qui chantent à l’oreille avec instance
Comme s’ils appelaient depuis longtemps,
Depuis toujours – des noms immenses
Dont est envahi
Ou des noms tout petits, presque ignorés
(…)
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DEMAIN
extrait 1
  
  
  
  
Tout voir – je vous ai dit que je voulais tout voir,
Tout voir et tout connaître !
Ah! ne pas seulement le rêver… le pouvoir !

Ne pas se contenter d’une seule fenêtre
Sur un même horizon,
Mais dans chaque pays avoir une maison
Et flâner à son gré de l’une à l’autre – ou mieux,
Avoir cette maison roulante,
Cette maison volante, d’où les yeux
Peuvent aller plus loin, plus loin toujours ! Attente
D’on ne sait quoi… je veux savoir ce qu’on attend.
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LE CHEMIN CREUX
  
  
  
  
Le vieux chemin creusé d’ornières ?
Il a trop plu.
Le vieux chemin de la Carrière,
Celui du vieux moulin qui ne moud plus,
Le chemin du Seigneur qui n’a plus de château,
Le chemin du Bourreau,
Le chemin de la malle-poste,
Et ceux qui les croisaient, tous les chemins herbus,
Tous les chemins pleins d’eau,
Tous les chemins perdus…
Entre les ronces hautes,
Les prunelliers, la douce-amère, les bryones,
Le vert était celui des grottes et le jaune
Celui de la mélancolie.
Même le gel craquant sous le pas des brebis
Y devient triste avant la nuit tombée.
Les chemins creux, la pluie,
Le givre gris,
Le dernier scarabée…

Prenons la route neuve
Qui sur un pont solide et neuf passe le fleuve.
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Sabine Sicaud
Le chemin de l'ormeau



J'ai rencontré l'ormeau.
Pas un ormeau célèbre,
Mais un ormeau sans ex-voto,
Tournant le dos à la route des hommes.

Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme,
Quelqu'un l'a-t-il jamais serrée entre ses bras ?
Nous l'avions mesurée avec un fil de soie
La colonne de bois qui ne s'arrête pas
De grossir en silence.

Mais grossir - qui jamais voit grossir un ormeau ?
Tant de jours et de nuits , tant de soleil et d'eau,
De paix, d'oubli, de chance...tant et tant !
Entre les émondeurs, les chenilles, l'autan,
J'ai rencontré la Patience
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Sabine Sicaud
La bruyère
     
Ô bruyère, bruyère,
Je croyais te connaître et je ne savais rien
De cette odeur mêlée à la rumeur légère
Qui vient du fond des pignadas, qui vient
Des longs pays qui sont les tiens, bruyère…
     
– Je connaissais ta petite âme de chez nous,
Ta petite âme éparse au pied de chênes roux
Et de sorbiers déjà couleur d’automne…
     
– Mais ce rose éclatant, ces violets pourprés,
Ces épis de corail aux grains serrés,
Cette lumière en fins grelots qui sonnent,
Les trouve-t-on chez nous, même l’automne ?
     
– Ici, les pins tendent si haut leurs parasols
Que les vents de la dune se prélassent
Et que le soleil joue à pile ou face,
Librement, sur tes chauds tapis couvrant le sol…
     
– Et c’est comme une flamme au ras des sables,
Un couchant rouge et mauve interminable
Sous les hauts parasols,
Quand tu fleuris, bruyère…
     
– Tes fleurs… tes fleurs sont le tapis
D’un temple ouvert, bourdonnant de prières…
Entre les piliers bruns, des parfums assoupis
D’encens et de résine,
Des parfums d’immortelle et de mousse marine
Accompagnent le tien, bercé dans l’air…
     
– Et ton âme d’ici, je la découvre
De ce wagon-joujou courant près de la mer,
Au seuil de ces pays roses et verts
Qui s’ouvrent
Sur le vert et le rose argentés de la mer…
     
     
Côte d’Argent, 1925
     
Recueil ‘Poèmes d’enfant’, 1926.
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Sabine Sicaud
Vert non pas anglais, vert plus doux
Qu’ont les pelouses de chez nous.
Couchants lilas, baignés de roux,
Volets s’ouvrant dans le feuillage.

Sabine Sicaud, poète prodige (1913-1928)

(Une plaque dans l'herbe au Jardin des Poètes, Paris 16ème)
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Sabine Sicaud
La Vieille Femme De La Lune

On a beaucoup parlé dans la chambre, ce soir.
Couché, bordé, la lune entrant par la fenêtre,
On évoque à travers un somnolent bien-être,
La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir.

Qu'elle doit être lasse et qu'on voudrait connaître
Le crime pour lequel nous pouvons tous la voir
Au long des claires nuits cheminer sans espoir !

Pauvre vieille si vieille, est-ce un vol de bois mort
Qui courbe son vieux dos sur la planète ronde ?
Elle a très froid, qui sait, quand le vent souffle fort.
Va-t-elle donc marcher jusqu'à la fin du monde ?

Et pourquoi dans le ciel la traîner jusqu'au jour !
On dort... Nous fermerons les yeux à double tour...
Lune, laisse-la donc s'asseoir une seconde.

Poèmes choisis (1913-1928)
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Sabine Sicaud
VOUS PARLER ?


Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l’oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C’est bien. Puisqu’ils ne sont pas las
D’attendre, j’attendrai, de cette même attente.

Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d’indifférents prêts à sourire
Ni d’amis gémissants. Que nul ne vienne.

La plante ne dit rien. L’oiseau se tait. Que dire ?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu’on veuille.
Elle n’est pas celle des autres, c’est la mienne.

Une feuille a son mal qu’ignore l’autre feuille.
Et le mal de l’oiseau, l’autre oiseau n’en sait rien.

On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble ?
Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient
De n’entendre ce soir nulle parole vaine.

J’attends – comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet…
Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait ?
Qu’attendent-ils ? Nous l’attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être…
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La paix
     
Comment je l'imagine ?
Eh bien, je ne sais pas...
Peut-être enfant, très blonde, et tenant dans ses bras
Des branches de glycine ?
     
Peut-être plus petite encore, ne sachant
Que sourire et jaser dans un berceau penchant
Sous les doigts d'une vieille femme qui fredonne...
     
Parfois, je la crois vieille aussi... Belle, pourtant,
De la beauté de ces Madones
Qu'on voit dans les vitraux anciens. Longtemps –
Bien avant les vitraux – elle fut ce visage
Incliné sur la source, en un bleu paysage
Où les dieux grecs jouaient de la lyre, le soir.
     
Mais à peine un moment venait-elle s'asseoir
Au pied des oliviers, parmi les violettes,
Bellone avait tendu son arc... Il fallait fuir.
Elle a tant fui, la douce forme qu'on n'arrête
Que pour la menacer encore et la trahir !
     
Depuis que la terre est la terre
Elle fuit... Je la crois donc vieille et n'ose plus
Toucher au voile qui lui prête son mystère.
Est-elle humaine ? J'ai voulu
Voir un enfant aux prunelles si tendres !
     
Où ? Quand ? Sur quel chemin faut-il l'attendre
Et sous quels traits la reconnaîtront-ils
Ceux qui, depuis toujours, l'habillent de leur rêve ?
Est-elle dans le bleu de ce jour qui s'achève
Ou dans l'aube du rose avril ?
     
Ecartant, les blés mûrs, paysanne aux mains brunes
Sourit-elle au soldat blessé ?
Comment la voyez-vous, pauvres gens harassés,
Vous, mères qui pleurez, et vous, pêcheurs de lune ?
     
Est-elle retournée aux bois sacrés,
Aux missels fleuris de légendes ?
Dort-elle, vieux Corot, dans tes brouillards dorés ?
Dans les tiens, couleur de lavande,
Doux Puvis de Chavannes ? dans les tiens,
Peintre des Songes gris, mystérieux Carrière ?
Ou s'épanouit-elle, Henri Martin, dans ta lumière ?
     
Et puis, je me souviens...
Un son de flûte pur, si frais, aérien,
Parmi les accords lents et graves ; la sourdine
De bourdonnants violoncelles vous berçant
Comme un océan calme ; une cloche passant,
Un chant d'oiseau, la Musique divine,
Cette musique d'une flotte qui jouait,
Une nuit, dans le chaud silence d'une ville ;
     
Mozart te donnant sa grande âme, paix fragile...
Je me souviens... Mais c'est peut-être, au fond, qui sait ?
Bien plus simple... Et c'est toi qui la connais,
Sans t'en douter, vieil homme en houppelande,
Vieux berger des sentiers blonds de genêts,
Cette paix des monts solitaires et des landes,
La paix qui n'a besoin que d'un grillon pour s'exprimer.
     
Au loin, la lueur d'une lampe ou d'une étoile ;
Devant la porte, un peu d'air embaumé...
     
Comme c'est simple, vois ! Qui parlait de tes voiles
Et pourquoi tant de mots pour te décrire ? Vois,
Qu'importent les images : maison blanche,
Oasis, arc-en-ciel, angélus, bleus dimanches !
Qu'importe la façon dont chacun porte en soi,
Même sans le savoir, ton reflet qui l'apaise,
Douceur promise aux coeurs de bonne volonté...
     
Ah ! tant de verbes, d'adjectifs, de parenthèses !
– Moi qui la sens parfois, dans le jardin, l'été,
Si près de se laisser convaincre et de rester
Quand les hommes se taisent...
     
     
« Poème d’enfant », 1926.
     
- - -
     
Peace
     
How do I see it ? Ah !
How knows ? In my mind’s eye,
Perhaps a tow-head tot, her arms piled high
With branches of wisteria ?
     
Or, perhaps, even smaller still :
A smiling infant blabbering her fill
And cradled by a rocking, humming crone…
     
Sometimes I see it old as well...But fair,
Beautiful as those dear Madonnas, shown
In old stained glass. Before – long before there
Were even stained-glass windows ! – one would see
Her lovely head bent low above a spring
In the bucolic blue tranquility,
Where Greek gods strummed their lyres, come evening.
     
But scarcely by the olives trees would she
Sit for a moment, midst the violets, when
Bellona drew her bow… And off, away
This tender soul would flee… Again, again…
Harassed by those intent but to betray !
     
And so, since earth is earth, she flees…
Grown old, she dares not touch the veil that wraps
Her round, concealed in its deep mysteries.
Is she even a human being ? Perhaps.
A child, I might have hope, with soulful eyes !
     
When ? Where ? On what road ought we wait for her ?
What will she look like ? Will they recognize
Her features, they who ever were
Clothing her in their dreams ? Does she prefer
Blue dusk to April morning’s pink, reborn ?
     
Peasant, Hands tanned, picking the ripening corn,
Does she smile on the wounded soldier lad ?
How do you see her, folk forlorn,
You, weeping mothers, and you, sad
Fishermen who would catch the moon ?
     
Has she return now to the sacred grove ?
Into the flowered missals, legend-strewn ?
Does she sleep in your gilded-mauve
Mists, old Corot ? Or yours, lavender-hued ,
Dear Puvis de Chavannes ? Our yours, Carrière,
Painter of grey Dream and mysterious mood ?
Or bloom, Henri Martin, in your bright air ?
     
And then, from who knows where ?…
Suddenly I recall, borne on the breeze,
A flute’s fresh and cool notes, pure melodies
Amid the ‘cellos’ muted chords, drawn long
And low, grumbling, rocking you gently...gently…
Like the calm sea ; a passing gong…
Heavenly trills of a bird’s sweet song ;
Ships’ music washing oh so innocently
Over a city’s silent heat some night…
     
Mozart, gifting the fragile peace of his
Great soul... yes I recall… Then too, it might
Be simpler still ; perhaps it is
Only you, in your shepherd’s frock, old man
Who tread the flaxen brushwood pathways, who
Know what it is – although you scarcely can
Suspect that it is you alone who do –
Who know the peace of lonely hill, of thicket
And briar covering the moor, afar…
Peace, blazoned in the chirping of the cricket…
     
Off in the distance, glimmering lamp or star ;
A breath of balm-fresh air before the door…
     
So simple, see ? What’s all this talk of your
Wrapping of veils ? And why make such a fuss
Discribing you ? Just words and words ! And why
Those images? The Sundays of blue sky,
The cottage white, rainbows, the angelus,
Oases !… Does it matter, quite, how we –
Each of us – bear, even unknowingly,
The image of the calm that gentles us :
Sweet promised boon to those hearts of good will ?
     
Verbs, adjectives, parentheses !… They fill
The garden air! And there, time and again,
Sometimes, I feel she almost might remain,
Once Man, at last, falls silent, still...
     
     
Traduit en anglais par Norman R. Shapiro | p. 78-83.
(Présentation et annotations d’Odile Ayral-Clause,
aux éditions Black Widow Press, Boston, mars 2009).
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Au milieu des plantes fragiles

qu’une vitre épaisse défend

plusieurs boutons pointent, fragiles,

un premier cocon vert se fend.
p. 59
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Et pourtant que vos mains sont tremblantes !

Leurs veines

Se rompent une à une… Tant de sang…

Et cette odeur si fade, étrange.

Ces mains qui tombent d’un air las,

Ô vigne vierge, d’un air las et comme absent,

Ces mains abandonnées…

.

(Lady Macbeth n’eut-elle pas ce geste

Après avoir frotté la tache si longtemps ?)
p. 88
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La main des dieux, tu peux refuser de la prendre.
La main du mendiant, tu peux aussi.
Toutes les mains qui frôleront la tienne, tu peux les oublier.
La main de ton ami, ferme les doigts sur elle, et serre-la si fort que le sang de ton cœur y batte avec le sien au même rythme.

(Feuilles de carnet)
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Chemins du Nord


Lorsque « je pâlissais au nom de Vancouver »
et que j’étais du Nord,
trop de froid traversait ma pelisse d’hiver
et mon bonnet de bêtes mortes.
Mes frères chassaient les oursons
jusqu’au fond des grottes de fées ;
du sang parlait sous leurs trophées,
les Tomtes* se cachaient, le vent hurlait aux portes
et la glace barrait les fjords
lorsque j’étais du Nord.
Murs blancs du froid, prison.
Je ne voyais jamais passer Nils Holgerson**.

Selma, Selma**, pourquoi m’aviez-vous oubliée ?
Il fallait naître à Morbacka, le jour de Pâques.
Je savais bien pourtant que j’étais conviée…


* Gnome bienveillant du folklore scandinave.
**Allusion à Selma Lagerlöf et à son roman le merveilleux voyage de Nils Holgerson à travers la Suède (1906-07).
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