Dans le fond, Elena était juste la première femme qui lui avait parlé après tant d’années de silence, la première personne à être entrée chez lui et à avoir brisé, d’un coup, sa solitude. Il ne devait pas se laisser troubler, il devait dormir et oublier.
Des objets perdus dans le train, que Michele avait trouvés au fil des ans et qui faisaient désormais partie de sa vie : des douzaines de parapluies, des cannes, des lunettes de soleil et de vue, des livres en tout genre, des bérets et des chapeaux, des montres, des briquets chromés, des blousons, des vêtements de différentes tailles et matières alignés sur des cintres, des petites radios, des vieux appareils photo, un petit enregistreur, quatre lecteurs de cassettes, deux vieux autoradios, un portable à l’écran cassé, plusieurs pelotes de laine avec leurs aiguilles à tricoter, six tournevis, un gant de boxe, des gourdes, un vieux clairon, des douzaines d’harmonicas, des lance-pierres et des pistolets jouets, un guidon de vélo, des sacs à dos et de vieilles valises vides.
Il aimait cette senteur, plus que beaucoup d’autres choses. Elle était toujours similaire et pourtant chaque soir différente. En effet, au métal et au faux cuir du vieux train se mêlait celle, âcre, de la sueur et des vêtements des passagers qui s’étaient succédé dans les voitures pendant toute la journée ; celle de la nourriture consommée pendant le voyage ; la fumée des cigarettes aspirées furtivement devant les petites fenêtres ouvertes le long des couloirs ; les notes persistantes des médicaments, du café des thermos.