Sébastien Bérubé - Madouesca - Présentation de l'album
Toute petite, je plaçais ma main sur ma poitrine pour sentir mon cœur donner le rythme à travers ma peau. Maman appelait ça « l’horloge ». Elle disait que le seul temps qui comptait, c’était celui qui battait entre mes épaules.
La tapisserie de l'entrée a pogné l'humidité et commence à boursoufler et se friper dans le bas, mais c'est rien à côté de ce qui se passe dans le cou de la vieille.
La chambre d'amis, comme un champ de bataille abandonné avant que la guerre commence. Un endroit où vivent des souvenirs qui auraient pu avoir lieu.
De la fenêtre de cette chambre, on voit la cour de la nouvelle école. À dix heures, c'est la récréation. Debout, le visage dans la vitre, elle regarde les enfants s'amuser. Ils lui envoient la main. Lui font des grimaces. Elle leur sourit. C'est pour ça qu'elle continue de l'appeler « la chambre d'amis ».
Au garage, on a pas de pouvoir décisionnel. On décide de pas pouvoir. Pour trouver des coupables à toute, faut être certain de rester loin du top de l'échelle. On voit peut-être moins loin d'en bas, mais t'as un osti de show quand quelqu'un tombe. Il y a quelque chose de magique à regarder les autres se planter, quand t'as les mains sales. Comme un petit picotement dans l'huile que t'as en dessous des ongles.
À moitié Blanc, à moitié Indien, j'était ni l'un ni l'autre. La moitié d'une vie à me faire dire que j'étais pas assez Indien et l'autre à me faire traiter de profiteur. Aux yeux des autres, j'étais soit un Autochtone qui cherchait à blanchir les coutumes, soit un Blanc qui cherchait à rougir ses taxes. Banni des deux côtés d'une frontière qui existe juste dans un portefeuille.
C’est pas pour rien que le mot ‘maison’ s’écrit au féminin. C’est des femmes qui tiennent ça à bout de bras. Qui frottent fort pour que les taches laissées par la misère s’accrochent pas à ton linge et à ton nom. Même chose pour les mots ‘région’, famille, ou nation. Encore là, c’est des femmes qui font virer la forge. p.227
Pleurer trop longtemps les morts, ça noie ce qui vit encore, on va dire. p.187