Sébastien Le Jean

Vous avez déjà entendu parler du « Mengele sud-africain » ? Wouter Basson, de son vrai nom. Aussi surnommé « Docteur La Mort ». En 1981, il a été nommé chef du « Project Coast », un programme de développement d’armes chimiques et bactériologiques mis sur pied par le régime de l’apartheid afin d’exterminer les populations noires. Le projet a été mené dans le plus grand secret, via des sociétés écrans. Basson a développé des produits contraceptifs qui pouvaient être administrés à l’insu des populations. Il a aussi inventé et des poisons indétectables, susceptibles d’être dissimulés dans des produits de consommation courante : boissons, cigarettes, tablettes de chocolat… Mais son grand projet était ce qu’il appelait la « bombe noire », une arme sélective destinée aux populations noires. Basson a tenté de synthétiser un produit stérilisant qu’il projetait de déverser dans les réserves d’eau potable des quartiers noirs. Heureusement, il n’y est jamais parvenu. Son procès s’est tenu de 1999 à 2002. Malgré des montagnes de preuves, il a toujours été acquitté. Il travaille toujours comme cardiologue dans une clinique huppée de la banlieue du Cap.

Il marche vers le prisonnier, se retourne. Il est masqué et tient un objet dans ses mains, un de ces outils qu’on utilise pour démolir les murs. Une masse. Il se penche vers le prisonnier, comme pour s’assurer qu’il est encore suffisamment conscient pour comprendre ce qui va suivre.
Les doigts de Ronan se crispent. Le prisonnier semble reprendre connaissance. Ses yeux sont désormais grands ouverts. On peut y lire la terreur la plus pure. Il est facile de deviner ce qui l’attend, mais cela n’empêche pas Ronan d’avoir a la respiration coupée en voyant l’homme masqué saisir fermement la masse et la soulever. La tête de métal s’abat sur le crâne du prisonnier, qui n’a pas même le temps de pousser un cri.
Le bruit du choc entre le métal et l’os soulèverait l’estomac de n’importe quel amateur de films d’horreur. Le plan fixe de la caméra ne dissimule rien. Ronan veut arrêter mais il est tétanisé par la barbarie qui se déchaîne sous ses yeux. Ça ressemble à ces snuff movies dont on dit qu’ils pullulent sur le Darknet. Le bourreau, éclaboussé par une gerbe de sang, porte un nouveau coup, avec un calme glaçant.

Si vous lisez ce manuel, c’est que vous faites partie du cercle des initiés. Ensemble, nous dirigeons les plus grandes nations, banques et entreprises. Depuis 1945, nous avons coordonné nos efforts afin de mettre en place un Nouvel Ordre Mondial qui assure nos intérêts exclusifs en réduisant la population en esclavage à son insu.
La préservation de nos intérêts exige une approche radicale, faisant abstraction de la morale, de la religion et de la culture. Nous ne devons dévier de cette approche à aucun prix.
Afin de mettre en place le contrôle des individus, nous avons créé des armes d’un nouveau genre, sophistiquées et insoupçonnables : les victimes ignorent qu’elles sont attaquées et sont dans l’impossibilité de se défendre. Ces armes doivent être régulièrement mises à jour, ce que nous nous appliquons à faire tous les dix ans, lors de nos réunions.
Pour rappel, nos armes actuelles sont les suivantes :
Arme 1
Utiliser l’alibi démocratique
Toute action menée en vue de renforcer ou de maintenir le Nouvel Ordre Mondial doit paraître issue de la volonté populaire, de la démocratie.

En gros, c’est un manuel de manipulation des masses, rédigé par un supposé groupe occulte de puissants décidés à instaurer un nouvel ordre mondial. Le but est d’asservir le peuple à leur profit exclusif. Conflits, crises économiques, soulèvements populaires, famines, catastrophes industrielles, terrorisme, épidémies : tous ces événements auraient été programmés pour mettre en place ce « nouvel ordre mondial ». Les « maîtres du monde » suivraient donc un agenda précis, selon ces « protocoles » établis au cours de réunions secrètes. Une de ces réunions se serait tenue à Helsinki, d’où le titre.

Ah la vérité… La grande, la belle, la pure vérité ! déclame Foulon. D’où tenez-vous que la vérité est une bonne chose ? Et quelle vérité, d’ailleurs ? Le monde est devenu trop complexe pour l’aborder de façon purement rationnelle. Qui serait capable, par exemple, d’expliquer le fonctionnement de l’économie mondialisée ? Personne n’y comprend rien. Les gens sont perdus. Je les rassure. La vérité, c’est le mensonge qui a eu le plus de succès. Vous connaissez sans doute cette citation : « Un mensonge raconté une fois reste un mensonge. Débité un millier de fois, il devient la vérité. »

Deux cents mètres plus loin, les gendarmes ont installé leur quartier général. Les fourgons, collés les uns aux autres, forment un arc de cercle. Derrière cette muraille, deux barnums, des tables dépliées sur lesquelles s’entassent des radios, des ordinateurs et des cartes d’état-major de la région. Des caméras filment tout, montées sur des drones à vision nocturne. L’opération est suivie en direct par le préfet, le procureur et le cabinet du ministre de l’Intérieur. Le genre d’opération sur laquelle les médias vont être en boucle pendant des semaines.

Il y a beaucoup plus important que la vérité objective : les émotions, et en particulier les émotions négatives. Les « théories du complot », comme vous dites, sont fondées sur des peurs, qu’elles soient religieuses, sécuritaires, sociales, sanitaires… La peur, la haine, la rage : ce sont des sources d’énergie colossales. Ce sont elles qui façonnent notre monde, depuis toujours. L’immense majorité de la population ignore ce qu’elle fait sur cette Terre. Donnez-lui un ennemi à haïr et tout change : je hais, donc je suis.

Ici, nous avons le père Jean-Baptiste. Un prêtre. Un homme qui a voué sa vie au service de Dieu. Mais qui mais souffre aussi d’un grave trouble dissociatif de l’identité. Deux personnalités totalement différentes cohabitent dans le même corps. La première, dominante, est profondément croyante. La deuxième seconde a horreur de tout ce qui a trait à la religion. Le père Jean-Baptiste a tué dix-sept religieuses. Il leur fracassait le crâne avec un goupillon pour les punir de s’agenouiller devant un Dieu imaginaire.

Un monstre à neuf têtes, quelque part entre le serpent et le dragon. Le tableau, œuvre d’un cerveau malade, est terrifiant.
Dessinée au feutre, la fresque occupe l’intégralité d’un pan de mur. L’animal est représenté de trois-quarts, son corps gigantesque émergeant des flots, prolongé par neuf cous interminables, eux-mêmes surmontés de têtes menaçantes, hérissées de pics.
"C’est une hydre", explique le psychiatre.

Nous recherchons des individus très intelligents. Suffisamment pour voir au-delà des apparences. Si vous êtes ici, c’est que vous êtes digne de rejoindre notre combat. Mais c’est un combat dangereux. Aucun retour en arrière ne sera possible. Toute trahison sera sanctionnée par la mort. Voulez-vous continuer ? Réfléchissez bien. L’Hydre est partout.
Bonne chance.