Citations de Serge Lamothe (27)
dans ce rêve
nous ne rêvons pas
le poids de la lumière est incertain devant l’innommable
et défaillir s’impose
à moins d’ouvrir les yeux
tu seras
pour un instant
– pour un instant encore –
sublime dans ton aveuglement
sereine dans l’abandon du sommeil
mais ces larges matins
resteront prisonniers d’un rêve de glace
dans la démesure du possible
où nous t’attendions
l’impossible sera là
comme vivante chose de terre
à aimer
sans retour
j’ai contemplé
dans la clarté des nuits
le silence de ta peau
ce vertige de toi
que tu n’as pas connu
te survit
L'Instant qui précède une catastrophe de cette envergure semble toujours empreint d'une sérénité troublante, surnaturelle dans sa perfection. Une paix profonde règne sur le monde et le temps paraît s'être figé dans son élan.
Il en est ainsi parce que rien ne nous a préparés à l'horreur et que les minutes qui viennent nous sont encore épargnées. Elles ne dévorent pas encore nos certitudes. Elles ne nous obligent pas déjà à ramper parmi les décombres.
Cet instant demeure unique. Il semble irréel, mais c'est à lui que nous nous accrocherons même si, pour l'heure, nous ne connaissons pas encore le prix de notre humanité, ni ne croyons jamais devoir le payer.
Il n’y aura désormais de beauté dans le monde que celle que nous y mettrons. (p. 125)
Le bonheur : ça fait mal parce que c'est quelque chose que vous perdrez... Ça laisse un petit cailloux dur... p.166
La saison des cerisiers : cette abondance de fleurs nous rappelait avec insistance l'impermanence de la beauté: toujours garder à l'esprit sa nature fugace, son caractère éphémère. p. 180
Ce masque inexpressif qui lui servait de façade, de carapace contre ses propres émotions. p. 255 (voir masque en couverture)
Il m'aura fallu parcourir tout ce chemin pour comprendre que les liens du sang ne signifient rien, qu'ils n'ont de réalité que celle que nous leur consentons, qu'ils n'ont de place dans nos coeurs que celle que nous voulons bien leur céder. p. 255
Lorsqu'arrive le jour où il n'y a plus rien devant ni derrière soi, on se souvient avec une indicible joie de choses simples qu'on croyait oubliées. Ces instants deviennent si précieux qu'il arrive un moment où on saurait concevoir notre vie sans eux. p. 260
Notre âme, lorsqu’elle écoute, entend tout, comprend tout, peu importe la langue, peu importe la misère dans laquelle nous sommes plongés. C’est un mystère auquel il suffit de consentir pour voir s’ouvrir les portes de la perception, celle de la parole du cœur, qui sont aussi celles du cœur de la parole. (p. 141-142)
Vivre ensemble. Partager le chemin. Cette simplicité du quotidien qui ne nous fut jamais accordée, je la recrée pour nous deux dans un espace mental devenu sacré et auquel je m'accroche comme un jeune chiot têtu.
Je te devine et t'invente. Tu te rebiffes et t'imposes dans une autre dimension.
J'ai du pays de nos corps des souvenirs pour deux et, pour la nuit des temps, ils me reviennent comme de grands arbres noyés d'une joie sévère et maladroite. Une magie me tient. Un élan que les fleuves ignorent jusque dans leur chute. C'est de toit que s'évapore le sang d'un million d'étoiles orphelines. Les mers s'abreuvent du sel précaire de tes larmes pendant que l'épiphanie de ta peau s'absente lentement de la chambre.
Et pourquoi ? Simplement parce qu'après toutes ce années, tu me revenais. Parce que si tu marches sur la terre, c'Est qu'il y a peut-être un sens à tout ce non sens.
Nos vies, nos mondes à nous. Des vies possibles, des vies pleines et sans retour. Nos cathédrales de papier bruissant comme des feux de pailles. Nos voyages immobiles sur le radeau perdu, à nous chercher dans le regard de l'autre.
Inspecteur - Vous avez peur, monsieur K?
Joseph K - Non, non. J'essaie seulement de comprendre.
Inspecteur - On ne peut pas comprendre. Ni vous ni moi. J'espère que vous comprenez au moins ça.
Je sais qu’il n’y aura désormais de beauté dans le monde que celle que nous y mettrons. (p. 125)
En vérité, l'oubli me semblerait pire que la mort parce qu'il signifierait ta disparition avant la mienne. Oui, c'est bien cette idée qui me paraît insupportable. Je veux bien être effacé, que tout ce qui fut ma vie, mes pensées, mes inquiétudes, tous les efforts insensés que j'ai pu faire pour me donner l'impression d'exister soient balayés. Je n'y verrais aucune objection , aucun mal, pourvu que cela puisse contribuer à te rendre plus réelle. Je ne saurais le dire plus clairement: je préférerais n'avoir jamais vécu, jamais rêvé, si cela pouvait, ne serait-ce que dans une faible mesure, te donner la chance d'exister. Cette assurance serait pour moi d'un grand réconfort. Cela m'aiderait peut-être à mourir en paix.
Aimer et être aimé. Juste ça. Comme une chose inscrite dans le tout premier atome de la dernière envolée.
Tous les espoirs y sont permis et les interdits s'y effondrent dans le fracas de nos audaces.
Nos vies, nos mondes à nous. Des vies possibles, des vies pleines et sans retour. Nos cathédrales de papier bruissant comme des feux de pailles. Nos voyages immobiles sur le radeau perdu, à nous chercher dans le regard de l'autre.
J'ai longtemps vécu dans la suffisance du dormeur qui ne sait pas que son rêve devra prendre fin.
Dorénavant, plus personne ne mangera à sa faim, on sera tous endettés à l'os, le bonheur sera obligatoire et il faudra, coûte que coûte, faire taire les dissidents. Yahya se voit président à vie. Puis il se dit que non, le boulot de Président est ingrat, indigne de ses capacités, et qu'il vaudra mieux embaucher un figurant, comme cela s'est toujours fait.
Si nous refusons la vie miraculeuse qui nous est offerte, libre à nous. Personne ne nous condamnera pour si peu. Mais personne non plus ne nous accusera de l'avoir vécue. Jamais. Parce qu'il n'y a personne. Il n'y a rien. Que l'extase brève et définitive, suivie de près par la mort.
Dans ce songe, nous ne rêvons pas. Tu es plus vraie que la lumière qui t'effleure, plus réelle que l'ombre qui me traverse. J'entre dans ta pensée. C'est un grenier ouvert à tout vent, chargé de souvenirs de toutes les vies que nous aurions vécues côte à côte.