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Citations de Serge Legrand-Vall (41)


Le rougeoiement des braises faiblissait, laissant l'obscurité envahir la crypte aérienne. La chaleur transmise par le feu engourdissait l'homme. La nuit était aussi complète que le silence, à peine traversé du chant ténu du ruisseau dont le trait argenté fusait sous les feuillages.
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Pour les 'Enana, l'amour n'était pas entaché de la faute dont les missionnaires d'Europe venaient jusqu'ici l'accuser. Dans cette île, s'aimer était aussi nécessaire que boire et manger. S'en priver n'était pas compréhensible.
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Près du feu se trouvait une pirogue mortuaire fermée, entourée de bandelettes blanches. Tisonnant de temps à autre le feu, Alban parlait à voix basse. Son murmure était comme un chant qui tournoyait dans la grotte, entourait le cercueil pour se glisser jusqu'à l'oreille de Vaiana. Alban y parlait d'amour transmis, recherché, perdu, de cet amour capable de susciter les actes les plus déraisonnables, de ceux qui aiguisent la sensation d'être au monde et l'euphorie de décider de son destin.
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L’air épais pèse sur les danseurs couverts de sueur. Pas une feuille ne bouge. Comme si le monde s’était arrêté, figé. Les corps se meuvent avec effort et pourtant, les prêtres ont fait signe aux hommes de recommencer à frapper les tambours, dont certains sont aussi hauts qu’eux. Leurs sons sourds et puissants ricochent sur les troncs, sur les murailles, sur les rochers gravés de dessins magiques, tandis que retentissent les souffles des conques. Les feux brûlent aux coins de l’esplanade et dans les environs. Les torches de coco envoient sous les voûtes végétales des gerbes d’étincelles. Un frémissement gagne l’assistance, massée sur les gradins, quand une voix aiguë monte de la nuit et s’y épanouit en un long appel. C’est l’hommage à l’arbre dont la seule présence assure la vie dans les îles, l’arbre à pain, le dieu-arbre. Et les vehine sortent de l’obscurité, les hanches agitées de mouvements appuyés sur les rythmes, dans un intime dialogue. Le reflet des flammes sur les jupes de feuilles luisantes leur donne des aspects d’incandescence alors que les têtes entraînent dans leurs saccades les longues plumes blanches piquées dans les couronnes de graines. Assis devant le grand banian, le chœur des femmes accompagne les danseuses de son chant plaintif. Un vieil homme parcourt l’arène en trottinant et dresse de temps à autre son bâton emplumé en poussant un cri strident.
Terville tressaille, ce vacarme lui donne la chair de poule. À la fois subjugué par cet étrange spectacle et angoissé par sa violence sauvage. Les femmes accomplissent dans un ensemble parfait des pas complexes, alors que leurs hanches tracent dans la lueur mouvante des torches des mouvements d’une inimaginable lascivité. Il a reconnu là-bas celle à qui Manoo a offert la pièce de tissu qu’il lui avait remise sur le pont de la Boussole. Est-elle sa fiancée ? Pour autant qu’il puisse en juger sous ce faible éclairage, sa peau est plus claire que celles de ses voisines. Une métisse ? Les seins de toutes ces femmes se balancent à la même cadence, fruits autrement désirables que ces amoncellements de boulets de l’arbre à pain qui parsèment l’espace et dont les indigènes sont si friands.
Il sent soudain une lourde goutte s’écraser sur son crâne, puis une autre dans son cou. Sans plus de signes annonciateurs, le ciel s’ouvre et un déluge d’eau s’abat sur eux.
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Quand on a passé le col, on avait de la neige jusqu'au dessus du genou. En m'enfonçant dans tout ce sucre glacé, j'avais l'impression de rêver. Des fois j'avais envie de me laisser tomber et de rester là. Mais j'étais courageuse. Il fallait que je montre l'exemple. J'ai eu les premières douleurs dans la descente. Ton grand père m'a portée un peu et puis comme tu étais pressé de voir la France, tu es né là, dans la neige, avec toute une bande de fugitifs autour de toi. Oh, comme ils t'admiraient, comme ils étaient contents! Et pourtant on était pas fiers, tous trempés et grelottants. On aurait dit que ta naissance, c'était un pied de nez à ces affreux qui nous faisaient tant de misère.
Et moi qui pleurais et qui riais. Oh là là, c'était un jour de douleur et de joie en même temps. Tu étais là et j'espérais tant que ton père puisse nous rejoindre...
Tu es né dans le plus blanc des lits et dans le plus grand des berceaux, les montagnes Pyrénées tout entières!
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La rivière coulait, imperturbable comme le temps. Le temps, le grand vainqueur des batailles. Il effaçait tout, ou presque. Seule la mémoire pouvait être suffisamment tenace pour lui tenir tête.
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Un vent frais soufflait de l’aval de la rivière, agitant les larges feuilles des figuiers dont les fruits bleuissaient. Il arriva sous les arcades de la grande place et s’engagea sous un porche ouvert alors que les premières étoiles piquaient le voile sombre qui descendait sur le village. Il avait vu, là-haut, de la lumière à la fenêtre de la mansarde d’Émeline. Elle était déjà rentrée de son service. Il s’engageait, euphorique, dans l’escalier du deuxième étage encombré de vieux ustensiles de cuisine quand il ralentit, l’oreille blessée par les sons qu’il percevait. Il monta encore deux marches et s’arrêta tout à fait, le cœur battant trop vite. De la porte en bois ciré qui fermait le haut de l’escalier, lui arrivaient des bruits qu’il n’identifiait que trop bien. De petits gémissements, des ahanements plus graves et les grincements du lit. Ainsi, il n’y avait plus de doute à avoir. Elle s’était bien pressée de l’oublier, de se donner toute à l’autre. Il ne verrait plus ses yeux verts fixés dans les siens. Il ne toucherait plus ce corps à la peau pâle dont l’absence l’obsédait. Une vague de rage l’emporta, le libérant de sa stupeur immobile. Attrapant une casserole de fonte ébréchée posée au coin d’une marche, il la lança à toute volée contre la porte du repaire ennemi. Dans un bruit de tonnerre, l’objet se cassa, brisant dans le choc les planches de la frêle porte et déclenchant un cri strident bientôt suivi d’exclamations dans toute la maison. Il redescendit sourd et aveugle, si vite que les habitants alarmés sortis sur le palier du premier étage eurent du mal à le reconnaître.
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Les ombres lui firent signe de les suivre et il leur emboîta le pas. Une sorte de fièvre semblait habiter les silhouettes nombreuses qui se pressaient sur l’étroit chemin. Les torches de coco éclairaient fugitivement une branche, une chevelure, un visage strié de tatouages, le tressage d’une vannerie. Au loin, résonnaient les battements graves des tambours, comme ceux d’un cœur exhumé des profondeurs du corps de l’île, dans des éclaboussements de terre noire et des craquements de racines.
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Un roman mémoire fascinant à plus d'un titre qui révèle tout à la fois l'intime et le social presque oublié des années 70, dans les décors de rêve et cependant familiers des cols frontaliers catalans et de l'île de Formentera, hantés par les séquelles tragiques, le plus souvent dissimulées, de l'histoire franquiste.
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Hina si généreuse, Hina sa demie-blanche qui avait pensé trouver son bonheur en se partageant entre deux mondes, voilà que l'un d'entre eux la trahissait. Takaaoa la connaissait assez bien pour imaginer sa déception, sa détresse. Elle se sentait assez forte pour tout rassembler au sein de son amour, mais pour les blancs, l'amour était peut-être sans importance. Ici, lorsque les dieux de l'amour étaient floués, ils libéraient ceux de la colère.
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Son père lui avait bien expliqué cette façon des blancsde punir, d'enfermer ceux qu'ils jugent fautifs dans une prison. Mais elle n'avait jamais pu se représenter ce que cela signifiait. Les 'Enanna pouvaient capturer, entraver et même tuer,
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Tepoea et son nouvel ami, le petit Kena venu avec Alban, courent tout autour en riant. Elle s'accroupit et ouvre les bras pour les attirer à elle. Son fils manque de la renverser et se niche contre sa peau encore fraîche du bain. Kena reste à distance, hésitant. Elle lui dit alors des mots maternels, caressants, qui dissipent ses résistances. Il vient lui aussi tout contre sa poitrine et elle les enveloppe sous son tapa, se remplit de leur odeur chaude qui chasse les pensées malvenues.
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Attentif aux bruits de la nuit, le clapot contre la coque, les grincements des cordages, les craquements de ce corps de bois gigantesque qui oscille sous ses pieds, Terville se demande ce qui fait de Hina une femme si différente et en quoi cette différence la rend si désirable. Elle se comporte comme les femmes d'ici, mais possède un regard moins ingénu. Et est habitée d'une incertitude qu'il perçoit. Comme si elle n'avait pas réussi à décider si elle devait venir vers lui ou le fuir.
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Les dieux ne divisaient pas la vie. Elle ne pouvait qu'être complète, car de la vie de tout ce qui poussait, courait, nageait, volait, dépendait celle des hommes.
L'on venait d'entrer dans la partie du jour qu'elle préférait. Lorsque le soleil s'adoucissait en une caresse qui ne brûlait plus. Lorsque les ombres s'étiraient, que les parfums se fondaient en caresse dans l'air tiède et que la paix gagnait le coeur de chacun.
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C'est le genre de livre où on entre facilement. L'histoire nous embarque loin, dans ces iles qui font rêver, qui nous paraissent , alors, pas si lointaines. L'écriture à la fois fluide et dynamique nous permet de nous imaginer sur ce bateau, derrière cet arbre, dans cette île...tout en nous renvoyant à nos propres rêves.
C'est un livre que l'on s'approprie.
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Un mouvement à la surface d'une vague attira son attention. Elle fronça les sourcils et fixa l'objet qui se déplaçait, tout près de la langue rocheuse qui longeait l'embouchure de la rivière. Une tortue marine honu ! Elle connaissait ces cousines de la mer qu'elle avait parfois rencontrées en nageant vers les eaux profondes. Elle en avait vu pondre dans le sable, avec des larmes de douleur. Cette tortue-là nageait mollement et s'arrêta tout à fait. Vaiana se sentit invitée à la rejoindre, non pour plonger à ses côtés, mais parce que honu était là pour une raison précise. Elle descendit de l'arbre aussi vite qu'elle y était montée, posa son panier d'œufs et courut nue vers la rivière froide qu'elle traversa suffisamment en amont pour ne pas effrayer la visiteuse. Puis, elle longea la rive ombrageuse jusqu'aux galets. A l'endroit où les vagues alanguies finissaient leur course sur le sable gris, honu restait immobile sous la surface, agitant à peine ses nageoires. Elle attend que je la prenne, pensa Vaiana. Elle guetta la vague qui apporterait la bête vers le bord et avança lentement dans l'eau. Puis, dans un élan, elle s'en saisit à deux mains de part et d'autre de la carapace, la souleva et tomba à la renverse avec elle sur les cailloux.
(P61)
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"jolie musique des mots, propre à l'auteur...

un survol de l'Histoire de Toulouse, Bordeaux et d'un plus large Sud-Ouest, au travers de thèmes choisis, divers et variés... une jolie poésie à découvrir...

un manque d'illustration pour appuyer les idées et asseoir les images décrites, pour comprendre et défendre les réflexions émises..."
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L'amour n'est pas une chose qui disparaît à jamais, répond-elle d'une voix basse, mais une chose qui renaît chaque jour, comme une source sourd de la terre. Regarde au fond de toi , cette source n'est pas tarie.
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Je mesure ici la puissance du bulldozer de l'oubli. La facilité avec laquelle les crimes sont enfouis comme s'ils n'avaient jamais existé, pour qu'une génération venue d'ailleurs installe son paradis insouciant sur cette île, en ignorant tout de sa désolation.
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Une larme

Amàlia ne pouvait décoller son visage du hublot. Qu’il était étrange de voir son île depuis le ciel, de voler au-dessus de la bouche du volcan, posé sur le bleu de l’Atlantique, pour elle qui avait tant foulé ses champs de lave. Qui avait passé tant de temps à tailler les vignes de Dom Fonseca.
Famille et amis avaient pleuré et chanté un chant de Dispidida, mi-triste mi-joyeux destiné à ceux qui s’en vont et dont on le sait si on les reverra. “Tu es trop belle pour rester ici, un jour tu partiras, je le sais et ça me brise le cœur…” lui chantait déjà Rafa des années plus tôt et elle riait de ses bêtises, de ses déclarations grandiloquentes. Pourquoi partirait-elle ? Ses parents comme ses sœurs avaient besoin d’elle et puis elle aimait le rocher ardent sur lequel elle était née. À peine avait-elle quitté une demi-douzaine de fois son bourg de Saõ Filipe pour rejoindre Praia, la capitale de l’archipel du Cap-Vert. Et voilà qu’elle était partie pour de bon.
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