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EAN : 9782356391087
171 pages
Elytis (05/01/2013)
3.95/5   11 notes
Résumé :
Avril 1938. L’offensive des troupes franquistes sur le haut-Aragon fait fuir des milliers d’Espagnols vers la France par les cols pyrénéens. Au cours de cette première “retirada”, une femme épuisée accouche en pleine montagne, dans la neige. L’enfant sera Français. Son père, resté sur le front, ne reviendra pas de la bataille de l’Èbre.
À partir de cette histoire authentique, l’auteur retrace l’itinéraire d’une femme et de ses parents réfugiés qui ont décid... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Au-delà du drame que le roman a choisi de développer, ce que je vois surtout ici est un magnifique hymne à la vie.

Ceci est particulièrement clair à la fin du roman, quand le héros prend la main de Nuria pour la conduire vers des jours meilleurs : dès le début de leur fuite, les rires, les chants et les plaisirs de la vie ont la part belle.
P152 : "elle émit un petit rire, le premier depuis qu'ils étaient partis".
"Ils ouvrirent le sac d'amandes, le pot d'olives et débouchèrent la bouteille de vin en poussant le bouchon avec un tournevis. Ce petit repas improvisé dans la voiture était presque drôle. Il fut heureux de la voir manger avec appétit et boire au goulot."
P153 : "Dans le temps étiré de ce voyage nocturne, ils chantèrent. Un homme était mort, mais ils chantèrent pour chasser leur nervosité". Elle lui apprit les paroles de la chanson "Al vent" et lui en chanta d'autres, en catalan. Il aimait la musique de cette langue dans sa bouche et en redemandait".
Malgré le drame, malgré tous ces morts, malgré la tragédie de l'Espagne, "effarante par ses armée de morts", le plaisir de vivre est bien là ! Et Antoine l'a bien compris :
P163 : "La mort ne l'effrayait pas, mais il y avait mieux à faire. Vivre. Et emmener avec lui la mémoire, comme un précieux butin."

L'auteur nous rappelle la force incroyable de la vie, qui arrive à trouver son chemin dans la plus noire des histoires.
Ici, celui qui conclut sa quête, (lui qui est parti sur les traces de son père géniteur), celui qui vient le sauver et le tirer de sa lutte dans le brouillard, c'est.... son père, pas celui qui lui a donné la vie, mais celui qui l'a fait vivre et avec qui la vie continuera.
"son père" : ce seront les deux derniers mots du roman. No más...
La boucle est bouclée... Magnifiquement !

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Il y a une composante dans ce roman dont j'aimerais parler.
Elle était déjà bien présente dans "les îles du Santal" mais j'y ai été plus sensible ici, peut-être parce que je la connaissais, parce que je l'ai reconnue, sous toutes ses formes, étant d'origine catalane :
c'est l'odeur, ...les odeurs.
En fait, il me semble qu'elles sont au coeur même de l'essence de ce roman, qui, grâce à elles, "sent bon l'Espagne".
On pourrait presque leur accorder la place d'un personnage qui intervient de façon significative pour enrichir le roman à plusieurs niveaux. J'en ai détaillé 4 :

1 - Les odeurs viennent compléter la vision du quotidien.
2 - Elles sont en interaction avec les personnages
3 - L'odeur a la vedette de l'action.
4 - Les odeurs s'inscrivent dans l'essence du roman dont elles soulignent la spécificité.

1/ Les odeurs viennent compléter la vision du quotidien

P35 : les fromages aux odeurs fleuries
P40 : l'odeur de linge propre, de fleurs séchées et de vieux bois.
P78 : odeurs de résine et de poussière.
P98 : l'odeur d'aubergine et de tomate confite, lard et oignon
P135 : l'air était rempli des odeurs fraîches de la rivière et des murmures du courant.

2/ Elles sont en interaction avec les personnages

P81 : "une assiette de pain, tomates, olives et serrano, arrosée d'un vin parfumé du Priorat qui l'avait mis de bonne humeur." (à Lérida)

P115 : "il avait respiré ses cheveux, un parfum doux de fleurs séchées, d'immortelles. Il en avait ressenti un plaisir aigu." (Nuria)

P137 : en parlant du père de Nuria : "Antoine sentit son odeur âcre de transpiration et de tabac". (Connotation négative qui sent le rejet et le dégoût.)

3/ L'odeur a la vedette de l'action.

P85 : (au début de la 2ème partie) C'est l'odeur de fumée qui réveille Antoine, quand la maison du vieil Appolo brûle.
"Une agitation confuse et une odeur de fumée. Non, de brûlé. A cette pensée, il s'éveilla d'un coup. L'odeur était bien là, réelle."

4/ Les odeurs s'inscrivent dans l'essence du roman dont elles soulignent la spécificité.

P81 : On est en Espagne, et les odeurs apportent à Antoine la conscience d'être en terre étrangère.
"La fraîcheur était tombée, mais elle n'avait rien à voir avec le froid vif des soirées pyrénéennes. Par la fenêtre de la portière ouverte, Antoine respirait des odeurs étrangères, mates, grasses. Des odeurs lourdes de secrets envasés, entraînés par les flots lents. Des odeurs minérales aussi, venues de ces roches grises qui portaient un manteau d'arbres maigres et tortueux."
("secrets envasés", les flots lents" = qui ont emporté le père d'Antoine et emporteront celui de Nuria.)
("roches grises" "arbres maigres et tortueux" = cette partie de l'Espagne.)

Conclusion :
A mon avis, ces odeurs que l'auteur décline si bien à l'infini sont une des marques, (si ce n'est LA marque) de son ADN littéraire. ... Incontournables !




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Peut-on lutter contre l'oubli en allant à la recherche de son père, et plus exactement du passé de celui-ci ? Il semble bien que cela soit le cas à la lecture du roman de Serge Legrand-Vall La rive sombre de l'Èbre.

Nous sommes en 1964 .Antoine est journaliste à Bordeaux, il aime Marie, sa compagne .Il est fils adoptif d'Emile qui l'a élevé durant son enfance en France .Antoine est fils de réfugiées espagnols, Inès et Antonio Romero. Ce dernier est mort durant la bataille de l'Ebre en 1938 tandis que son épouse Inès a pu mettre au monde son enfant Antoine dans la neige d'un col pyrénéen durant la Retirada, terme désignant la retraite des troupes républicaines espagnoles face à l'offensive des troupes franquistes conduite cette même année.
Antoine apprend le décès de sa mère Inès, disparition due à une crise cardiaque .A l'occasion des obsèques, on lui remet des lettres de ce père, au passé insuffisamment éclairci pour Antoine. Pour en avoir le coeur net, il décide de se rendre en Espagne qui est à cette époque toujours sous le joug de la dictature de Franco .Antoine décide de rencontrer les habitants du village de Mora, localité de Catalogne .Il y rencontre ainsi une certaine Pilar, qui a connu Antonio Romero et l'ai aimé en pleine guerre civile. Toutefois, Antoine est intrigué à la lecture des lettres de son père par la mention d'un certain Gonzalo. Pilar lui fait comprendre que ce Gonzalo l'a aimée elle aussi, qu'il a réussi, entre deux affrontements, à lui rendre visite … Ce qui met en doute la véritable filiation d'Antoine .Est-il le père d'un combattant républicain, Antonio Romero, ou d'un franquiste Gonzalo ?

Il ya dans ce roman des séries de rappel concernant l'histoire, le pouvoir de l'idéal, celui de la violence aussi .Ainsi apprend-on avec quelque honte que les réfugiés espagnols ont été loin d'être les bienvenus en 1939 au pic de leur exode .Manolo, un personnage du roman, exilé , se souvient : « Et les coups de crosse avec ça , les insultes .Comme si la seule chose qu'ils voulaient, c'était nous humilier .On a été parqués comme du bétail dans une cour de ferme , sans nourriture , sans eau, dans la boue , sous la pluie et la neige … »
L'auteur rappelle que cette guerre fut le théâtre d'atrocités multiples, que des milliers de fusillés ont été enterrés dans des fosses communes, sans sépulture…Le récit de la mort d'Antonio Romero en novembre 1938, noyé au cours d'un repli de son détachement, prend tout son sens : « Engourdi, épuisé. L'eau glacée emplit sa bouche .Elle avait un goût de roche et de pluie .Antonio sut qu'il ne vivrait pas ce que la vie pourtant lui avait réservé .Puis, la paix des eaux le recouvrit. »

Le récit retient bien l'attention du lecteur, en particulier grâce à la mention du contenu des lettres d'Antonio et à l'évocation de la situation des personnages durant la guerre civile, fort opportunément indiquée en italique dans l'ouvrage. Les personnages y ont une grande épaisseur humaine. On s'attache à leurs combats, on compatit à leurs déchirements entre deux cultures. Nous ne révélerons pas le dénouement du roman, dont la lecture est très agréable, souvent émouvante .Cet ouvrage illustre la liaison étroite entre l'Histoire, toujours à (re)découvrir et les destinées individuelles, incluses dans cette dernière et actrices de son accomplissement.

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« de ce côté » c'est la France, l'Ariège, pays d'accueil des grands parents et de la mère d'Antoine, fuyant les troupes franquistes en 1938. le père d'Antoine resté sur le front n'en reviendra pas. de ce père biologique, Antoine ne connaît que le portrait et la détermination à combattre l'oppresseur. de l'Espagne, il ne sait « que la tristesse ». On ne parle pas de l' « avant » dans sa famille afin de pouvoir reconstruire sa vie ici.
La mort prématurée de la mère d'Antoine, va libérer la parole familiale. La découverte de lettres de ce père inconnu va inciter Antoine à franchir la barrière pyrénéenne, à passer « de l'autre côté », à la recherche de l'histoire paternelle et de ses racines. Il en découvrira bien plus que ce qu'il était venu chercher…

Ce roman court et raconté simplement, m'a très facilement entraîné à la suite d'Antoine dans la découverte de son histoire familiale intrinsèquement liée à celle du peuple espagnol sous Franco. L'intrigue démarre lentement et va crescendo ; le rythme s'accélère au fil des découvertes d'Antoine. le climat lourd de non-dit et d'interdits de ce village de l'Ebre, les révélations inattendues et les actions qui en découlent donnent parfois le sentiment d'être au coeur d'une intrigue policière et nous tiennent en haleine jusqu'au dénouement.

A travers l'histoire d'Antoine, l'auteur aborde des sujets qui m'ont touchés : l'exil, la quête d'identité, la filiation (biologique ou non), le poids du secret familial, l'importance de la mémoire, qu'elle soit collective, familiale ou individuelle. Il interroge sur la capacité des individus à se construire lorsqu'une partie de leur histoire leur échappe. Antoine est du côté de la vie…la fin très belle en est tout un symbole.
L'auteur rend également un bel hommage aux combattants Républicains tombés pour leurs idéaux, ainsi qu'aux réfugiés pour qui une certaine forme d'oubli a souvent été nécessaire pour se reconstruire.

J'ai apprécié la pudeur de ce roman : l'auteur ne s'épanche pas sur les sentiments de ses personnages. Ceux-ci transparaissent au détour d'un paysage, d'un geste, du souffle du vent, d'une odeur, des paroles interdites de la Santa Espina, offrant de beaux moments de lecture, des passages inspirés. Les sens pour entrebâiller la porte des émotions.
Ce roman se regarde, se sent et s'écoute autant qu'il se lit.
A découvrir.
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Sensibilité et impressions partagées au fil de la lecture: les Pyrénées , la bourgade espagnole , la vie des gens de part et d'autre des cimes, la neige, cocon cotonneux entre mère et fils ... le pull tricoté à la main de l'étudiant arrivant en ville, l'enterrement simplement , la 4L .... le décor est plein de finesse .
Et puis, viennent des questions profondes sur la guerre, celle-ci, les autres, toujours ravageuses jusqu'aux générations qui suivent, "secrets de famille", le silence toujours, incontournable silence ! p.68 "Qu'est-ce que ça va t'apporter?" "Tout ça est fini et enterré". Ces mots qui sont un appel au questionnement !
La paternité est merveilleusement décrite, tous ces pères pour Antoine ! le héros (Antonio), l'ouvrier (Émile), le charcutier totalement intégré (Manolo), le grand-père Lluis, et .. ??? Voici une maman aimante qui a su laisser de la place aux pères !
Les passages les plus durs sont pleins de pudeur.
Et l'édition est très belle .
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Un très bon roman qui a, dans un contexte tragique, la gaieté et l'énergie de ses jeunes protagonistes. Si la guerre civile espagnole commence à avoir été racontée de nombreuses fois, ce n'est pas le cas de l'Espagne franquiste des années soixante, dans laquelle nous plonge cette histoire. le climat délétère de ce pays replié sur lui-même où la Guardia Civil et la religion font encore régner la terreur imprègne l'atmosphère de ce roman. Mais sous la vivacité de son héros, un jeune ariégeois à la recherche de ses racines, ce village au bord de l'Ebre, va voir resurgir le passé et l'espoir de sa jeunesse.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Sans se concerter, ils avaient cesser de parler, comme si la puissance de mort de l'endroit les enjoignait au silence. Éblouis de soleil, ils marchèrent l'un derrière l'autre, les yeux tournés vers le sol, vers cette terre de sang. Les crêtes de cette montagne aride avaient été défendues par des hommes habités d'idéal, qui étaient tombés là par milliers, offrant leurs corps sacrifiés pour un futur qu'ils ne connaîtraient jamais. Et deux grands enfants étaient là aujourd'hui, nés de cette tragédie qui les encombrait, comme une charge trop lourde à porter...
...Aujourd'hui, le soleil caressait la terre martyrisée, les rocs blancs éclatés, comme on effleurerait du bout des doigts un cadavre sec. Le vent agitait les branches des pins noirs, tordus d'une souffrance ancienne, figée. Antoine se sentait gonflé du deuil de tous ces hommes, il entendait, porté par le souffle du vent sur les roches, leurs murmures infinis et fraternels.
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De l'Espagne, enfant, il ne savait que la tristesse, le deuil de la perte de quelque chose qu'il n’avait jamais possédé et qui pourtant le hantait.Cette même douleur qui faisait s'arrêter sa mère en plein mouvement, les yeux dans le vague, perdue dans un souvenir qui lui était inaccessible. [...] Il n'était pas comme les autres, puisqu'ils le clamaient. Mais il n'était pas non plus comme les siens. Qui était-il donc ? Il ne possédait pas la réponse.
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Quand on a passé le col, on avait de la neige jusqu'au dessus du genou. En m'enfonçant dans tout ce sucre glacé, j'avais l'impression de rêver. Des fois j'avais envie de me laisser tomber et de rester là. Mais j'étais courageuse. Il fallait que je montre l'exemple. J'ai eu les premières douleurs dans la descente. Ton grand père m'a portée un peu et puis comme tu étais pressé de voir la France, tu es né là, dans la neige, avec toute une bande de fugitifs autour de toi. Oh, comme ils t'admiraient, comme ils étaient contents! Et pourtant on était pas fiers, tous trempés et grelottants. On aurait dit que ta naissance, c'était un pied de nez à ces affreux qui nous faisaient tant de misère.
Et moi qui pleurais et qui riais. Oh là là, c'était un jour de douleur et de joie en même temps. Tu étais là et j'espérais tant que ton père puisse nous rejoindre...
Tu es né dans le plus blanc des lits et dans le plus grand des berceaux, les montagnes Pyrénées tout entières!
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En Ariège, tous les cols étaient des ports,comme si les montagnards naviguaient dans un océan de vagues pétrifiées et que le havre se situait, non dans le creux de la vallée, mais sur ce passage élevé qui séparait deux sommets de vagues, ourlées de neige en guise d'écume.
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La mort ne l'effrayait pas, mais il y avait mieux à faire. Vivre. Et emmener avec lui la mémoire, comme un précieux butin. La fille de l'assassin l'accompagnait, sa sœur. Elle qui s'était retournée contre le mal et avait provoqué la dernière mort, celle qui mettait un terme au massacre. Sa sœur était la plus belle chose à laquelle il aurait pu rêver. En reliant les deux pans de l'histoire, elle la transformait en prodige.
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Vidéo de Serge Legrand-Vall
Serge Legrand-Vall vous présente son ouvrage "Un oubli sans nom" aux éditions In8.
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