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Citations de Siegfried Lenz (97)


« Wir setzen uns mit Tränen nieder », « Nous nous asseyons en larmes » : c’est sur cette cantate que la chorale du lycée a ouvert la cérémonie commémorative, puis M. Block, notre directeur, s’est dirigé vers la tribune jonchée de couronnes. Il marchait à pas lents, c’est à peine s’il a jeté un regard vers la salle des fêtes comble ; arrivé au niveau de la photo de Stella, disposée sur un chevalet devant l’estrade, il a ralenti, il s’est raidi, ou a semblé se raidir, et s’est incliné profondément.
(Incipit)
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« Animal Farm est ce que l’on pourrait appeler une fable appliquée, ou une fable applicable, on cherche à nous dire quelque chose à travers autre chose, ce que nous découvrons au premier plan dissimule une vérité universelle, qu’on pourrait désigner comme la misère de la révolution. » Elle s’est arrêtée devant la bibliothèque, elle a continué à parler, contre l’étagère : « Pour les animaux, ce ne sont pas tellement les revendications habituelles de la Révolution qui comptent – plus de pain, plus de liberté –, ce qu’ils veulent, c’est mettre fin à la domination de l’homme, c’est un objectif limité, concret, qu’ils atteindront d’ailleurs. Mais la fondation d’une nouvelle civilisation marque le début de la misère. Elle commence par la constitution de classes et par l’aspiration de quelques-uns au pouvoir. » […] «Il existe un titre de livre que tu n’es pas obligé de connaître mais qui en dit long : La révolution dévore ses enfants».
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Je veux rester ici, seul, tout seul dans cette cellule qui m’apparaît comme un tremplin sur lequel on m’aurait forcé de monter ; je dois descendre, je dois sauter et plonger encore et encore jusqu’à ce que j’aie tout remonté des profondeurs, tout ce puzzle de souvenirs que je voudrais reconstituer sur la table, élément par élément.
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Le vent mit aussitôt à l’épreuve la fermeté de notre pas. Ils nous attaqua de flanc, se glissa sous nos manteaux mais les trouva bien boutonnés et se retourna donc contre nos pélerines.
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Le Belge souleva le panier, Hilde Isenbüttel y farfouilla et en retira un sandwich au jambon et une tranche de cake. Elle me tendit l'un et l'autre, me laissant le soin de choisir; comme j'ai du mal à me décider dans des cas pareils, je pris les deux et ne me formalisai pas du clin d'oeil de connivence que je les vis échanger.
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C'était le manteau bleu aux poches profondes dans lesquelles il prétendait pouvoir faire disparaître, comme il nous en menaça un jour, les enfants qui le dérangeaient au travail.
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Nous attendîmes jusqu'au crépuscule et il ne se passait toujours rien. Le soleil se couchait  derrière la digue, exactement comme le peintre lui avait appris à le faire sur papier fort, non perméable : il sombrait, il s'égouttait  pour ainsi dire dans la mer du Nord, en filaments de lumière rouges, jaunes, sulfureux ; de sombres lueurs fleurissaient des crêtes des vagues. Le ciel s'allumait de tons ocres et vermillons aux contours flous, aux formes imprécises, presque gauche ; mais le peintre lui-même le voulait ainsi : l'habileté, avait t-il déclarer un jour, ce n'est pas mon affaire. Donc, un long coucher de soleil, gauche d'allure, avec quelque chose d'héroïque malgré tout, plus ou moins bien, cerné au début comme noyé à la fin.
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Peut-être cela commença-t-il ainsi :  je remarquai que j'étais observé et non seulement observé mais reconnu. Les slovènes étaient assis autour de leur table ronde, la mine béate, l' œil vitreux, plein de schnaps. Les marchands avaient d'intérêt que pour une vieille femme qui passait sans faire attention à eux et les paysans courbés par le vent avaient fort à faire avant l'orage imminent. Les acrobates ? Les prophètes ? Ceux-là ne faisaient que soliloquer.
 Ce devaient être les deux banquiers avec leurs mains vertes légèrement dorées et leur visage semblable à des masques, ils me regardaient. Ils avaient cessé de se mettre d'accord du coin de l' œil sur l'homme prostré en face d'eux sur sa chaise. Son désespoir ne les intéressait plus, ils l'abandonnaient à sa douleur. Il me sembla qu'ils avaient  levé le regard, toute trace de supériorité avait disparu de leurs yeux gris et froid. Je ne pouvais pas me l'expliquer, je ne cherchais pas non plus à me l'expliquer :  la peinture se rétrécit , j'ai ressenti une douleur précise, comme un étau contre les tempes, quelque chose de clair se déplaçait  vers la peinture germait  très loin à l'arrière-plan et se rapprochait en vacillant.
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On se dit qu'ils vont rester terrés un bon moment, faire les morts, se tenir cois, en tête à tête avec leur honte, dans l'obscurité, mais à peine a-t-on eu le temps de respirer Que déjà ils sont de retour. Je savais bien qu'ils reviendraient, mais pas si vite, Teo, jamais je ne l'aurais cru. Quand on voit cela, on ne peut que se demander ce qui leur fait le plus défaut : la mémoire ou les scrupules.
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On n'entendait pas encore leurs pas traînants dans le couloir que déjà le policier de Rugbüll s'apprêtait à les recevoir et adoptait  un maintien que nous qualifierons de martial. Dressé de tout son haut , des jambes légèrement écartées , solidement ancré  au plancher, l'air décontracté mais néanmoins en éveil, il resta  planté au centre de la cuisine, revendiquant ostensiblement l'obéissance dont on lui était redevable en tant qu'instructeur et actuel chef de notre milice populaire.
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Il avait la réflexion besogneuse, la compréhension lente, une chance car cela lui permettait de supporter pas mal de choses et surtout de se supporter lui-même.
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Il y en a qui se font du souci, dit-il, il y a des gens qui se font du souci pour toi parce qu'ils pensent que les  choses peuvent changer  un beau jour : tu sais qu'il a beaucoup d'amis. J'en sais encore plus, dit mon père, je sais qu'on l'estime aussi à l'étranger, qu'on l'admire même, je sais que chez nous également, il y en a qui sont fiers de lui, fiers, parce qu'il a inventé ou créé ou fait connaître le paysage de chez nous. J'ai même appris que dans l'Ouest et dans le Sud c'est à lui qu'on pense d'abord quand on pense à notre région. Je sais pas mal de choses crois-moi. Mais pour ce qui est du souci ? Celui qui fait son devoir n'a pas de souci à se faire -même si les choses devaient changer un jour.
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Je dois patienter si je veux tracer de lui un portrait ressemblant ; je dois évoquer les entrée en matière des deux hommes, leur extraordinaire propension à larder la table de la cuisine de silences exagérément longs -ils parle il parlèrent d'avion volant en rase-mottes et de chambres à air- je dois supporter une fois encore le soin minutieux qu'ils mirent à s'informer de la santé de leurs proches et je dois aussi songer à leurs gestes lents mais calculés.
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Mais il faut maintenant que je décrive le matin, même si chaque souvenir appelle des significations nouvelles : il faut que je mette en scène une lente éclosion du jour au cours de laquelle un jaune irrésistible l'emporte peu à peu sur le gris et le brun ; il faut que j'introduise l'été, un horizon sans bornes, des canaux, un vol de vanneaux, il faut que je déroule dans le ciel des nappes de brume, et que je fasse résonner de l'autre côté de la digue le bourdonnement vibrant d'un cotre ; et pour compléter le tableau, il faut que je quadrille le paysage d'arbres et de haies, de fermes basses d'où ne se lève aucune fumée ; il faut aussi que, d'une main négligente, je parsème les prairies de bétail taché de blanc et de brun.
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Peut-être te renverra t-on les tableaux un jour, Max. Peut-être que la Chambre veut-elle seulement les examiner et te les renverra-t-on après.
Et dans la bouche de mon père une telle affirmation, une telle hypothèse prenait un air de vraisemblance tel qui ne serait venu à l'idée de personnes de mettre en doute sa bonne foi. Le peintre en resta interloqué et sa réponse mit du temps à venir. Jens, dit-il enfin avec une indulgence un peu amère , mon Dieu, Jens, quand comprendras-tu qu'ils ont peur et que c'est la peur qui leur inspire cette décision, interdire aux gens d'exercer leur profession, confisquer des tableaux. On me les renverra ? Dans une urne peut-être, oui. Les allumettes sont entrés au service de la critique d'art, Jens, de la contemplation artistique comme ils disent. Mon père faisait face au peintre ; il ne montrait plus le moindre embarras et son attitude exprimait même une impatience arrogante. Je ne fus donc pas surpris de l'entendre dire : Berlin en a décidé ainsi et cela suffit. Tu as lu la lettre de tes propres yeux, Max. Je dois te demander d'assister à la sélection des tableaux. Est-ce que tu vas mettre les tableaux en état d'arrestation ? demanda le peintre et mon père, d'un ton cassant, nous verrons quels tableaux doivent être réquisitionnés. Je vais noter tout ça et on viendra les chercher demain.
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Toujours plus haut, plus vite, plus abrupt. Toujours plus vigoureuse les impulsions. Toujours plus près de la cime large et défrisée du vieux pommier planté par Frederiksen du temps de sa jeunesse. La balançoire émergeait avec un sifflement de l'ombre verdoyante, glissait dans un grincement d'anneaux le long des cordes tendues et vibrantes et  engendraient  au passage un fort appel d'air; et, sur le corps arqué et tendu de Jutra passait les ombres effrangées des branchages. Elle grimpait vers le sommet, restait un instant suspendu dans l'air, retombait ; j'intervenais dans cette chute en poussant rapidement au passage la planche de la balançoire ou les hanches de Jutta ou son petit derrière ; je la poussais en avant, en haut, vers le sommet du pommier, elle grimpait là-haut comme projetée par une catapulte, la robe flottante, les jambes écartées, et le courant d'air sifflant lui modelait sans cesse une nouvelle apparence, tirait ses cheveux vers l'arrière ou donnait plus d'acuité encore à son visage osseux et moqueur. Elle avait décidé à faire un tour complet avec la balançoire et moi, j'étais décidé à lui fournir l'impulsion nécessaire, mais pas moyen d'y arriver, même quand elle se mit debout, jambes écartées sur la planche, pas moyen d'y arriver, la branche était trop tordu ou l'impulsion insuffisante : ce jour-là, dans le jardin du peintre, pour le soixantième anniversaire du docteur Busbeck. Et quand Jutta comprit que je n'y arriverai pas, elle se rassit sur la planche. Elle se laissa balancer en souriant sans l'ombre d'une déception et se mit à me regarder d'une façon bizarre. Et soudain elle m'enserra et me retint dans la pince de ses jambes maigres et brunes, je n'avais plus guère notion d'autre chose que de sa proximité. En tout cas je compris cette proximité, et j'ose l'affirmer, elle comprit que j'avais compris ; je décidai de rester absolument immobile et d'attendre la suite mais il n'y eut pas de suite : Jutta me donna un baiser bref et négligent, desserra ses jambes, se laissa glisser à terre et courut vers la maison.
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Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda mon père d'un air méfiant. Le peintre ouvrit les yeux et s'écarta de l'armoire. Il posa sa pipe sur un rebord de fenêtre. Il prêta l'oreille au vent qui, dehors, faisait bruire les branches du noisetier contre la gouttière. Il s'approcha ensuite sans montrer le moindre émoi du chevalet, en retira l'aquarelle, la tint un moment à distance, la serra vivement contre lui ; ses mains vigoureuses, expertes, hésitèrent un peu sur le bord du papier, eurent du mal à se décider. Mais voilà que soudain elles se levèrent, se séparèrent brutalement, déchirant l'aquarelle. La déchirure sépara Klaas de l'homme au manteau rouge et la peur de mon frère devint sans objet. Max Ludwig Nansen posa les deux morceaux l'un sur l'autre, ou plutôt non. Il commença par déchirer l'homme au manteau rouge et jeta les lambeaux flamboyants sur le plancher. Ensuite il s'occupa de mon frère, réduisit le portrait de la peur en morceaux irréguliers de la taille d'un paquet de cigarettes environ, les empila, s'approcha de mon père et les lui remit en disant : Tiens, emporte-les, ça vous facilitera la tâche.

page 213
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Siegfried Lenz
'Voudrais-tu que je reste ici?'
'Bien sûr', dit Paula, et elle ajouta: 'il n'y a personne ici, avec qui les objets trouvés se sentent si bien qu'avec toi, c'est ta place ici.'
'Et en plus, Paula, je m'imagine ici comme un objet trouvé moi-même.'
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'Ne m'en veux pas, Henry, mais souvent je crois que tu prends tout trop à la légère.
Tu vis un peu comme ci comme ça, tu fais une chose, puis une autre, on te pardonne comme on pardonnerait un enfant, un gentil enfant, c'est vrai. En tous cas maman le fait.' Après un pause elle dit: 'Sans but, je veux dire, tu vis sans but.'
'C'est ainsi que je m'en sors', dit-il.
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- Tu te trompes : aujourd'hui, il n'existe pas un seul pays au monde où l'on puisse vivre en totale liberté ; ce qui fait la différence, c'est seulement une bureaucratie plus ou moins souple. C'est elle, en effet, qui décide quelles pièces de rechange tu vas recevoir, quelles chances de promotion tu auras, dans combien d'organisations tu as le droit d'être actif pour garder leur confiance. Crois-moi : une meilleure bureaucratie, et je suis sûr que le socialisme se propagerait un peu partout dans le monde. Et je te dis tout de suite : même après que cinq générations auront appris à vivre sous le régime socialiste, les gens n'auront toujours pas renoncer à réclamer ce dont on cherche à les priver, ces petites libertés si essentielles à tout un chacun.
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