AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Simone Schwarz-Bart (55)


Le pays dépend bien souvent du cœur de l'homme: il est minuscule si le cœur est petit, et immense si le cœur est grand. Je n'ai jamais souffert de l'exiguïté de mon pays, sans pour autant prétendre que j'aie un grand cœur. Si on m'en donnait le pouvoir, c'est ici même, en Guadeloupe, que je choisirais de renaître, souffrir et mourir. Pourtant, il n'y a guère, mes ancêtres furent esclaves en cette île à volcans, à cyclones et moustiques, à mauvaise mentalité. Mais je ne suis pas venue sur terre pour soupeser toute la tristesse du monde. A cela, je préfère rêver, encore et encore, debout au milieu de mon jardin, comme le font toutes les vieilles de mon âge, jusqu'à ce que la mort me prenne dans mon rêve, avec toute ma joie...
Dans mon enfance, ma mère Victoire me parlait souvent de mon aïeule, la négresse Toussine. Elle en parlait avec ferveur et vénération, car, disait-elle, tout éclairée par son évocation, Toussine était une femme qui vous aidait à ne pas baisser la tête devant la vie, et rares sont les personnes à posséder ce don. Ma mère la vénérait tant que j'en étais venue à considérer Toussine, ma grand-mère, comme un être mythique, habitant ailleurs que sur terre, si bien que toute vivante elle était entrée, pour moi, dans la légende.
J'avais pris l'habitude d'appeler ma grand-mère du nom que les hommes lui avaient donné, Reine Sans Nom; mais de son vrai nom de jeune fille, elle s'appelait autrefois Toussine Lougandor.
Elle avait eu pour mère la dénommée Minerve, femme chanceuse que l'abolition de l'esclavage avait libérée d'un maître réputé pour ses caprices cruels.
Commenter  J’apprécie          160
Ah ! la vie est déchirée, de partout déchirée, et le tissu ne se recoud pas… quelqu’un lance une parole en l’air, comme ça, et la folie frappe et elle assaille, et l’on tue et l’on se fait tuer…
Commenter  J’apprécie          120
Comme je me suis débattue, d'autres se débattront, et, pour bien longtemps encore, les gens connaîtront même lune et même soleil, et ils regarderont les mêmes étoiles, ils y verront comme nous les yeux des défunts. J'ai déjà lavé et rincé les hardes que je désire sentir sous mon cadavre. Soleil levé, soleil couché, les journées glissent et le sable que soulève la brise enlisera ma barque, mais je mourrai là, comme je suis, debout, dans mon petit jardin, quelle joie !...
Commenter  J’apprécie          120
Quand elle avait rêvé d'Hortensia, elle en revenait toujours à la peau claire de l'enfant Cydalise, à ses ongles sans lunule, à ses admirables cheveux fins, quoique frisottant dangereusement sur les tempes, raison pour laquelle elle les enduisait tous les soirs d'huile d'amande douce. Puis elle soupirait d'aise, tirait sur sa pipe, et soudain lui apparaissait une vision de fin des temps, et c'était merveilleux, des milliers de négresses se rapprochaient de la lumière, et elles se mettaient à sauver la couleur, lentement, au long des siècles, et elles gravissaient la terrible pente d u sang, nuance après nuance, jusqu'à ce que tout le sang noir ait enfin disparu de la terre et la malédiction avec. Lorsque cette vision se dissipait, lorsqu'elle arrivait au terme de ce voyage qui résumait tout, Man Louise regardait autour d'elle et pensait à Monsieur Legrandin, et elle se demandait une fois de plus pourquoi cet homme l'avait achetée, l'avait mise en case, et ce qui avait bien pu le retenir auprès d'elle si longtemps, même après qu'il eut vu ce derrière lisse et blanc comme de l'ivoire, cette chose si particulière que lui avaient façonnée les onguents de Madame Pisquette.
Commenter  J’apprécie          110
Simone Schwarz-Bart
« A vrai dire, tout ce que je souhaite, c’est seulement de temps à autre passer un petit moment avec certaines personnes défuntes. Je n’ai plus guère la prétention, comme dans les années vingt, de les ressusciter. Quand à faire valser les montagnes, mon Dieu, toutes mes écritures ne susciteraient pas une ride dans l’eau. Mais ça me fait un bien étrange d’écrire des choses pareilles, si illusoires soient-elles. C’est comme si je taillais des marches dans l’air. A condition de se faire légère, légère, et de ne pas marquer la moindre hésitation, on peut les gravir tranquillement, sans crainte. Et puis quand on le redescend, cet escalier, comme je le fais maintenant, on ne se sent pas du tout gêné d’avoir escaladé le vent. On écarquille les yeux, d’un air incrédule, et l’on éprouve une sorte d’envie de sourire. »
Commenter  J’apprécie          102
Je n'ai jamais souffert de l'exiguïté de mon pays, sans pour autant prétendre que j'aie un grand cœur. Si on m'en donnait le pouvoir, c'est ici même, en Guadeloupe, que je choisirais de renaître, souffrir et mourir. Pourtant, il n'y a guère, mes ancêtres furent esclaves en cette île à volcans, à cyclones et moustiques, à mauvaise mentalité. Mais je ne suis pas venue sur terre pour soupeser toute la tristesse du monde. A cela, je préfère rêver, encore et encore, debout au milieu de mon jardin, comme le font toutes les vieilles de mon âge, jusqu'à ce que la mort me prenne dans mon rêve, avec toute ma joie...
Dans mon enfance, ma mère Victoire me parlait souvent de mon aïeule, la négresse Toussine. Elle en parlait avec ferveur et vénération, car, disait-elle, tout éclairée par son évocation, Toussine était une femme qui vous aidait à ne pas baisser la tête devant la vie, et rares sont les personnes à posséder ce don. Ma mère la vénérait tant que j'en étais venue à considérer Toussine, ma grand-mère, comme un être mythique, habitant ailleurs que sur terre, si bien que toute vivante elle était entrée, pour moi, dans la légende.
J'avais pris l'habitude d'appeler ma grand-mère du nom que les hommes lui avaient donné, Reine Sans Nom; mais de son vrai nom de jeune fille, elle s'appelait autrefois Toussine Lougandor.
Elle avait eu pour mère la dénommée Minerve, femme chanceuse que l'abolition de l'esclavage avait libérée d'un maître réputé pour ses caprices cruels.
Commenter  J’apprécie          80
Le pays dépend bien souvent du cœur de l'homme : il est minuscule si le cœur est petit, et immense si le cœur est grand.
Commenter  J’apprécie          70

Dans un de ses carnets, André Schwarz-Bart écrit:

" Impression que toute vie laisse aussi peu de trace que si elle s'était déroulée dans l'imagination ."

Un voile de brume nimbe cette existence qui s'est silencieusement déroulée derrière le miroir.
Cependant, les traces existent bel et bien...( p 11 )

Commenter  J’apprécie          60
Nous n’avons, pour nous aider, pas davantage de traces que l’oiseau dans l’air, le poisson dans l’eau, et au beau milieu de cette incertitude nous vivons, et certains rient et d’autres chantent. J’ai cru dormir auprès d’un seul homme et il m’a vilipendé, j’ai cru le nègre Amboise immortel, j’ai cru à une enfant qui m’a quitté, et pourtant, sans savoir pourquoi, je ne considère rien de tout cela comme du temps de perdu. Peut-être bien que toutes les souffrances, et même les piquants de la canne font partie du faste de l’homme, et peut être bien qu’en le regardant d’un certain œil, en me penchant d’une certaine manière, il me sera possible, un jour, d’accorer une certaine beauté à l’ange Médard. Ainsi rêvant, le soir descent sans que je m’en aperçoive, et, assise sur mon petit banc d’ancienne, je lève soudain la tête, troublée par la phosphorescence de certaines étoiles. Des nuages vont et viennent, une clarté s’élève et puis disparaît, et je me sens impuissante, déplacée, sans aucune raison d’être parmi ces arbres, ce vent, ces nuages. Quelque part, depuis le fond de la nuit, s’élèvent les notes discordantes, toujours les mêmes, d’une flûte et bientôt s’éloignent, s’apaisent. Alors je songe non pas à la mort, mais aux vivants en allés, et j’entends le timbre de leurs voix, et il me semble discerner les nuances diverses de leurs vies, les teintes qu’elles ont eues, jaunes, bleues, roses ou noires, couleurs passées, mêlées, lointaines, et je chercher aussi lesfil de ma vie.
Commenter  J’apprécie          60
La vérité est qu’un rien, une idée, une lubie, un grain de poussière suffisent à changer le cours d’une vie.
Commenter  J’apprécie          50

" Ils ne savaient pas que c'était impossible,
alors ils l'ont fait."
~~ Mark Twain ~~

Commenter  J’apprécie          50
Son corps s'habituait à la chute, y trouvait une nouvelle façon d'être, de respirer, et il finit lentement par s'endormir à poings fermés, répandant son âme dans la nuit. Quand il souleva les paupières, l'œil frais, il était en planement dans un vaste ciel étoilé. Tout en bas, c'était maintenant un paysage de collines, de champs tracés comme en damier, lits de rivières au cours sinueux et argenté. Puis il reconnut les premiers arbres de la Guadeloupe, palmiers, cocotiers, fromagers ; et comme il se posait dans une savane blanchie par la lune, rebondissait pour venir enlacer la terre, en riant, pleurant et riant, ses joues se frottant inlassablement à l'herbe fraîche de la nuit, soudain l'odeur de ce monde lui parut singulière et il s'assit, regarda tranquillement ce qui s'offrait à lui...
Commenter  J’apprécie          50
Et la vie attend l’homme comme la mer attend la rivière.
Commenter  J’apprécie          40
Il n'est pas bon de planter n'importe quelle graine dans n'importe quel terrain, et il n'est pas sage de dire n'importe quoi à n'importe quelles oreilles.
Commenter  J’apprécie          40
Le morne La Folie était habité par des nègres errants, disparates, rejetés des trente-deux communes de l'île et qui menaient là une existence exempte de toutes règles, sans souvenirs, étonnements, ni craintes. La plus proche boutique se trouvait à trois kilomètres et ne connaissant nul visage, nul sourire, l'endroit me semblait irréel, hanté : une sorte de pays d'esprits. Les gens du morne La Folie se dénommaient eux-mêmes la confrérie des Déplacés. Le souffle de la misère les avait lâchés là, sur cette terre ingrate, mais ils s'efforçaient de vivre comme tout le monde, de se faufiler tant bien que mal, entre éclair et orage, dans l'éternelle incertitude. Mais plus haut sur la montagne, enfoncées dans des bois profonds, vivaient quelques âmes franchement perdues auxquelles on avait donné ce nom : Égarés. Ces derniers ne plantaient pas, ils ne coupaient pas la canne, ils n'achetaient ni ne vendaient, leurs seules ressources étant quelques écrevisses, des pièces de gibier, des fruits sauvages qu'ils échangeaient à la boutique contre du rhum et du tabac, des allumettes. Ils n'aimaient pas l'argent, et si on leur glissait une pièce dans la main, ils la laissaient tomber à terre, l'air ennuyé. Ils avaient des visages impassibles, des yeux imprenables, puissants, immortels. Et une force étrange déferlait en moi à les voir, une douceur alanguissait mes os et sans savoir pourquoi, je me sentais pareille à eux, rejetée, irréductible.
Commenter  J’apprécie          40
Télumée, mon petit verre en cristal, dit-elle pensivement, trois sentiers sont mauvais pour l’homme : voir la beauté du monde, et dire qu’il est laid, se lever de grand matin pour faire ce dont on est incapable, et donner libre cours à ses songes, sans se surveiller, car qui songe devient victime de son propre songe…
Commenter  J’apprécie          30
C'est toujours pour moi un étonnement sans nom de voir ce que devient la créature qui a vécu trop d'ans. La plupart, au fur et à mesure que les forces diminuent, semblent se réduire à une seule note, un seul désir: le tabac, l'alcool, la coquetterie, le goût des larmes, la parole, un certain silence, la nourriture, tel souvenir ou tel rêve qui revient immuablement.
On pourrait croire que si nous devenons maniaques, nous autres vieux, c'est parce que nous n'avons plus de force que pour jouer une seule note dans la gamme de l'être.
Commenter  J’apprécie          30
Les damnés expiaient quelque péché atroce, aussi noir et mystérieux que la surface de leur épiderme .
Commenter  J’apprécie          30
Le pays dépend souvent du cœur de l'homme : il est minuscule si le cœur est petit, et immense si le cœur est grand .
Commenter  J’apprécie          30
Derrière une peine il y a une autre peine, la misère est une vague sans fin, mais le cheval ne doit pas te conduire, c’est toi qui dois conduire le cheval .
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Simone Schwarz-Bart (379)Voir plus

Quiz Voir plus

Jacques a (encore) dit …

Jacques Higelin a composé et chanté le double album « Champagne pour tout le monde … vodka pour les autres »

vrai
faux

10 questions
28 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , politique , théâtre , médecine , journalisme , télévision , chansonCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..