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Citations de Stanislaw Ignacy Witkiewicz (48)


Subitement Genezyp fut soûl au point de perdre connaissance. Il discutait de quelque chose avec la princesse, lui promettait quelque chose - il se produisait des choses incommensurables, même si avait pu exister cette fameuse "mesure psychique de Lebesque", cette possibilité de différencier les ultimes, les plus minuscules déviations du psychisme humain. Le monde paraissait éclater d'auto-inassouvissement définitif. Des "morceaux d'âme" se déchiraient en lambeaux et étaient transportés vers des régions inconnues par un tourbillon enflammé d'alcool mêlé de cervelle de jouvenceau. A un certain moment, Zypcio se leva, sortit de la pièce comme un automate, s'habilla et sortit du palais en courant. Il était grand temps. Il vomit horriblement. Un moment plus tard, un tourbillon de neige dure granulée l'assaillit sur le Plan des Grains. Mais il ne s'était pas encore éveillé ce soir-là - il n'avait pas encore compris l'horreur dernière des instants qui ne reviendront plus.
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Votre savoir a dépassé la grandeur de vos âmes. Vous êtes au pouvoir d'une machine qui vous échappe des mains et grandit comme un être vivant, qui mène une vie autonome et doit finir par vous manger.
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Zcypio devenait un petit ver de terre dans les déserts infinis d'une solitude sans fond, comprimé en une pilule aussi dense que de l'iridium et qui, comme un serpent, s'avalait elle-même et ne pouvait s'avaler, étripée, étirée sans fin sur les latitudes géographiques (et non plus astronomiques) du globe illimité de l'Etre spatial. Sans aucun effort, il franchit en soi-même un col si haut qu'il se perdait dans les nuages.
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... se déroulait quelque chose d'inconnu dans le domaine cérébro-matériel. Zypcio s'arracha à lui-même pour entrer dans un monde secret et atroce où régnaient d'autres lois qu'ici - mais où cela se passait-il ? Il était ici et là simultanément. "Où suis-je ?" criait quelqu'un sans voix dans des cavernes sans formes, sans fond et sans voûte, dans "les grottes que creusent le rêve et la démence" (Micinski). Ah - c'est donc cela la démence dont on parle tellement. Ce n'est pas si terrible : une légère "non-euclidienneté" psychique. Et simultanément ce "petit essai sans valeur" était quelque chose de si horrible que la vie entière n'y pouvait suffire. Pas cela même, mais seulement ce qui pouvait être au-delà : ce qu'en diraient les centres moteurs, et puis les muscles, les ligaments, les os - n'allaient-ils pas tout mettre sens dessus dessous, tout réduire en poussière - et ensuite les conséquences, c'était cela qui était terrible.
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Et même si j'étais mauvaise, tu devrais m'aimer, car je sais mieux que toi ce qu'est la vie (A cet endroit Genezyp fut un peu ému et il décida de ne jamais lui faire de mal - advienne que pourra) et ce n'est pas tout : je voudrais à ce moment-là que tu deviennes tout entier aussi grand et fort que ce que tu sais quand je te plais, tel que tu seras un jour, peut-être plus pour moi, et que tu m'étouffes de toi et que tu m'anéantisses. (Zypcio éprouva une étrange sensation d'illumination intérieure en lisant des mots : il vit à nouveau en lui un horizon infini, étouffant d'un inassouvissement sans limite, gonflé d'une quantité de diable-sait-quoi inaccomplis, d'actes-objets sans nom, d'inconcevables existences psychophysiques dont les seuls équivalents visuels pourraient être les créatures-choses inconnues et incompréhensibles qui apparaissent dans les visions de peyotl.
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D'ailleurs ces fameuses "couches subconscientes", ces petits moteurs des diverses actions dont la somme donne l'arrière-fond de toute l'activité d'un homme donné, sont en général de petites saloperies assez dégoûtantes. Heureusement, malgré tout le freudisme, peu de gens s'en rendent compte - sinon beaucoup en vomiraient d'écoeurement de soi-même et des autres.
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La pensée solitaire bouillait dans une marmite éloignée de la vie. De petites âmes chétives, émissaires effacés du Grand Mal, sans lequel il n’y aurait pas d’Existence en général, préparaient insensiblement la décoction infernale dont on avait décidé, dans les mondes subconscients et quelque part encore dans la lointaine lignée des ancêtres, d’empoisonner l’ «organisme » du jeune Kapen, idéalement créé pour d’autres conditions. Rien à faire.
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- Nous encore, continuait à crier Irina Vsievolodovna, nous les femmes, nous avons un sain instinct de vie. Car pour nous une vie sans hommes à admirer n'est que torture et honte. Y a-t-il pire chose pour un femme que de mépriser l'homme qu'elle aime ou même qu'elle désire seulement, de ne pas sentir sa supériorité sur elle ?
Ces paroles tombèrent comme une pierre dans un marécage. Il y eut un éclaboussement dans les petits marais psychiques individuels des hommes présents, reliés entre eux. Cependant il y avait une vérité là-dedans : les hommes s'étaient enchiennés, mais elles pas. On aurait pu leur trouver diverses circonstances atténuantes, mais à quoi cela aurait-il servi et qu'est-ce que cela signifierait pour elles, les femmes ? Les causes sont indifférentes quand on est face à un fait irréversible. Silence.
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- Et qu'est-ce que la folie ?
- Tu veux une définition classique ? L'incommensurabilité de la réalité et d'un état intérieur, poussée à un degré qui dépasse les normes de sécurité admises dans un certain milieu.
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... l'"inquiétude astronomique", si proche jadis des états supérieurs conduisant aux considérations philosophiques, est à notre époque rapidement chassée par le jour quotidien, comme un luxe inutile.
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"Théoriquement" il savait tout - ce "tout" sexuel d'un élève innocent de huitième - mais il n'avait jamais imaginé que cette science théorique pût si facilement et si intimement s'accrocher à la réalité. Tout resta soudain comme rivé ou fiché dans le sol, tout le passé lui était présenté comme sur un plateau, soustrait au temps, froid et coagulé. L'instant présent aussi était figé dans cette bouillie sans durée, comme un couteau planté dans le ventre d'un ennemi. Comme un petit ruisseau, la vie "murmurait" quelque part entre les éboulis, mais cela ne faisait qu'amplifier la fantastique immobilité du tout. On aurait dit que le monde entier s'était arrêté dans sa course, regardant en soi-même avec des yeux exorbités par la terreur. "Rien ne demandera rien dans sa propre tombe." Voilà ce que le camarade "défendu" avait écrit. Et soudain "quelque chose" lâcha et tout reprit son cours à une vitesse folle, par contraste avec l'immobilité précédente, comme un torrent qui désintègre des bouchons de glace flottante. L'écoulement du temps, qui avait semblé arrêté peu auparavant, devint une torture insoutenable.
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L'éthique ? Foutaises ça, monsieur. Pour les schizophrènes d'un certain type, ce sont des mots vides de sens - il n'y a qu'eux-mêmes et rien en dehors. "Magnifique remède contre l'amour malheureux : tuer quelqu'un qui n'a aucun lien avec cet amour - un monsieur étranger - le premier passant venu." Il se rappela les vers d'un quelconque foutu pseudo-futuriste de l'ancien temps, de l'époque de Boy :

... et le premier passant venu
Boum sur la tête - le deuxième ? aussi !
Ce n'est pas un crime
C'est le menu
De ma cuisine.
Or donc, c'est ainsi, c'est ainsi
Boum, rien d'autre, comme ceci :
On jette les vieux rossignols
Sans passer par chez Borgnol...
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Même si j'étais le meilleur homme au monde, je suis et je ne serai jamais qu'un ramassis de petites existences luttant entre elles en nombre infini. Le monde est aussi cruel à l'intérieur de l'individu qu'en dehors de lui" - c'est tout ce qu'avait dit un jour Sturfan dans un heure d'ivresse. Aujourd'hui Genezyp comprenait cela, non pas en idées, mais par tout son sang vivant - il lui semblait que dans ses artères cloaques filtrait une coulée écoeurante, venimeuse et nauséabonde. Il n'y a rien d'autre au monde qu'une grande impureté révoltante, et pourtant tout était bien. Il fit de la main un geste de dédain. Eh bien, lui aussi, puisque le monde entier était comme cela.
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- Non - assez de bavardages dégradants. Je vais l'étrangler sur place comme un écureuil. (Pourquoi était-ce précisément ce petit animal-là qui lui venait à l'idée, bien qu'il n'eût jamais de la vie étranglé un écureuil ?)
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- Non - assez de bavardages dégradants. Je vais l'étrangler sur place comme un écureuil. (Pourquoi était-ce précisément ce petit animal-là qui lui venait à l'idée, bien qu'il n'eût jamais de la vie étranglé un écureuil ?)
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Il était un fou en dirigeant l'autre - mais en lui-même il était tout simplement un autre homme, logique dans ses pensées, et même malin. Mais deux "moi" ne peuvent vivre dans un seul corps - cela arrive exceptionnellement et pour un temps très court, mais il n'y a pas d'équation générale pour cela. C'est pourquoi cela s'appelle (à juste titre) folie. Et cette pauvre fille parlait à ce tas de choses psychologiques, déformé et rendu méconnaissable (dan les dimensions humaines normales, on ne pouvait y reconnaître ceci ou cela) et elle était abusée par la mine hébétée de ce tas.
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Parfois Zypcio pensait au suicide, mais il continuait à vivre par simple curiosité de ce qui se passerait plus tard et de ce que lui réservait encore Dieu, impénétrable dans ses inventions de torture temporelle ('car il est notoire que l'enfer n'est que l'ennui éternel).
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Parfois Zypcio pensait au suicide, mais il continuait à vivre par simple curiosité de ce qui se passerait plus tard et de ce que lui réservait encore Dieu, impénétrable dans ses inventions de torture temporelle ('car il est notoire que l'enfer n'est que l'ennui éternel).
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Votre savoir a dépassé la grandeur de vos âmes. Vous êtes au pouvoir d'une machine qui vous échappe des mains et grandit comme un être vivant, qui mène une vie autonome et doit finir par vous manger.
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(Genezyp se sentait un insecte dans cette maison : un cafard, une punaise, une blatte. Ah, si l'on pouvait parfois se vomir tout entier directement dans le néant sans cesser pour cela d'exister ! C'est cela qui serait une jouissance !)
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