Après un petit silence, parce que le silence après la musique, ça reste de la musique, tout le monde applaudit. Même le môme.
C’est le genre de mec qui se prend pour un GI alors qu’il a jamais été foutu de réussir les tests d’entrée de l’armée. Ou alors, c’est vraiment un facho. Pas impossible.
Il y a son chien aussi, un gros berger allemand. Démon qu’il l’appelle. Il le kiffe trop. Il lui parle comme si c’était son meilleur pote, l’engueule comme si c’était son gosse et le caresse comme si c’était sa bonne femme. J’y connais trop rien en chien et en maître-chien, mais leur relation me paraît pas très nette.
Alors si moi je dis qu'il est taré le gosse c'est qu'il est taré. Abruti, idiot. C'est pas méchant, c'est juste la vérité. Faut appeler un chat un chat. Il a pas la lumière à tous les étages, le gamin, c'est tout. Maintenant que les choses soient claires, y a que moi qui ai le droit de dire ça comme ça. Le premier qui le traite de mongol, je lui en allonge une, et croyez-moi, j'ai beau peser pas bien lourd, quand je cogne, je cogne
Je le regarde, le cœur grand ouvert.
— Tu sais quoi, je dis en passant mon bras autour de son cou, de temps en temps, je me demande si t’es un crétin ou si c’est moi qui suis trop couillon pour pas voir que t’es un génie.
Il pose sa tête sur mon épaule.
— Chais pas, qu’il me répond.
— Moi non plus. Moi non plus.
La nuit est venue, pleine de nuages, pas une étoile pour la ramener. Même la lune l’a mise en sourdine. Un temps idéal pour un monte-en-l’air. Quoique je me demande, étant donné que l’on descend dans les caves, est-ce qu’on est toujours des monte-en-l’air ? Je me pose trop de questions parfois. Surtout des questions à la con.
Les mots, c’est des trousses de maquillage, c’est juste pour paraître beau, pour cacher les défauts, mais ça enlève pas la vraie mocheté.
— Le Bondieu, c’est une sorte de vieux barbu en kimono tout blanc qui habite dans un nuage cinq étoiles. C’est celui qui a fait tout ça.
Je tends le bras et fais un grand cercle.
— Et à mon avis, il a dû organiser ça après un pot de départ parce que faut en avoir pris une bonne pour faire un monde de traviole comme ça. Il devait avoir paumé son niveau à bulle, y a rien d’équerre. Il a dû penser : « Tiens, j’ai bien envie de me marrer aujourd’hui. Quelle connerie je vais bien pouvoir faire ? Je sais, je vais créer les hommes ! Ils vont passer leur temps à se foutre sur la gueule, à tout déglinguer autour d’eux, ça va être fendard. Ça va faire de l’animation. » Sérieux, t’as vu comment il t’a fait ? Et moi, on peut pas dire que je sois vraiment réussi non plus. Je suis aussi cabossé à l’intérieur qu’à l’extérieur. Franchement, on peut pas dire qu’il se soit vraiment appliqué. C’est comme s’il avait pris un livre de coloriage et avait dépassé de partout le sagouin. Alors pour rééquilibrer tout ça, pour que ça soit plus vivable, il a fait le ciel et la mer et les étoiles et la lune, les comètes, et tous ces trucs qui t’en mettent plein la vue parce que c’est immense et beau. Après il est pas con non plus, il a calé ça très loin de nous pour pas qu’on puisse y toucher, pour pas qu’on puisse salir ou abîmer.
C’était grisant au début de tracer droit devant sans savoir où on va, d’enfiler les petites routes, de bouffer du bitume en voyant la nature siffler dans nos oreilles, de laisser derrière nous le béton, la crasse et les emmerdes.
(...) Rien d’autre ne comptait que de cracher la foudre. Ce n’était pas la victoire que j cherchais, c’étai l’explosion. Me faire défoncer était plus vivable que de contenir cette boule de lave qui ravageait tout dans mon ventre
Quand le coup est parti, ses potes étaient tellement surpris qu’aucun deux n’a bougé. De toute façon, ils bougeaient, je les mangeais tous. J’avais des étincelles plein les cheveux et les poings durs comme des parpaings. Ils auraient pu me tomber dessus, je ne crois pas que j’aurais eu le temps de les rallonger tous les deux avant de me faire allumer, mais ça n’avait pas d’importance.