Il aide Sal à remettre leur fille dans son berceau.
- Tu verras, Matt, avec le temps, ça devient plus facile.
- C'est vrai ?
- Oui. Lorsqu'ils quittent la maison, parait-il.
- Que voyez- vous de l'endroit où vous êtes ?
- Beaucoup de policiers - certains avec des fusils d'assaut, pas juste des armes de poing. Il y a des fourgons de police partout et des gens de la télé qui arrivent aussi, certains dans des camions. A mon avis, tout le monde a cru à un attentat , au début. C'est normal, de nos jours, on pense tout de suite à des terroristes, non ?
Car voyez-vous, ces filles, je les trouvais mignonnes.
Bien sûr, je n’aurais pas dû écouter les conversations des autres. Mais dans les transports en commun, on ne peut pas faire autrement, vous n’êtes pas de cet avis ? Il y a tant de gens qui vocifèrent au téléphone que tout le monde hausse le ton pour rivaliser. Pour être entendu.
Car lorsqu'on devient parent, on découvre que cet amour englobe bien plus de peur que l'on l'aurait imaginé au départ, et cela change radicalement notre vision du monde.
Que penseriez-vous si vous voyiez deux hommes monter à bord d'un train, chacun muni d'un sac-poubelle noir au contenu mystérieux ? Moi qui suis mère d'un ado dont la chambre doit faire l'objet de contrôles sanitaires, par mesure de santé publique, je me suis simplement dit: un grand classique ! Vous n'avez pas réussi à trouver un fourre-tout, les garçons ?
La reporter sur place revient à l'écran. Elle répète les mêmes choses juste à l'extérieur du périmètre délimité par le ruban de la police. Pourquoi font-ils toujours cela sur les chaînes d'info en continu? Répéter les mêmes choses à l'infini. Tourner en rond.
Durant l'année qui s'est écoulée, je me suis très souvent demandé ce qui faisait de nous la personne que nous sommes. Je ne parle pas simplement de la notion d'inné et d'acquis, mais de l'addition de notre caractère au départ et de toutes les décisions que l'on prend par la suite. De toutes les pensées qui fusent dans notre esprit, parfois à notre corps défendant. De la manière dont nous affrontons nos cas de conscience et nos responsabilités. Ce qui explique que moi, je m'en veuille, alors que d'autres à ma place ne s'en voudraient pas.
La culpabilité, nous le savons bien, a ses propres règles.
J’ai commis une erreur. Aujourd’hui, je le sais.
Mais si j’ai agi comme je l’ai fait, c’est à cause de ce que j’ai entendu dans ce train. Et je vous le demande, en toute franchise : qu’auriez-vous éprouvé, à ma place ?
J’ai lu quelque part qu’à la quarantaine, on est censé s’intéresser davantage à ce qu’on pense des autres qu’à ce que les autres pensent de nous. Moi, je n’en prends pas le chemin.