Citations de Thibault de Montaigu (74)
A quoi ressemblait la vie sexuelle de Robinson ?
Je lui répète tous les petits trucs qui m'ont aidé à reprendre pied quand je me sentais tomber : ne pas penser au-delà du jour qui se couche, ne pas se comparer aux autres, essayer de vivre simplement dans le présent en tâchant de trouver le goût des plaisirs minuscules, la sensation de l'eau ruisselant sur le crâne pendant la douche, le goût amer du café adouci par la tendresse du chocolat, les flocons de neige ciselés, pareils à de la dentelle se posant sur la vitre avant de disparaître comme par enchantement. Et puis l'art, aussi...
On se les pèle. La pluie redouble. Mon jean me colle aux cuisses.
La machine à laver a rendu l’âme.
La liberté n'est pas faire ce que l'on désire, mais désirer ce que l'on est en train de faire.
Comment a-t-il pu s’aveugler à ce point ? Il s’est cru un destin ; il s’est rêvé en saint François ; il a échoué, victime une nouvelle fois de cette maladie d’orgueil contractée dans son enfance.
D'autres voulaient bien admettre que j'avais ressenti quelque chose d'extraordinaire - une extase artistique, une expérience de sortie du corps , une union avec les énergies du cosmos - mais Dieu... Le personnage était tabou. Trop vieux, trop connoté.`À peine prononçais-je son nom qu'on se braquait ou qu'on aboyait. Je savais ; j'avais été comme eux avant.
Je t'aime... Oh ! et puis, merde ! (p.97)
Saint François a voulu que ses frères soient pauvres car la richesse sépare des autres. Elle laisse croire qu'on peut être à l'abri du sort. Qu'on peut tenir à distance la souffrance du monde. Mais ce n'est pas vivre en pauvre qui compte, c'est regarder le monde à travers leurs yeux. C'est accepter de dépendre les uns des autres. La fortune, le pouvoir, la beauté : tout passe. Tout peut nous être enlevé du jour au lendemain. La seule chose que l'on possède vraiment, c'est le don de soi-même.
Mon corps perdait ses contours à mesure que les lignes mélodiques se déroulaient et refluaient le long du vaisseau de la neuf. Alors j'ai senti en moi un point, une minuscule fleur de lumière qui commençait à grandir. Qui s'épanouissait au son des notes. Se répandait à travers ma poitrine. Irradiait ma gorge et mon crâne. Jusqu'à remplir soudain tout l'espace (...) Dieu était là, à l'intérieur de moi et derrière toute chose. Ici et nulle part à la fois, dans l'infiniment petit comme dans l'infiniment grand, immergé dans l'univers et l'univers immergé en lui... Alors, je me suis mis à pleurer comme jamais dans ma vie. (p39)
La faim leur ronge le ventre.
Le néon accusateur du frigo
Le miracle de l'espérance, c'est d'accepter ce qui va venir, l'accepter quoiqu'il arrive. quand bien même cela nous heurte, quand bien même ce n'était pas tout à fait ce que nous avions espéré. L'accepter sans réserve en se disant qu'il y a là-dedans quelque chose pour nous, qu'on ne voit pas au premier coup d'oeil mais qui est pour le mieux.
Il n’y avait pas eu d’événement. Pas de drame ni de signes avant coureurs. J’avais trente-sept ans, marié, deux enfants, une passion qui était devenue l’essentiel de mon travail. Même ce vieux rêve adolescent de déménager à l’autre bout du monde dans une ville vierge de souvenir, je l’avais réalisé. Alors quoi ?
D’un coup, j’avais perdu tout désir, toute envie, toute adhérence au réel. La moindre tâche me semblait exiger un effort insurmontable, et je passais mes journées, crucifié à mon lit, n’espérant que le sommeil. Un sommeil brutal, implacable, qui me déchargerait enfin de la fatigue d’être moi. Mais toujours revenait l’heure du réveil, lorsque la lumière du jour éventrait mes paupières. Alors ces pensées que je croyais disparues revenaient vrombir à mon oreille, pareilles à des mouches infatigables. Et rien – pas même les quarts de Lexomil pris à répétition, pas même les paroles apaisantes de ma femme – ne
les faisait taire. Je végétais dans un brouillard d’angoisse et de désastre.
Il n'y a rien de plus commun que le malheur des hommes lorsqu'ils comprennent qu'ils ne seront jamais rien d'autre qu'eux-mêmes.
Deux jours plus tard, j'étais à Orsay, dans la communauté franciscaine où il vivait avant que la maladie ne se déclare. Son frère Bernard et Alix, l'aînée des soeurs, y préparaient la messe d'enterrement en compagnie d'un prêtre. Alix m'a serré longuement dans ses bras sans un mot. J'ai songé que personne ne m'avait serré de la sorte depuis l'enfance, avec tant de coeur et de fermeté, et soudain et je me suis souvenu que, si, Christian le faisait justement pour me saluer après m'avoir embrassé longuement comme je l'ai raconté ; il me gardait enchaîné à lui une éternité, et le gamin que j'étais en éprouvait à la fois de la gêne et un étrange sentiment de soulagement, comme si j'avais pu soudain lui confier tout le poids de mon être, lui seul se chargeant désormais de le porter. (p. 55)
Il faut parfois fermer les yeux pour que vienne la lumière.
Il travaillote pour donner le change.
Sa largesse fait l'admiration de tous.
Oui, obéir à ce qui nous est donné comme les fleurs et les plantes obéissent au soleil et à la pluie, comme les marées obéissent à la terre et à la lune, comme les créatures obéissent au sommeil et à la soif. Il éprouve une paix nouvelle à accepter ce qui est et à tâcher de l'aimer.