Thierry Doré (II)

Sous les yeux des clients et de leurs téléphones, une vieille dame affolée venait de s’effondrer. À cet âge, les émotions vont droit au cœur.

Elle l'avait imaginé brave et fou, courageux et fier, et elle avait eu peur, de cette peur diffuse et pernicieuse que ressentent les mères et les épouses.

Sur ses joues, de profonds sillons marquaient encore le passage du malheur.

A force de remuer la terre des autres, on finit toujours par tomber sur un os.

Il devrait apprendre à ne plus trébucher sur les gens que le hasard allongeait en travers de sa route.

De ses yeux émergeait une lumière plus noire que l'encre de leurs pensées.

Rien n'aurait pu effacer l'expression qui s'afficha sur son visage, pas même la main qui le gifla.

Un petit smiley absurde le contemplait d’un œil sournois.

Aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours senti les gens et ne s’était jamais trompé. Jamais. Pas une seule erreur au compteur en trente années d’existence. On peut faire semblant, sourire, parler, rire et raconter ce qu’on veut : le fond des yeux ne ment jamais. Dès le premier regard, Simon lui avait donné des sueurs froides. Sans pouvoir mettre en mots ce qu’il ressentait, une évidence s’était aussitôt imposée : cet homme cachait un terrible secret, sombre et dangereux. Comme un sable mouvant, tranquille en surface, presque attirant, mais plus redoutable qu’une mare aux crocodiles. 

Les yeux de la jeune femme plongèrent dans ceux du prisonnier.
- J'espère que les piqûres ne te font pas peur...

Séparant l'avant de l'après, l'ombre de la mort venait de poser ses griffes sur leurs vies.