Citations de Thierry Moral (80)
La clé du bonheur peut se prendre, comme n'importe quelle clé accrochée au trousseau du quotidien. Une fois égarée, le quidam se retrouve à la porte de l'existence, rejoignant la condition de « sans bonheur fixe ».
(Incipit, p. 9)
Un BOUM, suivi d’un CRAC (les deux roues de devant qui lui passent sur le corps), puis d’un second CRAC (pour les roues arrière) et enfin le RRRIIIII de vos pneus qui glissent. Sans réfléchir, vous faites marche arrière. Votre fille vous regarde avec des yeux débordants d’incompréhension. CRAC et re-CRAC ! Vous vous sentez con, très con.
Vous coupez le moteur, prenez une respiration, puis regardez votre fille en tâchant d’être aussi rassurant que possible :
— Je vais voir...
Ça ne rate pas, elle pleure, mais l’urgence est d’aller constater les dégâts. GLOUPS. Le pare-choc est ruiné, le capot cintré et le phare avant gauche pété. Vous vous accroupissez. Le diagnostic est sans appel : la biche est décédée. Vous ne savez pas ce qui est le plus insupportable : la trace de pneus sur le corps, la langue pendante de l’animal, ou son regard vide ?
La graine de V ? Sérieusement ? Et pourquoi pas de la poudre du perlimpinpin ? Ou bien d’escampette ? Et vous deux, adultes responsables issus de zones plus ou moins sécurisées, vous suivez ? C’est magnifique, quand on y songe, cette capacité que vous avez – et dans ce vous, je nous inclus aussi – de vous perdre dans l’illusoire !
Sans regret, nous partons
Vers ce que nous dicte la raison
Celle de l'espoir de protection
Contre cette pluie qui s'abat à foison
Elle recouvre notre terre
Qui se montre imperméable
D'une bien singulière manière
La nature nous montre ce dont elle est capable
Elle unit ses forces pour mieux imposer sa loi
Nous qui lui avons tant forcé la main
Voilà, ce que nous indique la voix
Que nous suivons pour un autre lendemain.
(p. 65, le Chœur qui quitte lentement le roi et se dirige vers la montagne)
L'essentiel, pour moi, c'est l'authenticité.
(p. 12)
Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Ces hommes et ces femmes le comprennent-ils ? Leurs histoires m’ont toujours intéressé, mais je n’ai jamais réussi à en saisir le sens. En temps normal, j’accepte et je laisse couler en attendant le prochain bol de croquettes, mais j’ai comme l’impression que ma vie ne sera jamais plus normale.
Les objets me fascinent. Ours rassurant, clown farceur, lutin souriant, cheval en plastique. Je leur parle.
Je m'appuie sur la parole
Comme un bâton sous son berger
Guidant le troupeau des mots
Vers un ciel étoilé
(p. 9)
Certains humains me font penser à des pitbulls : ils ne lâchent rien, ne se reproduisent qu’entre eux, refoulant et agressant les sangs-mêlés.
[…] quitter le domicile conjugal en pantoufles, ne semble guère très sérieux en terme de démarche transgressive.
L’arbre de vie était là pour être admiré, respecté et honoré, pas pour être pillé.
Je suis toujours éberlué par la débauche de moyens que l’on peut s’autoriser pour des thèmes aussi futiles. L’agriculture, les voitures, l’érotisme, l’emploi, le bien-être, le développement durable, les mangas japonais, je comprends… mais un salon de la coutellerie, franchement !
(p. 142)
Arrivé à l'âge de la retraite, Jean Albert Durail a décidé de prendre du recul et de voir du pays, bien loin des rails tout tracés de cette société rongée par le pouvoir et l'argent. C'est en se rendant au mariage de sa petite fille, qui se déroulait au Togo, sur les hauteurs de Kpalimé, que son futur petit gendre (Moussa), l'a emmené à la frontière du Ghana où se trouve un curieux panneau indiquant « République Indépendante et Autonome de Montaubout». Monsieur Durail étant resté littéralement bouche bée devant ce bout de tôle, son futur petit gendre en a profité pour partir faire une course en lui promettant de lui envoyer un taxi.
(pp. 64-65)
Après avoir avalé un thé brûlant servi dans un gobelet en carton doublé afin d’éviter qu’il ne perce et avalé quelques noix de cajou échouées dans une assiette en carton elle aussi ; Éric se fait la réflexion que sa petite amie n’avait pas tout à fait tort en jugeant la décoration de la taverne aussi durement. Elle se contente de fixer son portable, sans un mot. Son masque et sa lampe frontale déposés sur la table lui redonne un aspect plus crédible dans l’univers. Éric se dit qu’il est en train de tout faire foirer : sa relation amoureuse, sa partie tant attendue à cause de la pandémie qui est loin d’être terminée et la confiance dans son groupe d’amis. Il a désormais l’intime conviction qu’il ne pourra pas sauver les trois. S’il fallait choisir une chose dans sa vie, ce serait quoi ? L’amour, la passion ou l'amitié ?
(p. 47, extrait de la nouvelle « Grandeur nature »)
Une nuit
À écouter sans vrai ment dormir
Les sons de cette vie ignorée
Faire la sourde oreille à ce qui dérange
Et un jour, s'y plonger, d'une absurde manière
Puis vient la nuit, qui repeint tout en noir
Qui redonne de l'éclat à chaque sensation
Chaque détail devient essentiel
« Ici, pas de quartier pour les ratés ! » Il paraît que c’est le même refrain partout ailleurs. La petite chanson de la violence au quotidien ne prend pas une ride. Au contraire, elle se développe et s’affuble de nouveaux couplets.
Le logo magique
Se répand tôt ou tard
Ces villages sans hic
Sont des vastes mouroirs
Surveillance sans flic
Dans un climat bizarre
Pour une authentique
Existence au radar
(p. 47)
[...] trêve de stratégie – la vie est ainsi faite, fête la vie, elle saura bien te le rendre, de toute façon, elle ne fait que donner –
Il se fait la réflexion que c'est tout de même dommage de devoir se retrouver dans ce genre de situation pour prendre conscience de cette absurde évidence : dans la vie on prend quantité de décisions sans réfléchir.
Prophétie viralelipipedique
Soudain, le ciel s'assombrit
Une voix se fit entendre
Résonnant, telle une onde cosmique
Défiant les limites de la science
Le prophète prononça deux phrases
"La terre est parallélépipédique
Le phénomène de la vie est un virus"
Et l'humanité fit avec.