J'étais reine, dans mon propre pays, et mes amants étaient aussi nombreux que les loges dans un rayon de miel. Mon peuple, les Sirènes, était venu en Crète durant l'Age d'Or ; venu de ses origines nordiques pour vivre en cette terre méridionale avec les habitants du bois d'Errance, satyres et dryades, léogryphes et télesphores. Des ailes pour voler, des jambes pour se déplacer, des doigts palmés pour nager : ne sommes-nous pas la race idéale ?
-Tu es un voleur.
-Un voleur ? protesta-t-il. Qu'ai-je volé ?
-Mes ailes.
-Elles sont toujours sur ton dos ! Puis il compris que l'accusation était fondée. Chez les sirènes, les ailes étaient le siège des émotions, comme le cœur chez l'Homme. « Mes ailes battent pour vous », disent les sirènes.
C'est à son aptitude à se trouver là lorsqu'une dame a envie de s'évanouir que l'on reconnaît un véritable gentleman.
Elle se nommait Pomone, comme la déesse des fruits, et elle évoquait à Coucou un figuier chargé de figues, tellement elle semblait mûre et succulente. C’était la plus jeune fille de Volumna. A l’âge de douze ans, à la consternation de sa mère, elle envisageait déjà une visite au Chêne Sacré. Mais Pomone était un arbre chargé de guêpe. Elle disait toujours la vérité, même si cela blessait, et parfois parce que cela blessait, et elle avait une tendance à voir plus d’araignées que de libellules.
Être séparée de lui, c’était parfois choir sur des coquilles tranchantes de nautiles ; parfois, elle empruntait l’arc-en-ciel d’Astarté comme échelle pour monter aux portes du paradis de la déesse ; et le retrouver seulement pour bavarder n’était pas moins cruel ni moins fascinant pour elle.
En l’état des choses, néanmoins, ces implacables dames, les Parques, avaient tissé sa destinée sur le même modèle que celle d’Enée. Qu’on y tranche un seul fil et les deux hommes subissaient les mêmes infortunes. Ils auraient pu être Castor et Pollux, frère et frère, au lieu de père et fils. Si son père le lui avait demandé, il aurait même dressé une de ces absurdes pyramides d’Egypte.
La forêt était la nuit, les rêves et, surtout, les cauchemars. La forêt, c'était autrefois.
Énée était un homme d’honneur, et non d’orgueil, une rareté en un temps de petites guerres perpétuelles et de rois arrogants.
Un jour, il avait vu un rossignol dans une cage en rotin. L’oiseau ne savait plus chanter.
Ascagne n’avait jamais aimé la reine de Carthage. Ses rages noires, son rire fébrile et même sa sombre beauté lui avaient déplu. Elle lui rappelait une panthère.