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Critiques de Thomas Mullen (160)
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La dernière ville sur terre

1918, quelques mois avant l'armistice. La grippe espagnole balaie toute la planète notamment les Etats-Unis. Les ravages sont terribles au point qu'une petite ville industrielle, Commonwealth, au coeur d'une forêt reculée au Nord de Washington, vote une quarantaine absolue pour tenter de se protéger de la contamination : personne ne peut en sortir, personne ne peut y entrer. Des tours de garde sont organisés par des volontaires pour veiller au respect du confinement.



La très réussie scène inaugurale introduit l'élément perturbateur : un étranger vêtu d'un uniforme sale de soldat s'approche et demande asile. Philip, seize ans, et Graham, vingt-cinq ans, son ami marié et jeune père de famille, sont de garde ce jour-là. Une décision est prise, lourde de conséquences.



Evidemment, le contexte du récit ( épidémie, guerre, confinement, privation de liberté ) résonne avec le monde actuel. Pourtant, il s'agit là du premier roman de Thomas Mullen, publié aux Etats-Unis en 2006, bien loin d'un quelconque opportunisme littéraire. En fait thème de la ville pestiférée, avec ses accents camusiens, permet à l'auteur de conduire une réflexion quasi existentialiste sur les choix d'une vie lorsque celle-ci est confronté à l'absurde et au chaos, ici représenté par un fléau.



Le récit est lent. Il peut même sembler répétitif parfois, mais c'est ainsi que s'installe une atmosphère étrange, flottante, pleine d'une menace sourde. Thomas Mullen fait avancer très subtilement son intrigue sur des détails qui passent quasi inaperçus avant de rebondir et prendre sens plus loin. Il décortique avec une acuité saisissante comment tout se désagrège.



D'abord la communauté de Commonwealth, ville vertueuse qui s'était érigée sur des idéaux quasi socialistes d'égalitarisme autour de la scierie où les ouvriers sont bien traités, bien payés, écoutés. Comment continuer à appliquer ses valeurs progressistes lorsque les temps sont aussi durs et dangereux ? Le contrepoint comminatoire du massacre d'Everett ( terrible répression policière d'une manifestation organisée par des membres du syndicat Industrial Workers of the World le 5 novembre 1916 ), vécu par un des personnages et raconté en analepse, rappelle la fragilité des idéaux les plus nobles.



« La quarantaine conçue pour empêcher la grippe de pénétrer en ville n'avait eu pour résultat que de la couper de ses idéaux premiers. C'était une ville en pleine éclipse et il serait obligé de naviguer par ses propres moyens au milieu des ténèbres. »



La fragilité collective du consensus politique est ainsi parfaitement analysé, tout comme celle des personnages. Le huis clos imposé par le confinement modifie les rapports humains à mesure que la peur, la suspicion, la paranoïa et l'aliénation entraînent les personnages dans un maelstrom d'émotions et de sentiments qui bouleversent leur être en profondeur.



Le lecteur est happé par leurs interrogations et leurs dilemmes dans toute leur complexité, sans aucun manichéisme. Chacun des personnages pensent agir selon des principes de rationalité, de moralité et de bonté, mais de bonnes intentions peuvent engendrer des actes néfastes. Ce qui est remarquable ici c'est ce sont les drames personnels de chacun qui façonnent l'intrigue plutôt que l'inverse. La force motrice du roman ce sont les choix des hommes mis à nu par la situation terrible qu'ils vivent. Parmi les nombreuses voix du roman, celle des adolescents, Philip et Elsie, m'a particulièrement touchée.



« Le sentiment de solitude s'était accru chaque fois qu'il avait vu son ami se comporter comme s'il ne le reconnaissait pas comme un proche ; il ne le saluait pas comme quelqu'un qui avait partagé les mêmes terreurs, ne voulait pas accepter le fait qu'ils étaient, qu'ils le veuillent ou non, liés par ces événements, surnageant dans ce tourbillon d'émotions déroutantes ; ou peut-être ne l'étaient-ils pas, peut-être le coeur et l'esprit de Graham seraient-ils à jamais incompréhensibles pour Philip ; peut-être que cette quarantaine les avait-elle séparés à jamais, les emportant sur des chemins différents qui ne se rencontreraient plus. »



Un récit à la fois intime et épique, violent et déchirant qui pose la question de l'intégrité et de la légitimité de nos choix, individuels ou collectifs, avec beaucoup d'intelligence.
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Minuit à Atlanta

Voici le dernier volet de la trilogie écrite par Thomas Mullen, consacrée à l'Atlanta d'après-guerre. Je l'attendais avec impatience car les deux précédents ( Darktown et Temps noirs ) étaient des polars historico-politiques de haute volée. Ce Minuit à Atlanta est clairement de la même qualité, combinant avec brio une intrigue policière dense et une reconstitution précise et brûlante des tensions raciales dans l'Etat sudiste de l'Alabama. Je précise que ce tome se lit très bien indépendamment des autres.



Cette fois, l'intrigue se déroule en 1956 dans un contexte houleux, parfaitement présenté, toile de fond idéale pour dramatiser le récit. La déségrégation scolaire est en marche depuis l'arrêt Brown vs Board rendu par la Cour suprême en 1954, mais son application est freinée par les hostilités déclenchées par ceux qui estiment qu'inclure des enfants noirs dans des écoles de blancs mettra en péril le mode de vie américain. 1955-56, c'est également la montée en puissance de la mobilisation pour les droits civiques depuis l'arrestation de Rosa Parks : émerge figure du jeune pasteur Martin Luther King, originaire d'Atlanta qui devient avec Montgomery l'épicentre de la lutte, au moment où il théorise les procédés de non-violence et de désobéissance civile par le boycott des bus.



A partir de là, Thomas Mullen a imaginé une enquête policière noueuse, complexe et dense, emplie de fausses pistes intelligentes, de faux-semblants révélateurs du terreau social explosif dans ces Etats du Sud. le directeur du seul journal noir influent de la région a été assassiné. Tommy Smith, anciennement un des premiers officiers de police noirs d'Atlanta, devenu journaliste, décide d'enquêter en douce sur la mort de son patron, parfaitement conscient que les enquêteurs blancs bâcleront l'affaire, d'autant plus que l'épouse a été érigé en coupable idéale sans aucune preuve.



Tout va être compliqué, entre le jeu trouble et peu lisible d'agents du FBI, une justice, une police rongées par la corruption et le racisme, des promoteurs immobiliers de mèche avec la mafia, avides de s'emparer de terrains urbains dévolus aux Noirs, sous le regard d'une municipalité complaisante. Mais au-delà de l'intrigue policière impeccable, je retiens tout particulièrement la volonté de l'auteur de ne jamais sombrer dans un manichéisme peut-être rassurant mais peu intéressant. Dans ce troisième volet, Thomas Mullen éclaire avec une acuité extra-lucide toute la complexité de la question raciale aux Etats-Unis : ses liens avec le communisme en pleine chasse aux sorcières mais aussi les tensions qui existaient et existent encore au sein de la communauté afro-américaine, tiraillée entre ses activistes parfois jusqu'au-boutistes et les partisans d'un compromis, entre les privilégiés et la plèbe.



Et puis, il y a ces formidables personnages, tous moralement complexes : Arthur Bishop, le directeur du journal, dont on découvre progressivement les secrets du passé ; Tommy Smith, le flic devenu journaliste, plus idéaliste que ne le laissaient paraître les précédents opus ; et surtout Joe McInnis. C'est lui qui est dans la lumière et c'est tant mieux. Lui le lieutenant blanc qui s'était retrouvé , puni, à la tête du premier département noir de police, d'abord accablé par la fonction, et qui finit par changer au contact de ses coéquipiers noirs au point d'apparaître comme un traître derrière les lignes ennemies. Juste superbe de la voir évoluer dans cet environnement âpre, violent et brumeux.



En fait, Minuit à Atlanta est tout l'inverse d'une fiction d'évasion qui ne vise qu'une plaisante récréation. Avec son style sobre et sincère, le roman force le lecteur à affronter la laideur du monde, quitte à lui faire bouillir le sang. Remarquable.
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Darktown

Bienvenue à Darktown, le quartier noir d'Atlanta !



Si la trame policière est tout ce qu'il y a de plus classique et sans grande surprise ( une enquête autour du meurtre d'une jeune fille noire ), la grande force de ce roman est d'immerger le lecteur en 1948 dans l'ambiance électrique d'une ségrégation de plus en plus contestée par un mouvement des droits civiques naissant.



Thomas Mullen est parti d'un fait historique fort : la création de la première brigade de huit policiers noirs, presque tous vétérans de la Deuxième guerre mondiale. Mais la tâche est terriblement ardue pour ces pionniers : privés du droit d'arrêter des suspects, parqués à l'écart du commissariat central où ils ne peuvent mettre les pieds, interdit de consommation d'alcool et de relations amoureuses hors mariage. Un racisme tristement quotidien et violent.



On suit un binôme de policiers qui va mener l'enquête clandestine jusqu'à faire ressortir tout ce que la ville d'Atlanta et le système ségrégationniste ont de pourri. Cette façon d'appréhender une réalité historique sans manichéisme, avec une forte résonance sociale tout en saisissant sa moralité complexe m'a fait penser à la démarche d'un Dennis Lehane dans Un Pays à l'aube. J'ai pensé aussi à l'univers de James Ellroy ( sans la flamboyante et percutante écriture ) pour sa galerie de flics brutaux et corrompus.



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Temps noirs

Temps noirs est la suite autonome du déjà très bon Darktown, encore plus réussi même car cette nouvelle plongée dans l'Atlanta de l'après-guerre est encore plus riche et dense.



1950. On retrouve le trio qui avait mené deux ans auparavant l'enquête sur le meurtre d'une jeune métisse : Lucius Boggs et Tommy Smith, premiers officiers « nègres » comme ils étaient appelés à l'époque, tentent d'arrêter l'approvisionnement en drogue de leur territoire mais la tâche est plus ardue que prévue. Ils reprennent leur alliance avec l'officier blanc Dennis Rakestraw, un homme d'honneur, rare policier d'Atlanta à avoir refusé de se joindre au Ku Klux Klan.



A partir de ce point de départ, la trame se déploie de façon tentaculaire avec de multiples arcs narratifs qui s'enchâssent avec un brio remarquable sur fond d'une évocation méticuleuse et vivante de la ville sudiste d'Atlanta . Les tensions raciales couvent dans cette ville et commencent à exploser dans le quartier blanc de Hanford Park où des familles noires commencent à emménager, victimes d'un harcèlement de plus en plus violent pour les faire fuir. Superbe idée que d'avoir choisi de placer la confrontation racial au coeur de la banlieue, incarnation s'il en est du rêve américain de l'après-guerre. La laideur du racisme n'en est que plus dérangeante.



La galerie de personnages est remplie de flics corrompus, de Klansmen, de néo-nazis, de trafiquants de drogue en pleine guerre des gangs, de banquiers cyniques et d'agents immobiliers sans scrupule. Et pourtant jamais le roman ne verse dans la manichéisme. Les dilemmes moraux sont au coeur du roman : ceux de Rakestraw dont le beau-frère est un Klansman stupide, mouillé dans une affaire de meurtre, il doit choisir entre sa carrière / loyauté à sa fonction et sa famille à protéger ; ceux de Boggs, déchiré entre les valeurs traditionnelles inculquées par son pasteur de père et le grand amour en la personne d'une jeune femme au passé trouble. La richesse psychologique de ces personnages-là et de tous les autres, même les secondaires, apporte énormément au récit, jusqu'à des dernières pages flamboyantes, définitivement grises, vibrantes d'émotions.



Un polar qui a du souffle et fait penser aux grands romans de Dennis Lehane et James Ellroy tant sa capacité à repousser le genre de la fiction policière très loin s'allie à un sens de l'Histoire puissant. Un portrait passionnant d'une ville sudiste en lutte pour concilier ses pulsions violentes avec les impératifs imminents de la déségrégation à venir. Une ville à l'aube.



Coup de coeur !
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Darktown

Atlanta, 1948. Le département de la police, à sa tête, le lieutenant McInnis, se voit dans l'obligation de recruter huit hommes noirs. Parmi eux, Lucius Boggs, fils de pasteur, et Tommy Smith, vétéran médaillé de la Silver Star. Ces deux-là vont faire équipe et vont sillonner, durant leur service de nuit, le quartier noir de la ville. Un soir, ils interpellent un homme au volant d'une Buick qui vient tout juste d'emboutir un lampadaire. Mais l'homme est très peu coopératif, allant jusqu'à les ignorer, et ordonnant à sa passagère, de qui Tommy essaie d'attirer l'attention, de ne surtout pas répondre. Impunément, l'homme redémarre, aussi Boggs et Smith préviennent-ils le régulateur d'envoyer des collègues. Si les deux policiers sont étonnés de voir débarquer Dunlow et Rakestraw aussi vite dans le quartier, ils sont encore plus surpris de les voir laisser filer la Buick sans même une contravention... Quand le cadavre d'une jeune femme est retrouvé dans un dépotoir, qu'aussitôt Boggs reconnaît comme la passagère de la Buick, les deux coéquipiers décident de mener leur enquête officieusement, sachant pertinemment que le meurtre d'une femme métisse ne ferait l'objet d'aucune enquête...



Thomas Mullen s'empare d'un fait historique et nous plonge, avec force et fracas, dans une Amérique encore ségrégationniste. Huit officiers noirs intègrent la police d'Atlanta. Mis à part leur badge et leur arme, ils n'ont, malheureusement, pas grand-chose à voir avec leurs collègues blancs puisqu'ils ne peuvent pas procéder à des arrestations et mettre des amendes, ne partagent pas les mêmes locaux, n'ont pas le droit de boire et n'ont pas le droit de se promener en tenue en dehors des heures de travail, travail qui se fait de nuit et à pied, évidemment. Si Boggs et Smith en sont et n'ont d'autre choix que de se plier à ces directives, il n'en demeure pas moins, quitte à aller contre, que le meurtrier d'une femme métisse doit répondre de ses actes. Outre cette enquête policière passionnante et tendue qui révèlera bien des coups bas, des mainmises et une corruption grandissante, ce roman est d'autant plus captivant mais surtout saisissant de par cette immersion au sein de la police, de la ville et de la vie quotidienne (tensions raciales, KKK...). L'auteure dépeint avec précision l'ambiance de l'époque et rend un bien bel hommage à ces huit policiers.

Un roman remarquable...

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Darktown

1948 est une année bien spéciale pour les citoyens d'Atlanta. le service de police de la ville a décidé, sous la pression du lobby des droits civiques, d'y intégrer des policiers noirs. Peut-on vraiment parler de policiers ? Outre l'insigne et l'arme, ils n'ont absolument rien pour travailler. Ils circulent à pied, exclusivement dans le quartier noir, ne peuvent procéder à des arrestations sans appeler en renfort les "collègues blancs", leurs bureaux (car ils ne peuvent circuler dans les bureaux de la police) sont dans un sous-sol crasseux, suintant d'humidité et habité par les rats avec 8 tables et un téléphone...Voilà à peu près l'environnement. Mais est-ce le pire ? Pas vraiment. Le pire est de tenter de travailler avec des hommes blancs composant une police klaniste, raciste, ségrégationniste, corrompue et qui n'ont qu'une envie : cogner du noir. Alors comment survivre? Comment faire valoir le peu de droits que vous avez ? "Darktown" est une espèce de chronique sociale de cette époque trouble du sud des États-Unis, des humiliations et des exactions subies par les noirs, mais qui m'a semblé encore bien (trop) contemporaine. Deux des huit policiers noirs seront témoins du laxisme de leurs collègues blancs lors d'une arrestation, laxisme qui conduira finalement au meurtre d'une jeune fille noire. Boogs et Smith, nos deux policiers, malgré tout, voudront faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat et découvrir le meurtrier. Ils auront l'assistance d'un policier blanc, Rakestraw, en équilibre entre le fonctionnement de cette société qu'il connait très bien et ses propres principes moraux. Recherche de vérité qui ne sera pas sans conséquences graves. Le côté policier de ce roman est de facture somme toute assez classique et là où ce récit se démarque , c'est le contexte. Ce récit fait le portrait de cette Amérique raciste et de ses réactions à l'aube du grand mouvement en faveur des droits civiques. Malgré les faits relatés, malgré le poil hérissé, malgré la consternation sinon l'écoeurement que nous ressentons pendant la lecture de "Darktown", nous espérons que Thomas Mullen poursuive cette chronique intelligente et malheureusement trop vraie. Une très bonne découverte.
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Darktown

Atlanta, 1948.



Ambiance racisme primaire.

Et ce n'est pas, malgré les apparences, l'incorporation de huit flics noirs, sorte d'agneaux sacrificiels lâchés au sein d'une meute de loups, qui allait changer la donne.

La police, en plus d'être ségrégationniste, possède moult autres facettes du plus bel éclat.

Jugez plutôt : lâche, corrompue, sectaire, pratiquant régulièrement le tir sportif sur cible mouvante, majoritairement noire et de dos, histoire de n'entamer ni leur assurance-vie, ni leur avenir prometteur au sein d'une flicaille d'élite.

De quoi se sentir pleinement en insécurité pour peu que vous soyez nés du mauvais côté de la barrière.



Boggs et Smith sont de doux rêveurs.

Issus du premier contingent de policiers noirs, ils pensaient naïvement pouvoir résoudre le meurtre d'une gamine de couleur retrouvée dans le secteur de Darktown où tout est noir, où il n'y a vraiment plus d'espoir.

Bon courage, les gars, et surveillez bien vos arrières.

Une balle perdue est si vite arrivée.



Darktown, j'y suis rentré mollement pour finir complètement addict.

Tiré d'un fait divers réel à savoir l'incorparation des huit premiers officiers noirs, ce récit vous glace les sangs.

De par son approche historique et ce harcèlement systématique de la part d'une populace toujours peu encline à la mixité.

De par l'élaboration pointue de son récit et le déroulé de son enquête empreinte d'une tension évoluant crescendo.

De par son écriture travaillée et totalement immersive. On s'y croirait sans vouloir y être une seule seconde.



Darktown révèle un pan historique de l'Amérique qui surprendra peu, idéologiquement, mais qui, sous la plume experte de Thomas Mullen, pourrait bien vous occasionner quelques envies de meurtres.

Crimes encore et toujours punis par la loi, pour rappel. Donc avec parcimonie, le désir de génocide, en vous remerciant.



Darktown, la bien nommée, est un pur régal qu'il convient d'appréhender le moral au beau fixe sous peine de broyage de noir (sans mauvais jeu de mot) sévère.
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Temps noirs

Atlanta, 1950. Lucius Boggs et son équipier Tommy Smith font toujours partie, sous le commandement du lieutenant McInnis, des dix flics noirs de l'APD, Atlanta Police Department. Un statut que bon nombre conteste toujours, y compris parmi leurs collègues blancs. De nuit, ils patrouillent les quartiers noirs. Pendant l'une d'entre elles, ils tombent sur un petit revendeur de drogue et d'alcool, un certain Forrester. Si l'homme, père de famille, jure que c'est la première fois qu'il fait ça et qu'il remplace juste un copain malade, les deux flics n'y croient pas. Pour prouver sa bonne foi, il est prêt à leur donner des infos sur les jours et les heures habituelles de livraison. Et comble de chance pour eux, la prochaine a lieu quelques minutes plus tard. Si la surveillance du trafic d'alcool et de drogue n'entre pas dans leurs attributions, ils en font fi pour cette fois. Mais, une fois sur place, la tentative d'arrestation tourne mal, des coups de feu sont tirés, les trafiquants prennent la fuite. Si un homme est retrouvé mort, les deux flics sont persuadés de ne pas en être responsable. Vingt-quatre heures plus tard, c'est Forrester que Boggs retrouvera mort chez lui...

De son côté, Denny Rakestraw, sûrement un des rares flics blancs à ne pas être adepte des idées du KKK, a du souci à se faire. En effet, son beau-frère, Dale, s'est mis dans une position plus qu'inconfortable en allant tabasser, avec deux potes, Mott et Irons, un Blanc, soi-disant dénué de scrupules, au nom du KKK. Mais la situation vire au drame lorsque Irons se prend une balle par la propriétaire du bar situé juste à côté...



Après Darktown, l'on retrouve les deux flics afro-américains, Boggs et Smith, deux ans plus tard. Pour autant, rien n'a réellement changé pour eux, l'étendue de leurs fonctions se limitant à surveiller le quartier de Darktown, sans pouvoir procéder à une quelconque arrestation. Par contre, le quartier jusqu'ici blanc de Handford Park a vu s'installer trois familles noires, ce qui provoque la colère des habitants, prêts à tout pour les en déloger. Ajoutez à cela des trafics de drogue et d'alcool, une police parfois véreuse et corrompue, des règlements de compte au nom du KKK et c'est peu dire que la ville est sous tension. Avec cette série forte consacrée à Atlanta, Thomas Mullen aborde intelligemment la question de la ségrégation raciale. Mais si nombre de racistes réussissent à faire entendre leur voix, l'on entrevoit, en la personne du lieutenant McInnis et de l'agent Rakestraw, un possible changement de mentalité. Fort bien documenté, ce roman allie à la perfection fond historique, politique et bouleversements sociaux et sociétaux. La galerie de personnages, riche et hétéroclite, est psychologiquement approfondie, confrontés, pour certains, à leurs dilemmes moraux.

Un roman policier intelligent, aussi passionnant qu'instructif...

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Darktown

"Dark "pour le côté noir, sombre, pour les crimes et la corruption institutionalisée .

Darktown , parce qu'une ville dans la ville.

A Atlanta en 1948, il y avait les quartiers blancs, et le quartier noir, et on ne se mélangeait pas. Et quand on le faisait , quand on essayait, il y avait du grabuge, des histoires tristes ou sordides, des règlements de compte, des expéditions punitives dignes du Ku Klux Klan...

Non, il ne faisait pas bon être Noir en 1948 dans les états du Sud, (ou alors, il fallait se faire très discret),

Premier tome de ce qui s'annonce comme une série prometteuse historique, Darktown raconte l'histoire de la police, les huit premiers policiers Noirs à Atlanta, chargés uniquement de faire régner l'ordre dans leur quartier ( Noir, of course... On ne mélangeait pas ) .

Sous-équipés, sans voiture, sans pouvoir, sans commissariat. Relégués dans un local qu' une bonne âme a bien voulu leur prêter, ils n'ont aucun droits. Pas le droit d'arrêter un Blanc ( même s'il est en train de commettre un meurtre...), pas écoutés lorsqu'ils ont l'honneur de témoigner face à un juge, pas le droit de rentrer dans un vrai commissariat,

Non, les huit premiers policiers Noirs recrutés grâce au mandat présidentiel de Truman, n'avaient vraiment pas la vie facile, par contre , ils avaient le droit de se faire tuer en intervention ou bien par leurs collègues blancs, super énervés de voir des Noirs accéder à de telles fonctions.

Huit policiers pleins d'espoir, pensant améliorer les choses pour leur communauté, pensant être intégrés grâce à leur profession dans un monde de Blancs , fait par, et pour les Blancs, vont se frotter aux réalités du terrain. Et l'on suivra l'agent Boggs (fils de révérend) et l'agent Smith, témoins d'un incident , suivi quelques jours après, par la découverte du cadavre d'une jeune fille métisse. Devant l'inertie de la police blanche , peu motivée pour incriminer un des leurs, ils vont se retrousser les manches et partir "en croisade", parfois au mépris de tous les dangers. C'est qu'il ne fallait pas trop sortir de son quartier , lorsqu'on était Noir, en 1948, dans une état du sud... Même en étant policier...

Un premier tome incisif , instructif et très agréable à lire, qui sera adapté en série télévisée très bientôt.
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La dernière ville sur terre

1918, État de Washington. Au cœur des bois de résineux se tient la petite ville industrielle de Commonwealth. Une ville bien particulière, ne figurant sur aucune carte, n'ayant ni maire, ni receveur des postes, ni shérif, ni hôpital, ni téléphone, ni église. Fondée par Charles Worthy, elle tire sa richesse de la scierie et des nombreux ouvriers qui ont tous choisi d'y habiter. Si ces derniers souhaitent acheter des marchandises que le seul magasin d'alimentation ne possède pas ou assister à des projections cinématographiques, ils doivent se rendre à Timber Falls, à 25 kms au sud-ouest. Mais, aujourd'hui, aucun des habitants de la ville n'est autorisé à sortir et personne ne peut entrer dans Commonwealth, la ville étant en quarantaine. En effet, une vilaine grippe s'abat violemment sur la pays. Encore épargnée par ce virus, des tours de garde sont confiés aux habitants afin de se protéger. Ce jour-là, Philipp Worthy, 16 ans, le fils adoptif de Charles et Rebecca, et Graham, son ami, sont en poste sur l'unique route menant à la ville. Leur garde se passe bien jusqu'à ce qu'un soldat s'approche d'eux et leur demande l'hospitalité. Devant son obstination, les deux amis vont devoir prendre une décision qui va les ébranler...



Bien que Commonwealth soit une ville imaginée par Thomas Mullen, ce dernier souligne, dans ses notes, que plusieurs localités de l'ouest des États-Unis n'ont pas été infectées grâce au blocage de tous leurs accès. Certaines sont d'ailleurs ressorties indemnes de l'épidémie de grippe espagnole en s'isolant. Une grippe qui tua entre 500 000 et 675 000 personnes. À partir de cela, l'auteur imagine que deux gardes sont soumis à un affreux dilemme : laisser entrer ou non un homme affamé et fatigué, en quête d'un refuge. Leur décision aura, évidemment, un impact sur la suite des événements, fragilisera la petite ville de Commonwealth, déjà en proie aux doutes quant à cette quarantaine pourtant approuvée à l'unanimité, et c'est dans une ambiance propice à la méfiance, à la paranoïa, à la peur, à l'appréhension que nous plonge l'auteur. Sur 550 pages, s'il dépeint, avec force et sensibilité, la vie au sein de la localité, il ne manque pas de s'attacher à quelques personnages, notamment Charles et Philipp Worthy, Graham, prêt à tout pour protéger sa famille, quelques ouvriers de la scierie ou encore Elsie, dont Philipp est amoureux. Des personnages qui nous font part de leurs doutes, de leurs questionnements, de leurs convictions, de leurs émotions d'autant que cet équilibre va être bousculé et va, peu à peu, basculer. Sur fond historique passionnant et porté par une plume riche, ce roman, psychologiquement complexe et haletant, se révèle aussi vertigineux qu'intelligent...

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Temps noirs

Après l'excellent Darktown, l'excellent deuxième volet : Temps noirs.

Et d'emblée la couleur est donnée, on est en 1950 et rien n'a changé depuis deux ans...

Noirs, comme ces premiers policiers noirs qui sont recrutés à Atlanta en 1948 ; ce qui ne passe toujours pas , ni dans la police, ni dans la population WASP. Nouvelles recrues qui n'ont pas droit de partager les locaux des Blancs, qui n'ont pas le droit de conduire des voitures de patrouilles, qui n'ont pas le droit d'arrêter un Blanc, mais qui ont le droit de se faire tirer dessus en intervention, de quoi devenir schizophrènes....

Blanc comme ce quartier où quelques familles noires achètent des maisons, au grand dam des voisins, qui ne supportent pas cette "invasion" et qui vont s'organiser pour le faire savoir.... C'est que certains sont "encartés" au Ku Klux Klan. ( Blanches les capuches, noires les idées... ).

Les policiers noirs, Boggs et Smith, superbes équilibristes, avancent sur une corde raide où tous les coups sont permis, où ils n'ont aucun droit, que des devoirs, afin de survivre en entraînant leurs proches du bon côté.

Du côté de la loi, du côté où l'herbe est plus verte.



Passionnante, ultra documentée, foisonnante, une série qui instruit ( en plus de faire passer un super moment...).

Darktown est en cours d'adaptation pour la télévision...

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Minuit à Atlanta

Voilà, c'est fini...

Minuit à Atlanta clôt cette trilogie historique consacrée aux premiers flics noirs d'Atlanta des années 48 à 56.

L'agent Smith a quitté l'uniforme pour devenir journaliste et exerce son métier avec la même fougue et la même implication. Le coup de projecteur est mis sur le quatrième pouvoir. Mais on parle là, d'un journal pour les Noirs, alors peut- on véritablement parler de "pouvoir "? Smith se débat pour faire émerger la vérité lorsque son patron de presse est assassiné et que sa veuve est accusée. En tant que flic , il n'avait aucune latitude pour interroger des suspects blancs, l'histoire se répète cruellement : en tant que journaliste noir, c'est idem, il doit composer, la jouer finement, ruser, contourner... Mais Smith est plutôt fonceur et parfois , il se fait défoncer ...

Aidé de ses informateurs dans la police, dont son ancien chef (Blanc) , il devra composer avec le FBI, les Détectives de l'Agence Pinkerton, ses collègues blancs racistes , la chasse aux sorcières..

Un bouquet final, tout aussi riche et passionnant que les précédents .

En tant que lectrice , j'aurais bien signé pour des tomes supplémentaires racontant l'après années 50...

En tant qu'auteur, Thomas Mullen a déclaré le clap de fin, j'ai hâte de savoir où sa plume l'aménera...
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Temps noirs

Coup de cœur et belle découverte pour ce roman très sombre qui nous plonge dans l’Amérique des années cinquante à la grande époque du Ku Klux Klan.

A Atlanta la population explose et la délinquance aussi.

Les familles noires, traditionnellement parquées dans les mêmes quartiers, commencent à s’installer dans les quartiers blancs, provoquant l’ire des « Klanistes » et l’augmentation des violences interraciales.

Et la pauvreté se développant, les trafics de stupéfiants envahissent le quartier, donnant lieu à des guerres de clans.

C’est dans ce contexte explosif que les policiers doivent intervenir.

D’un côté, les policiers blancs, plutôt racistes, souvent corrompus et souvent membres du Klan.

De l’autre, des policiers noirs récemment recrutés, mal acceptés par leurs collègues blancs et vus comme inefficaces par les habitants noirs !



Thomas Mullen réussit magnifiquement à faire revivre cette époque grâce à des portraits fouillés et des personnages minutieusement décrits.

Il prend son temps et les 500 pages du roman sont nécessaires pour développer toutes les intrigues professionnelles et personnelles des différents protagonistes.

L’époque est violente, on peut presque parler de guerre civile puisque la Ségrégation ne sera abolie qu’en 1964, et ce livre mêle avec succès intrigue policière et contexte historique.

On ressort de cette livre exsangue tant la tension est permanente.

Un roman très sombre donc mais passionnant !

Je vois qu’un premier volume, « Darktown », mettait en scène les mêmes personnages, je vais bien sûr le lire dès que possible.

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Darktown

Darktown





J'avais à peine lu vingt pages que j'étais déjà écoeuré par cette violence faites aux noirs d'Atlanta.



Je me suis alors demandé comment réagiraient des racistes face à une telle attitude. C'est la que j'ai réalisé que je lisais un roman porno pour désaxés sexuels. Je sais, c'est une drôle de façon de commencer une critique. Je ne vais pas vous raconter l'histoire, d'autres l'ont fait mieux que moi.



Un "nigger" est moins bien traité que leurs propres animaux. Au moins, ces deniers ne sont pas constamment et gratuitement humiliés. Les 8 policiers noirs n'ont le droit de porter leur uniforme que dans le quartier noir qu'ils patrouillent. Au retour du front plusieurs soldats noirs se sont fait tuer parce qu'ils étaient revenus vêtus de leur uniforme de soldat.



Cette critique ne vous fera jamais ressentir avec vos tripes ce que ces êtres humains vivaient. C'est constamment la terreur raciste que même les blancs moins sadiques ressentent. Sois raciste ou meurs pourrait être leur cri de ralliement.



Tout ce que je viens d'écrire, j'en étais conscient mais je fus très surpris d'apprendre qu'il y avait un quartier noir cossu peuple par des noirs très instruits.



C'est un roman que vous devez lire pour comprendre les Etats-Unis de Donald Trump.
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Minuit à Atlanta

Après « Temps noirs » , encore un gros coup de coeur pour cet auteur et cette série.

Nous sommes toujours à Atlanta en 1956, les lois ségrégationnistes sont toujours en vigueur mais déjà Rosa Parks fait parler d'elle et son boycott des bus s'étend dans la société noire.

Le directeur d'un journal noir d'Atlanta, l'Atlanta Daily Times, est assassiné.

Tommy Smith, ancien policier devenu journaliste, enquête sur ce meurtre parallèlement à la police.

Comme dans « Temps noirs », nous retrouvons aussi McInnis, le lieutenant blanc intègre d'une équipe de policiers noirs, qui se bat pour que ses hommes soient aussi légitimes que les policiers blancs.

Dans l'enquête sur le meurtre du directeur du journal, différentes pistes sont étudiées.

L'article du journal sur le viol d'une jeune femme blanche par un noir. le dit-noir étant le petit ami officiel de la jeune fille blanche, le journal a pris clairement position pour lui et le journaliste a reçu des menaces de mort…

La présence dans les financeurs du journal d'un investisseur promoteur d'une réorganisation urbaine pouvant générer des profits considérables.

Et enfin une vieille histoire ressort, celle d'un blanc qui, il y a trente ans, s'est vanté d'avoir tué un domestique noir sans avoir été inquiété…

Ajoutons à cela la présence du FBI qui essaie d'utiliser les policiers comme indics, et celle, inexpliquée, de détectives de l'agence Pinkerton…



L'ensemble donne une excellente saga policière sur les Etats-Unis de ces années-là, avec des personnages fouillés et nuancés, un contexte décrit avec précision, et une intrigue qui tient la route.

Cette série (il me reste le premier volume à lire), est une véritable fresque de la société américaine des années cinquante qui a été comparée aux livres d'Ellroy.

Société, violence, police, moeurs, tout est brillamment décrit en mêlant fiction et faits historiques, et donne un tableau sombre mais certainement réaliste de l'époque.

Bravo à Thomas Mullen qui, je l'espère, nous offrira bientôt la suite !

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Temps noirs

Darktown, le premier volume, était déjà du tout grand roman noir. La suite est du même acabit et peut trôner parmi les grands sans aucun problème.



Dans ce roman noir qui se déroule à Atlanta en 1950, au coeur de la ségrégation raciale, vous croiserez des personnages peu fréquentable, dont certains se baladent avec une taie d’oreiller blanche sur la tête.



D’autres, pas mieux, adorent porter des costumes bruns avec des éclairs rouges cousus en insignes. Cela fait 5 ans que l’Adlolf s’est fait sauter le caisson et aux États-Unis, certains ont la nazi nostalgie.



Si vous lisez ce roman et que vous faites partie de la cancel culture, vous risquez de tressaillir à toutes les mentions « Négros » ou de « singes »… Je n’aime pas ces mots, mais en 1950, dans le Sud des États-Unis, montrer du respect pour une personne de couleur vous valait l’exclusion de tout. Personne ne parle d’afro-américains.



Ne pas utiliser les termes insultants dans un roman se déroulant à ces époques serait un anachronisme aussi gros que de doter les femmes du droit de vote à une époque où elles ne l’avaient pas.



Ce fut avec un plaisir énorme que j’ai retrouvé mes deux agents Noirs (ou nègres, pour l’époque) : Lucius Boggs et Tommy Smith. Ce n’est pas à proprement parler d’une suite de leur première enquête, nous sommes 2 ans plus tard, mais l’auteur y fera quelques allusions. Les deux romans peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre, mais faites-vous plaisir avec les deux.



Deux années se sont écoulées et rien n’a changé dans leurs droits, qu’ils n’ont pas. La frontière entre les quartiers Blancs et Noirs bouge, pour la plus grande peur des Blancs, bien entendu et les envies de lyncher du Noir est toujours présente, chez les membres du KKK, chez les nazis ou tout simplement chez les citoyens lambdas, ceux des beaux quartiers.



L’intrigue est une véritable toile d’araignée, aux multiples ramifications. Rien n’est simple, tout est imbriqué et rien n’est comme on pourrait le penser. Les arcs narratifs sont multiples, comme les personnages et la ville d’Atlanta est un personnage à part entière, qui vit, qui bouge.



C’est tout un pan de la vie sudiste qui est décrit dans ce roman noir puissant. Tout y pue le racisme primaire, la ségrégation, que l’on soit chez les Blancs ou chez les Noirs qui vivent dans les beaux quartiers de Sweet Auburn et qui méprise ceux des quartiers populaires vivant dans des taudis (ou s’apparentant à des taudis). Personne n’est frère.



Jamais les personnages ne sombrent dans le manichéisme, que l’on soit avec nos deux flics Noirs (Boggs et Smith), des gens qui quartier Blanc ou avec des klansmen. Tous ont des nuances, des peurs, des rêves, des casseroles au cul ou des squelettes dans les placards. C’est comme une pelote de laine que l’on dévide.



Oserais-je dire que personne n’est tout à fait blanc ou noir, mais dans des nuances de gris, pouvant passer de l’ombre à la lumière. Les gens ont des règles, des idéaux, mais parfois, ils se fracassent face à la vie dure que l’on mène à Atlanta ou face aux événements qui s’emballent et débouchent là où le personnage ne le pensait pas.



Face à un vrai roman noir se déroulant durant la ségrégation raciale des années 50, il ne faut pas s’attendre à ce que les Bons gagnent et que les Vilains aillent en taule. Dans un roman noir tel que celui-ci, le happy end, faudra s’asseoir dessus et se le carrer où… où vos voulez, c’est vous qui décidez.



Roman noir puissant, réaliste, à la trame scénaristique réfléchie, poussée, rien n’est simple, ni facile, où les multiples arcs narratifs nous entraînent dans plusieurs endroits d’Atlanta avant de tous se terminer dans un final hautement violent qui ne sera pas celui entre les Noirs et les Blancs (trop facile).



Pas de manichéisme, juste des personnages qui essaient de vivre comme ils peuvent, sans se mettre à dos leur communauté (pas facile), de louvoyer dans cet océan de haine tout en restant fidèle le plus possible à leurs idéaux, qu’ils soient respectueux des autres ou pas.



La ligne rouge n’est jamais loin et il n’est jamais facile de respecter ses engagements pris un jour, lorsque l’on se retrouve confronté à la complexité humaine.



Un roman noir puissant, sans édulcorants, sans sucre, noir de chez noir et à l’arôme brut que l’on savoure avec plaisir, même si l’époque n’est pas celle des Bisounours.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La dernière ville sur terre

Alors que la Première Guerre Mondiale fait rage et que l’épidémie de grippe espagnole commence à se propager, il existe une petite ville récente nommée Commonwealth, et fondée par Charles, dans laquelle les habitants semblent isolés de tout. Et pour cause, Charles a décidé d’instaurer une quarantaine, empêchant ainsi quiconque de pénétrer dans cette localité, mais empêchant également ses habitants de quitter la ville pour qupi que ce soit. Son fils adoptif philip se porte alors volontaire pour monter la garde avec l’un de ses amis, Graham. Lorsque un soldat affamé et réclamant le gîte va se présenter, les deux jeunes hommes vont se retrouver confrontés à un véritable dilemme.



Quel roman époustouflant. Si au départ, je n’ai pas su dans quelle direction l’auteur voulait m’emmener, je me suis finalement laissée porter par une intrigue puissante et très subtile, dans laquelle tout passe par la psychologie aboutie des personnages.



En effet, ici, ne vous attendez pas à de l’action, sinon vous risqueriez de vous retrouver déçus. Ce roman prend le temps de s’installer et si au début de ma lecture, j’ai pu ressentir quelques petites longueurs, je me suis aperçue qu’elles étaient nécessaires afin de faire croître ce climat de tension présent à chaque page du roman.



L’auteur va proposer en quelque sorte un huis clos très particulier, et montrer comment les habitants vont perdre pied peu à peu, de par les épreuves auxquelles ils sont soumis. J’ai craint à chaque page des débordements de cette population éprouvée par les événements.



Ce récit est puissant, et une fois commencé, il m’a été très difficile à lâcher. L’auteur réussit un habile mélange entre suspense et contexte historique. Je suis bluffée par la qualité de son intrigue, et j’ai ressenti un attachement très grand pour certains personnages, notamment Philip et Elsie.



La plume de l’auteur m’a conquise. Avec un style très fluide et puissant, il arrive à décortiquer les émotions de chacun de ses personnages, et à les faire ressentir au lecteur. Le roman est long, mais je ne me suis jamais ennuyée, bien au contraire.



Un roman puissant, dans lequel l’auteur fait passer toutes les émotions au travers de personnages remarquablement dépeints, le tout dans un contexte historique très bien décrit. À découvrir.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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Darktown

En 1948, lorsque vous êtes noir à Atlanta, Géorgie, votre vie est un enfer.

Lorsqu’en plus, vous faites partie du premier contingent de flics noirs jamais créé, les citoyens noirs et les flics blancs vous détestent.



En 1948, lorsque vous êtes un flic blanc à Atlanta et que vous considérez les noirs comme vos égaux, votre vie est un enfer.

Lorsqu’en plus, votre coéquipier est un suprémaciste blanc « casseur de nègre », les citoyens noirs et les flics blancs vous détestent.



Au milieu de tout cela, la jeune Lily se fait assassiner dans Darktown, le quartier noir d’Atlanta. Une de plus, tout le monde s’en fiche et la police blanche tente d’étouffer l’affaire.



Pourtant, ce meurtre révolte autant le flic noir que le flic blanc. Mais comment enquêter sans se faire lyncher ou se retrouver dans un terrain vague avec une balle dans la tête.



Si vous ne vous êtes jamais intéressé au problème du racisme aux Etats-Unis, vous trouverez dans Darktown un polar classique mais intelligent où les deux enquêteurs vous emmènent au plus près de l’ambiance tendue entre communautés au moment de la lutte pour les droits civiques.



Hallucinant !


Lien : https://belettedusud.wixsite..
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Darktown

Ce roman noir (sans jeu de mots) se situe dans un contexte historique passionnant, celui de l'instauration, en 1948, de la première brigade policière noire à Atlanta, en Georgie, un des états les plus au sud des États-Unis. Qui dit les plus au sud dit aussi... les plus racistes. Cette brigade doit se loger dans les locaux du YMCA car on ne veut pas d'eux au commissariat. Ils n'ont pas d'automobile, bien entendu, et patrouillent à pied de soir et de nuit seulement, les quartiers noirs d'Atlanta. le roman raconte l'enquête menée par deux d'entre eux sur le meurtre d'une jeune femme noire, car bien qu'ils n'aient pas le droit d'enquêter, ils sont dégoûtés de l'absence d'efforts pour retrouver le meurtrier, puis indignés de découvrir que leurs «collègues» blancs cherchent à coller le meurtre sur le dos d'un pauvre innocent... noir. Il faut avoir le coeur bien accroché, car les méthodes policières et les injustices de ce régime sont révoltantes, et c'est peu dire. Heureusement, on a un chef de brigade blanc qui défend ses hommes et un jeune flic blanc intègre qui s'allie à nos protagonistes, pour nous donner un peu d'espoir. Et il y a une suite !

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Darktown

Imaginez-vous à Atlanta en 1948, accompagnant une patrouille de policiers noirs, les premiers à porter l’uniforme et à faire régner l’ordre dans le quartier où vivent leurs concitoyens de couleur. Car si la municipalité a accepté, à contrecœur, d’embaucher ces nouveaux policiers, c’est avec moult restrictions, notamment ils ne peuvent circuler qu’à pied, ne peuvent procéder à des arrestations qu’avec le recours à des collègues blancs, ils ont des bureaux en sous-sol d’un bâtiment sordide, car l’entrée au commissariat leur est interdite. Malgré tout, ils sont huit à s’être engagés, avec des motivations parfois variées, et le lecteur suit particulièrement deux d’entre eux, Boggs et Smith, à partir du moment où ils interviennent pour un accident de la circulation impliquant un blanc ivre, accident qu’ils pourront relier, plus tard, au meurtre d’une jeune femme noire.



Vous imaginez bien qu’ils n’ont pas toute latitude pour enquêter et que les autres policiers blancs, dont la plupart sont racistes jusqu’au plus profond de leur moelle, ne font rien pour les aider. Le roman suit une deuxième patrouille, blanche cette fois, avec deux individus très différents, mais jamais stéréotypés. La confrontation des sensibilités différentes est le ressort passionnant du roman. À l’esprit totalement borné de certains flics, violents, racistes et corrompus, s’oppose un début de prise de conscience pour d’autres, même s’ils sont obligés de le cacher. La lutte pour les droits civiques avait encore énormément de chemin à parcourir en 1948.



C’est LA pépite parmi les polars que j’ai commencé à présenter et ceux à venir. Le contexte, la mise en place des personnages et des situations, tout y est formidablement bien fait, et on n’a aucun effort d’imagination à accomplir pour se représenter les lieux et l’époque, on y est transporté ! De plus, l’auteur s’y entend pour faire augmenter la tension et pour attacher le lecteur aux personnages. Toujours vraisemblable, au plus proche de l’humain, c’est un roman policier comme je les aime.

J’ai lu depuis qu’il s’agissait du début d’une série et que certains personnages se retrouvent déjà dans un deuxième volume, pas encore traduit : Lightning Men. J’ai hâte de le découvrir !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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