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Critiques de Thomas Romer (10)
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L'Ancien Testament

Le dernier opus du titulaire de la chaire « Milieux bibliques » du Collège de France apprend peu de choses sur le contenu narratif, philosophique et théologique de la Bible hébraïque ou TaNaK, l’Ancien Testament des chrétiens. Nous sommes prévenus dès l’introduction que le lecteur « doit avoir une Bible à portée de main ». Il s’agit ici d’une Histoire critique de la Bible, de l’exégèse et de ses sources. L’auteur compile au sein du texte les redondances et les contradictions, les variations entre manuscrits antiques dans les langues disponibles (hébreu, grec, araméen), les repères historiques (les deux royaumes d’Israël et de Juda, la Samarie, l’Égypte, la Perse, Babylone). Son livre montre l’intervention de nombreux rédacteurs dans la lettre du texte et dans l’organisation générale du livre en vue de le cadrer dans un canon, canon qui varie dans le temps et bien sûr diffère entre la Bible hébraïque et les Bibles catholique et orthodoxe.



Cet opuscule de 128 pages est savant, dense (écrit en petits caractères), solidement construit avec des cartes, une liste d’abréviations et une bibliographie.

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L'Invention de Dieu

Dieu de l'orage, Dieu guerrier, Dieu du désert.

Dieu d'un ailleurs, étrange, d'une montagne perdue, aux confins du sud peut-être.

Dieu bovin, Dieu des dieux, Dieu solaire,

Dieu d'un peuple, exilé, d'un roi, défait, d'une terre, soumise.

Seul et unique enfin, sans image, sans nom, silencieux, mais vivant dans le coeur des hommes.
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Aux origines de la Torah

Eléments de la construction historique d’une tradition

« Il est donc temps que l’archéologie moderne et les sciences bibliques critiques se parlent à nouveau, les sciences bibliques cessant de considérer l’archéologie comme une « science auxiliaire » et les archéologues renonçant à imaginer l’archéologie comme étant la « cour suprême », qui pourrait définitivement trancher des questions et datations débattues par les exégètes »



Il s’agit certes d’un livre érudit. Mais les lecteurs et les lectrices ne devraient pas hésiter à arpenter ces exposés, ces tentatives d’historiciser les textes, d’imaginer ce VIIIème ou VIIème siècle avant l’ère chrétienne et « la première mise par écrit de certaines traditions fondatrices, à cette époque », d’examiner ce qu’il est possible de savoir ou au moins de tenir en hypothèses raisonnables.



Il me semble important de comprendre comment se forment les traditions (et possiblement dans l’intérêt de qui ?), d’où viennent les mythes fondateurs. Il ne peut y avoir de lecture de textes anciens, sans confrontation aux traces archéologiques, sans analyse de l’évolution des faits linguistiques dans le temps (diachronie) ou des strates qui fournissent des détails sur la construction ou l’assemblage des textes. Nous ne sommes pas ici dans le monde enchanté de la croyance, mais bien dans la production humaine de sa mythologie.



Dois-je préciser que je n’ai que peu de connaissance en archéologie et aucune en « sciences bibliques ». Ma lecture profane n’est qu’un des parcours possibles, un choix subjectif d’éléments.



Israël Finkelsteinparle, entre autres, de « la reconstruction conservatrice de l’histoire de l’Israël ancien », de méthodologie, « où et comment établir la limite entre trouvailles archéologiques sur le terrain et interprétation de ces trouvailles », de sélection de données de manière à arriver aux conclusions désirées, de point d’ancrage – la fin de la période monarchique – « une époque pour laquelle les témoignages (historiques, économiques, sociaux, ou ayant trait à la culture matérielle) sont clairement définis et, à partir de là, reconstruire pas à pas les périodes plus anciennes, en remontant dans le temps », de longue durée, des événements et processus avérés, du temps écoulé « entre les événements rapportés et le moment de leur mise par écrit », des questions de datation et des intervalles d’incertitude, des différences existantes entre « les traditions du Nord et les traditions du Sud », de l’absence de preuve d’une « compilation de textes complexes avant le début du VIIIe siècle », de ce que signifie l’« ancien », de préservation de mémoires, de récits qui « ne possèdent pas nécessairement un fond historique », de traditions accumulées et stratifiées, « Ces strates représentent non seulement des contextes historiques différents mais également des idéologies différentes » Je souligne ce dernier point, car trop de lectures, de textes religieux ou non, font l’impasse sur leur contextualisation, comme si l’hier était le présent. Les idéologues -religieux ou non – assènent comme non discutable le « de tout temps ». C’est faire fi de l’histoire au profit d’une fantasmatique « nature humaine », qui recouvre toutes les dérives réactionnaires et le refus des choix démocratiques de nos futurs.



L’auteur poursuit avec le télescopage d’éléments des siècles passés dans l’écriture d’un scribe au moment de l’écriture, la transition entre tradition orale et tradition écrite, la migration des « traditions du Nord vers Juda » et leur incorporation dans « le canon élaboré dans le royaume du Sud », l’idéologie politique et la théologie des « auteurs de la fin de la monarchie et de la période postexilique ». Il termine sur des suppositions, la mise par écrit des plus ancienne traditions sous Jéroboam II, l’influence culturelle assyrienne, les deux messages de l’idéologie pan-israélite, l’exportation des thèses, les réalités de l’époque hasmonéenne, …



Thomas Römer discute de la datation du Pentateuque, de l’affirmation de l’« autorité mosaïque de la Loi », des différences stylistiques et théologiques ou des contradictions à l’intérieur des livres, de vision globale et de formation de la Torah, de l’incorporation de Yhwh, de la différence entre question de datation et question de foi, des variations dialectales, de long processus « de rédaction et de révision », de datation « allégorique », de la formation littéraire de la tradition sur Abraham, de la place de la période perse…



Israël Finkelstein et Thomas Römer font quelques observations sur les contextes historiques de l’histoire d’Abraham, « il est bien sûr encore plus anachronique de continuer à chercher un « Abraham historique » », la différence majeure entre les traditions sudiste et nordiste dans la Bible, la révision sudiste de parties importantes de la Bible hébraïque, la « correspondance » entre les récits d’Abraham et de Jacob, la figure autochtone d’Abraham, la filiale assez tôt d’Isaac comme fils d’Abraham, la fusion des traditions, « il est plus raisonnable d’imaginer que les premiers textes furent écrits au VIIe siècle (vers la fin de ce siècle?) lorsque l’alphabétisation se propagea en Juda », l’entreprise délibérée pour imposer une nouvelle histoire des patriarches, les additions et révisions de l’époque hellénistique…



Ils poursuivent sur les contextes de l’histoire de Jacob dans la Genèse, la compatibilité avec des concepts religieux mésopotamiens, la première propagation de l’activité scribale en Israël, la « révolution de Jéhu », l’union des récits sur Jacob et sur Abraham, « une tentative délibérée d’imposer une histoire nouvelle », la notion de « promesse », les douze tribus comme construction tardive, les sanctuaires du dieu El…



Israël Finkelstein interroge la tradition de l’exode et l’expérience du désert, les itinéraires, les sites, ce que pouvaient savoir les auteurs bibliques du désert du Sud, l’importance de Juda dans le commerce arabe dans le sud, l’origine de la tradition de l’Exode et de l’Errance au désert dans le royaume du Nord. Pour rappel, « toutes les tentatives pour identifier un « épisode en Egypte » au XIIIe siècle qui convienne au récit de l’Exode sont vouées à l’échec » d’ou la nécessité de s’engager sur « le terrain de la spéculation historique », les résonances avec les préoccupations de l’époque. « La tradition de l’Exode et de l’Errance au désert est par conséquent le résultat final de nombreux siècles d’accumulation et de développements, oraux et écrits, et d’une histoire rédactionnelle complexe éclairée par les diverses transformations des réalités géopolitiques et historiques ». Nous sommes ici bien loin des lectures naïves (mais idéologiquement signifiantes) du conte de la sortie d’Egypte



Le dernier texte, de Thomas Römer, concerne « La révélation du nom divin à Moïse et la construction d’une mémoire sur les origines de la rencontre entre Yhwh et Israël ». L’auteur souligne l’absence de Moïse dans le Décalogue et cette version de l’Exode, les transformations de l’Exode dans les récits sacerdotaux ou non, l’assemblage de documents, la dépendance littéraire de l’histoire de la naissance de Moïse avec la tradition de la naissance de Sargon (légendaire fondateur de l’empire assyrien), le Dieu connu en tant que « elohim », la nomination plus tardive de « Yhwh », la mémoire historique « selon laquelle Yhwh n’a pas toujours été le dieu « d’Israël » », l’origine non autochtone de Yhwh…



Des constructions de textes et de mémoires, les inventions de « cohérence », une longue histoire des transformations au gré des changements de contexte, une production humaine de « sa » mythologie…
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Dieu de la Bible, Dieu du Coran

Intéressante étude qui explore les sources de l’islam. Sur son « terrain » et en se basant sur l’arabe tel qu’il était parlé. Une religion qui à l’origine est apparue en dehors de toute référence (religieuse ou autre) étrangère, à l’intérieur de son propre microcosme, un milieu tribal où l’eau (divinisée) était primordiale à la survie du clan. Et où, secondairement, importait la sécurité des caravanes, elle aussi sous protection, celle de déesses, ainsi que soumise au bon vouloir des djinns du désert. Comme la Bible, cette religion s’est constituée sous la forme de strates successives. Contrairement à elle, la transmission a été initialement orale, alors que le judaïsme, et sa continuité historique, le christianisme, a été conservé par l’écrit (on écrivait dans l’environnement biblique, cerné par de puissants empires, tels qu’Égypte et Mésopotamie). Par la suite, à mesure de sa progression géographique, la religion musulmane apparue initialement dans la tribu de la Mecque, s’est développée, s’« appropriant » (plutôt qu’empruntant) de vastes pans bibliques (souvent parcellaires et incohérents) afin de créer une antériorité et une légitimité visant ses propres enjeux. Alors que judaïsme et christianisme ont été passés au crible de l’histoire critique, les auteurs déplorent la quasi impossibilité d’étudier de la même manière, c’est-à-dire objectivement, sans tutelle religieuse, l’islam. Ou alors à son propre péril. Constat désolant. Qui ne laisse augurer rien d’optimiste quant à des évolutions possibles. Une étude originale et éclairante. Un ouvrage nécessaire.

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L'Invention de Dieu

“L'invention de Dieu” est un ouvrage écrit par le spécialiste francophone de l'Ancien Testament et titulaire de la chaire « Milieux bibliques » au Collège de France, Thomas Römer.

Cet essai interroge la « création » du monothéisme, en retraçant la formation progressive de la religion juive, première des trois grandes religions monothéistes, de ses origines à la constitution de sa forme contemporaine.



Derrière son aspect à première vue légèrement provocateur, le titre de l'ouvrage signifie simplement « l'invention d'un Dieu un, unique » en opposition à un panthéon polythéiste.



Ce livre est exigeant, il demande un investissement important de par la richesse de ses réflexions et la multitude des noms de personnages, lieux et surtout des nombreuses citations bibliques mentionnés.

Il cherche à expliquer pourquoi le dieu YHWH (Yahvé), célébré parmi tant d'autres divinités au Proche et Moyen-Orient dès la fin du IIe millénaire av. J.-C., va peu à peu devenir le dieu du futur “peuple” hébreux. Avant de devenir peu à peu le seul dieu de tous les peuples, perdant ainsi son nom propre YHWH, tout en gardant un lien particulier avec ceux qui allaient devenir les Juifs.





Il cherche à comprendre pourquoi au sein d'un peuple parmi d'autres, on en vient à rejeter des divinités jusqu'alors célébrées et peu à peu dénier leur existence même.



Pour ce faire cette enquête nous propose de revenir aux origines même de YHWH, dont l'étymologie exacte du nom nous est incertaine. Il apparait comme un dieu guerrier et de l'orage originaire du Sud et du désert ; un dieu qui ne semble pas être la divinité tutélaire des fils d'Israël, au sein duquel on retrouve a contrario le nom du dieu El, divinité majeure du Levant.



YHWH (ou Yahvé) est un dieu qui fut ensuite vénéré dans plusieurs sanctuaires sur l'ensemble des territoires des royaumes d'Israël et de Juda (jusqu'à leur effondrement respectif en 722 et 587 av. J.-C.). Il est initialement représenté physiquement (via une statue ou même sous forme bovine dans le nord en Israël) et parfois même au côté d'autres divinités dans le temple de Jérusalem, formant notamment un couple avec sa parèdre/déesse associée Ashérah.



C'est dans des évènements historiques, tels que la prise par les assyriens de la capitale du nord Samarie en 722 et à contrario l'échec du siège de Jérusalem en 701, que Thomas Römer constate un renforcement du lien entre YHWH et les élites politiques et sacerdotales ; ces dernières voyant dans ces évènements des manifestations de la puissance et de la volonté de YHWH de faire d'eux son peuple.



L'exil babylonien de 587 représente un tournant majeur car il oblige les élites sacerdotales comme politiques à trouver une explication à la destruction du temple de Salomon et à la défaite, qui les oblige à quitter la terre auquel le dieu YHWH était attaché. Ils aboutiront à la conclusion que la défaite était une volonté divine chargée de les punir de leur manque de piété. Punition qui ne remettait pas en cause le lien privilégié entre YHWH et « son » peuple car celui-ci allait les accompagner dans leur exil, allaient affirmer ces élites.

Et s’il n'était pas uniquement lié à la terre du peuple hébreu mais à l’ensemble du monde, cela signifie de fait qu’il était le dieu Unique et non plus seulement le dieu national UN.



C'est dans ce contexte qu'est rédigé la “Torah” (ou Pentateuque en grec), ensemble de 5 livres comportant l'ensemble des lois et commandements divins, permettant de se soustraire au culte fixe du Temple (alors détruit) et de réécrire l'histoire du peuple juif et de Dieu, son Dieu, avec les “Prophètes” (Nebiim) et les “Ecrits” (Ketouvim).



Mais ce passionnant ouvrage qu'est “L'invention de Dieu” est aussi l'occasion de (re)découvrir les textes de la Bible hébraïque dans toute leur complexité, écrits par de multiples auteurs à des époques différentes, pour certains réécrits et modifiés à plusieurs reprises et dont il faut à chaque verset arriver à lire entre les lignes ; pour d'autres écartés lors de la constitution de la première version du Pentateuque entre 400 et 350.



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L'Invention de Dieu

Au commencement était la Bible aurait pu être le titre de l'essai que nous livre Thomas Römer, bibliste émérite qui se livre à une exégèse aussi savante que passionnante des textes sacrés pour démonter autant que remonter l'énigme de Dieu.

Message divin ou invention des hommes ? Il nous faudra lire jusqu'au bout les 352 pages minutieusement -inlassablement- pourrais-je dire- écrites par le spécialiste incontesté et virtuose des innombrables sources qu'il explore pour nous livrer les clé de cette universelle énigme.

Si Dieu a créé l'homme celui-ci le lui a bien rendu pour paraphraser Voltaire qui, au-delà de ce pied de nez, reconnait que notre Créateur a emprunté de multiples visages avant devenir le Dieu unique que nous vénérons aujourd'hui.

À l'origine, Dieu emprunta l'identité de multiples divinités protectrices mais pas toujours clémentes : dieu de violence et d'orage, de destruction et de souffle, avant d'être aux temps premiers nommé El, Adonay, Élohim, jusqu'à ce que le tétragramme Yhwh s'impose bien qu'on interdira de le prononcer.

Selon le Deutéronome, Yhwh serait l'un des fils de El, le dieu cananéen des steppes arides du Sud du pays d'Ougarit en Syrie actuelle, à moins qu'il ne trouve son origine d'une « divinité » de montagne d'où Moïse aurait reçu les Tables de la Loi, bien que ce personnage mythique n'ait laissé aucune trace historique.…On se perd en conjectures et leurs abondantes apparitions, au cours de cet essai, ouvriront autant de nouvelles pistes et interprétations qui, au moins, permettent d'affirmer que l'Ancien Testament n'est décidément pas une source historique fiable.

Progressivement commence à naître le Dieu des Hébreux, supérieur au dieu des enfers, et représenté par le « roi principal » qui absorbe les fonctions des dieux El et Baal » et devient le Dieu d'Israël qu'il n'a jamais été depuis l'origine du peuple élu. Le nom «Israël» est mentionné pour la première fois sur une stèle égyptienne de Merneptah datant d'environ 1220-1205 av. J.-C., où il désigne un groupe en Palestine que le pharaon a combattu.

Miraculeusement épargnée en -701 par les Assyriens, la colline du Temple va incarner le lieu central symbolisant l'unicité de Jérusalem qui se purifie d'autres divinités concurrentes comme la déesse féminine Ashérah longtemps associée à Yhwh et fait progressivement place à un monothéisme universel.

Ainsi tombe la légende de quelques Bédouins qui se seraient réunis autour d'une oasis pour inventer Dieu, laissant place à un autre conte plein de « bruits et de fureur » où l'image d'un Dieu unique s'est progressivement construit. Le dieu du buisson ardent ne manque pas de nous surprendre dans cette prodigieuse enquête et jeu de cache -cache dans lesquels nous embarque Thomas Römer. On apprend encore que le prophète Jérémie vient d'Anatot et que Jérusalem a été construite autour du nom de Salimou, la déesse du crépuscule et même que le peuple d'Israël a vénéré un autre dieu car s'il avait toujours été le peuple de Yahvé, il se serait appelé Israyahvé, ou Israyahou. Parmi d'autres trouvailles, et à grand renfort d'indices topographiques et archéologiques, on apprend à relire et à relativiser le récit de l'Exode et que le peuple d'Israël ne s'est probablement pas enfui du pays des pharaons !

Bien des révélations de ce genre risquent de faire sursauter des croyants les plus traditionnels des trois grandes religions monothéistes, mais, nous rassure l'auteur, une religion n'est jamais stable ou immuable. Il y a toujours des éléments en évolution. Terreau du christianisme et de l'islam, le judaïsme ne prend sa forme actuelle qu'à partir du IIe siècle avant notre ère. En définitive, la Bible hébraïque ressemble plutôt à un patchwork de traditions compilées, réécrites puis remises en forme après plus d'un millénaire d'histoire. Il faudra attendre les débuts du christianisme pour que le judaïsme se structure sur le modèle qu'on lui connaît aujourd'hui. Après avoir subi une hellénisation croissante, différentes sectes se forment, favorables à cette évolution (les sadducéens) ou hostiles (les pharisiens et les esséniens), jusqu'à ce que les pharisiens conservateurs l'emportent.

Le remarquable travail de clarification de Römer fait la démonstration de l'extraordinaire richesse des outils pluridisciplinaires qu'il utilise pour faire ressortir comment opèrent les mécanismes des forces historiques (violence religieuses, rivalités et intégration des minorités) qui ont donné naissance au monothéisme.

En conclusion, la lecture de « l'invention de Dieu », austère mais d'une construction impeccable, nous guide dans les arcanes de l'histoire sans soutenir de thèse religieuse. Cette synthèse très éclairante, animée par une constante démarche scientifique, bouscule tout notre paysage intellectuel. Une remarque néanmoins : Si une lecture critique de la Bible permet de distinguer le mythe de la vérité historique, elle ne peut ignorer que ces écrits millénaires s'inscrivent dans une culture et une société dont le caractère historique, voire anachronique, ne doit pas masquer le potentiel subversif du message divin ni faire obstacle au dialogue des cultures et des croyances qu'elles véhiculent.

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Aux origines de la Torah

Ce livres est écrit à deux mains, d'une part par Israël Finkelstein, archéologue israëlien. Il travaille surtout, mais pas exclusivement, sur ce que l'archéologie peut dire au sujet de la Bible. C'est quelqu'un qui est reconnu au sein de la communauté scientifique et y tient une place très importante. Thomas Römer, quant à lui est exégète et philologue suisse, d'origine allemande, professeur d'ancien testament et titulaire de la chaire "milieux bibliques" au Collège de France. Il a une approche qui allie critique historique, analyse littéraire et philologique des textes vetero-testamentaires, parfois appuyée sur l'archéologie, cherchant à déceler les circonstances sociales, politiques ou culturelles qui sont le cadre de la pensée religieuse qu'ils génèrent (le Sitz im Leben), indépendamment de l'impact ou de lectures théologiques contemporains. Il relève que la rédaction des textes bibliques constitue une forme de synthèse entre des conceptions identitaires et des conceptions théologiques assez différentes et pense que cette approche qui parfois heurte les représentations traditionnelles, peut servir tant aux athées qu'aux croyants dans leurs réflexions sur les enjeux actuels.

Une présentation peut-être un peu longue des auteurs, mais pour bien montrer que leur angle d'approche est originale, car souvent, lorsqu'on cherche à comprendre un peu mieux la Bible, on se pose la question: vaut-il mieux se tourner vers l'archéologie ou vers l'exégèse (c'est-à-dire la science de l'interprétation des textes) pour approcher la vérité historique? En réalité, c'est une question mal posée car archéologie et exégèse sont deux sciences complémentaires qui ont tout avantage à dialoguer. C'est donc le résultat d'un échange fécond auquel nous convie ce présent ouvrage.

Il s'ouvre en délimitant le terrain de rencontre des deux sciences. Ensuite, on passe à un examen critique des deux grands récits récits fondateurs d'Israël, c'est-à-dire Abraham et les patriarches et Moïse et l'Exode. Evidemment, cet examen critique se fait à la fois sous l'angle archéologique et sous l'angle exégétique.

Il faut bien avouer que l'argumentaire est parfois un peu corsé, un peu technique. Pour bien le suivre, il faut de l'attention ou du moins une culture de base assez forte. Quoiqu'il en soit, c'est un exemple réussi d'allers-retour entre exégèse et archéologie, ces derniers pouvant très bien nourrir la vie de prière et une méditation spirituelle qui se veut lucide.
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Dieu de la Bible, Dieu du Coran

Une exploration exigeante des deux religions monothéistes qui, grâce à une méthode contextualisée d'anthropologie historique nous fait comprendre l'origine de la formation de ces deux grands courants religieux. l'écriture de la Bible se poursuit sur plusieurs siècles dans une période d'Empires déjà constitués, tandis que le Coran s'adresse aux tribus Mecquoises et de Médine comme le code d'un bon père de communautés dont il faut assurer la survie et les alliances. Adorateurs de divinités protectrices de l'eau et des voies caravanières, les tribus se rallient à une voix (voie) qui les rassurent sur le plan matériel quotidien bien d'avantage que le message religieux qui adviendra plus tard au fur et à mesure que la parole du Prophète touche des cercles de populations de plus en plus diversifiées et déjà touchées par le christianisme, qui d'alliance en alliance protectrice, constitueront l'Empire islamique. Partant du principe d'une parole incréée, le Coran se soustrait aux exégèses critiques dont a bénéficié la Bible depuis le XIX ème siècle et reste encore l'otage d'une lecture littérale propice aux prises de positions archaïques, voire sectaires.

Une oeuvre salutaire et très enrichissante pour qui veut bien éviter le piège d'interprétations hâtives et anachroniques et s'attacher au sens profond et universel du message spirituel de ces deux grandes religions.
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Dieu de la Bible, Dieu du Coran

En échangeant sur les origines du « Dieu unique » dans les premiers temps du judaïsme et de l'islam, les deux spécialistes Thomas Römer et Jacqueline Chabbi plaident pour une approche historique des textes sacrés.
Lien : https://www.la-croix.com/Cul..
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Dieu de la Bible, Dieu du Coran

Peut-on comparer Yahvé et Allah ? Thomas Römer, spécialiste de l’Ancien Testament, et Jacqueline Chabbi, historienne des premiers siècles de l’islam, en débattent dans « Dieu de la Bible, Dieu du Coran ».
Lien : https://www.nouvelobs.com/id..
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