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EAN : 9782757868195
352 pages
Points (31/08/2017)
4/5   22 notes
Résumé :
Si le judaïsme et, à sa suite, le christianisme et l’islam proclament l’unicité d’un dieu régnant seul de toute éternité sur le ciel et la terre, la Bible hébraïque elle-même témoigne, pour qui la lit attentivement, de ses racines polythéistes. De fait, le « dieu d’Abraham » auquel se réfèrent, chacune à sa manière, les trois religions du Livre n’a pas été unique depuis toujours.

Comment un dieu parmi les autres est-il devenu Dieu ? Telle est l’énigme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Au commencement était la Bible aurait pu être le titre de l'essai que nous livre Thomas Römer, bibliste émérite qui se livre à une exégèse aussi savante que passionnante des textes sacrés pour démonter autant que remonter l'énigme de Dieu.
Message divin ou invention des hommes ? Il nous faudra lire jusqu'au bout les 352 pages minutieusement -inlassablement- pourrais-je dire- écrites par le spécialiste incontesté et virtuose des innombrables sources qu'il explore pour nous livrer les clé de cette universelle énigme.
Si Dieu a créé l'homme celui-ci le lui a bien rendu pour paraphraser Voltaire qui, au-delà de ce pied de nez, reconnait que notre Créateur a emprunté de multiples visages avant devenir le Dieu unique que nous vénérons aujourd'hui.
À l'origine, Dieu emprunta l'identité de multiples divinités protectrices mais pas toujours clémentes : dieu de violence et d'orage, de destruction et de souffle, avant d'être aux temps premiers nommé El, Adonay, Élohim, jusqu'à ce que le tétragramme Yhwh s'impose bien qu'on interdira de le prononcer.
Selon le Deutéronome, Yhwh serait l'un des fils de El, le dieu cananéen des steppes arides du Sud du pays d'Ougarit en Syrie actuelle, à moins qu'il ne trouve son origine d'une « divinité » de montagne d'où Moïse aurait reçu les Tables de la Loi, bien que ce personnage mythique n'ait laissé aucune trace historique.…On se perd en conjectures et leurs abondantes apparitions, au cours de cet essai, ouvriront autant de nouvelles pistes et interprétations qui, au moins, permettent d'affirmer que l'Ancien Testament n'est décidément pas une source historique fiable.
Progressivement commence à naître le Dieu des Hébreux, supérieur au dieu des enfers, et représenté par le « roi principal » qui absorbe les fonctions des dieux El et Baal » et devient le Dieu d'Israël qu'il n'a jamais été depuis l'origine du peuple élu. le nom «Israël» est mentionné pour la première fois sur une stèle égyptienne de Merneptah datant d'environ 1220-1205 av. J.-C., où il désigne un groupe en Palestine que le pharaon a combattu.
Miraculeusement épargnée en -701 par les Assyriens, la colline du Temple va incarner le lieu central symbolisant l'unicité de Jérusalem qui se purifie d'autres divinités concurrentes comme la déesse féminine Ashérah longtemps associée à Yhwh et fait progressivement place à un monothéisme universel.
Ainsi tombe la légende de quelques Bédouins qui se seraient réunis autour d'une oasis pour inventer Dieu, laissant place à un autre conte plein de « bruits et de fureur » où l'image d'un Dieu unique s'est progressivement construit. le dieu du buisson ardent ne manque pas de nous surprendre dans cette prodigieuse enquête et jeu de cache -cache dans lesquels nous embarque Thomas Römer. On apprend encore que le prophète Jérémie vient d'Anatot et que Jérusalem a été construite autour du nom de Salimou, la déesse du crépuscule et même que le peuple d'Israël a vénéré un autre dieu car s'il avait toujours été le peuple de Yahvé, il se serait appelé Israyahvé, ou Israyahou. Parmi d'autres trouvailles, et à grand renfort d'indices topographiques et archéologiques, on apprend à relire et à relativiser le récit de l'Exode et que le peuple d'Israël ne s'est probablement pas enfui du pays des pharaons !
Bien des révélations de ce genre risquent de faire sursauter des croyants les plus traditionnels des trois grandes religions monothéistes, mais, nous rassure l'auteur, une religion n'est jamais stable ou immuable. Il y a toujours des éléments en évolution. Terreau du christianisme et de l'islam, le judaïsme ne prend sa forme actuelle qu'à partir du IIe siècle avant notre ère. En définitive, la Bible hébraïque ressemble plutôt à un patchwork de traditions compilées, réécrites puis remises en forme après plus d'un millénaire d'histoire. Il faudra attendre les débuts du christianisme pour que le judaïsme se structure sur le modèle qu'on lui connaît aujourd'hui. Après avoir subi une hellénisation croissante, différentes sectes se forment, favorables à cette évolution (les sadducéens) ou hostiles (les pharisiens et les esséniens), jusqu'à ce que les pharisiens conservateurs l'emportent.
Le remarquable travail de clarification de Römer fait la démonstration de l'extraordinaire richesse des outils pluridisciplinaires qu'il utilise pour faire ressortir comment opèrent les mécanismes des forces historiques (violence religieuses, rivalités et intégration des minorités) qui ont donné naissance au monothéisme.
En conclusion, la lecture de « l'invention de Dieu », austère mais d'une construction impeccable, nous guide dans les arcanes de l'histoire sans soutenir de thèse religieuse. Cette synthèse très éclairante, animée par une constante démarche scientifique, bouscule tout notre paysage intellectuel. Une remarque néanmoins : Si une lecture critique de la Bible permet de distinguer le mythe de la vérité historique, elle ne peut ignorer que ces écrits millénaires s'inscrivent dans une culture et une société dont le caractère historique, voire anachronique, ne doit pas masquer le potentiel subversif du message divin ni faire obstacle au dialogue des cultures et des croyances qu'elles véhiculent.
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L'invention de Dieu” est un ouvrage écrit par le spécialiste francophone de l'Ancien Testament et titulaire de la chaire « Milieux bibliques » au Collège de France, Thomas Römer.
Cet essai interroge la « création » du monothéisme, en retraçant la formation progressive de la religion juive, première des trois grandes religions monothéistes, de ses origines à la constitution de sa forme contemporaine.

Derrière son aspect à première vue légèrement provocateur, le titre de l'ouvrage signifie simplement « l'invention d'un Dieu un, unique » en opposition à un panthéon polythéiste.

Ce livre est exigeant, il demande un investissement important de par la richesse de ses réflexions et la multitude des noms de personnages, lieux et surtout des nombreuses citations bibliques mentionnés.
Il cherche à expliquer pourquoi le dieu YHWH (Yahvé), célébré parmi tant d'autres divinités au Proche et Moyen-Orient dès la fin du IIe millénaire av. J.-C., va peu à peu devenir le dieu du futur “peuple” hébreux. Avant de devenir peu à peu le seul dieu de tous les peuples, perdant ainsi son nom propre YHWH, tout en gardant un lien particulier avec ceux qui allaient devenir les Juifs.


Il cherche à comprendre pourquoi au sein d'un peuple parmi d'autres, on en vient à rejeter des divinités jusqu'alors célébrées et peu à peu dénier leur existence même.

Pour ce faire cette enquête nous propose de revenir aux origines même de YHWH, dont l'étymologie exacte du nom nous est incertaine. Il apparait comme un dieu guerrier et de l'orage originaire du Sud et du désert ; un dieu qui ne semble pas être la divinité tutélaire des fils d'Israël, au sein duquel on retrouve a contrario le nom du dieu El, divinité majeure du Levant.

YHWH (ou Yahvé) est un dieu qui fut ensuite vénéré dans plusieurs sanctuaires sur l'ensemble des territoires des royaumes d'Israël et de Juda (jusqu'à leur effondrement respectif en 722 et 587 av. J.-C.). Il est initialement représenté physiquement (via une statue ou même sous forme bovine dans le nord en Israël) et parfois même au côté d'autres divinités dans le temple de Jérusalem, formant notamment un couple avec sa parèdre/déesse associée Ashérah.

C'est dans des évènements historiques, tels que la prise par les assyriens de la capitale du nord Samarie en 722 et à contrario l'échec du siège de Jérusalem en 701, que Thomas Römer constate un renforcement du lien entre YHWH et les élites politiques et sacerdotales ; ces dernières voyant dans ces évènements des manifestations de la puissance et de la volonté de YHWH de faire d'eux son peuple.

L'exil babylonien de 587 représente un tournant majeur car il oblige les élites sacerdotales comme politiques à trouver une explication à la destruction du temple de Salomon et à la défaite, qui les oblige à quitter la terre auquel le dieu YHWH était attaché. Ils aboutiront à la conclusion que la défaite était une volonté divine chargée de les punir de leur manque de piété. Punition qui ne remettait pas en cause le lien privilégié entre YHWH et « son » peuple car celui-ci allait les accompagner dans leur exil, allaient affirmer ces élites.
Et s'il n'était pas uniquement lié à la terre du peuple hébreu mais à l'ensemble du monde, cela signifie de fait qu'il était le dieu Unique et non plus seulement le dieu national UN.

C'est dans ce contexte qu'est rédigé la “Torah” (ou Pentateuque en grec), ensemble de 5 livres comportant l'ensemble des lois et commandements divins, permettant de se soustraire au culte fixe du Temple (alors détruit) et de réécrire l'histoire du peuple juif et de Dieu, son Dieu, avec les “Prophètes” (Nebiim) et les “Ecrits” (Ketouvim).

Mais ce passionnant ouvrage qu'est “L'invention de Dieu” est aussi l'occasion de (re)découvrir les textes de la Bible hébraïque dans toute leur complexité, écrits par de multiples auteurs à des époques différentes, pour certains réécrits et modifiés à plusieurs reprises et dont il faut à chaque verset arriver à lire entre les lignes ; pour d'autres écartés lors de la constitution de la première version du Pentateuque entre 400 et 350.

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Dieu de l'orage, Dieu guerrier, Dieu du désert.
Dieu d'un ailleurs, étrange, d'une montagne perdue, aux confins du sud peut-être.
Dieu bovin, Dieu des dieux, Dieu solaire,
Dieu d'un peuple, exilé, d'un roi, défait, d'une terre, soumise.
Seul et unique enfin, sans image, sans nom, silencieux, mais vivant dans le coeur des hommes.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Être le seul vrai dieu n’autorise guère de partenaire. Traditionnellement, YHWH est donc considère comme un dieu « célibataire » et les mentions de déesses dans la Bible, notamment d’Ashérah, ont été interprétées comme relevant d’un culte non yahwiste. C’est dans cette perspective que les rédacteurs bibliques ont en effet essayé de présenter les choses. Pour l’historien, la situation se présente différemment.
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《 L'existence de prostitués hommes et femmes dans le temple de Jérusalem est plausible et, s'ils avaient un lien avec Ashérah, il est également compréhensible que Josias ait tenté de les bannir du temple. 》
:o Je tombe des nues lol
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En parlant d'une "invention de Dieu", nous n'imaginons pas que quelques Bédouins se sont un jour réunis autour d'une oasis pour créer leur dieu ou que, plus tard, des scribes ont forgé de toutes pièces Yahvé en tant que dieu tutélaire.
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