Quand deux grands noms de l’imaginaire font converger leur talent pour une histoire rendant hommage à l’oeuvre culte d’un dieu du manga et de l’animation, c’est le projet de Tsutomu Nihei (Blame!) et Itoe Takemoto (Elin, la charmeuse de bêtes) dans cette revisite de Nausicaä.
On connaît surtout Nihei pour ses univers architecturaux très épurés où tel un conteur futuriste il nous perd dans des histoires étranges et philosophiques. A Itoe Takemoto, on doit une oeuvre de fantasy d’une grand humanité sur les relations entre humains et créatures vivantes. Il était donc assez improbable de voir les deux travailler ensemble, c’est pourtant ce qui se passe dans cette série au rythme fort lent au Japon, à peine 2 tomes depuis plus d’un an qu’elle paraît. Cependant, elle a su suffisamment séduire et surtout répondre de deux auteurs-artistes reconnus, ce qui lui a déjà offert une adaptation en animé. Chez nous, elle débute tout juste chez Pika, éditeur de Takemoto mais pas du tout de Nihei.
De leur alliance va naître une histoire prenant le meilleur de chacun et avec des influences miyazakiennes évidentes. Nihei, en tant que conteur, nous fait découvrir un univers de SF très sobre pour lequel le trait épuré de Takemoto s’inspire de son travail à lui, pour nous donner un récit très architectural. Takemoto, elle, reprend ces mondes qu’elle aime tant il y a une forme de symbiose entre l’humanité et les créatures peuplant ces terres, des plus surprenantes ici. Ensemble, ils donnent un univers assez singulier, qui intrigue autant qu’il interpelle et rappelle ce que Miyazaki avait fait sur Nausicaä.
Dans ce premier tome fort introductif et rapide à lire, vu la narration des plus épurées du duo, nous suivons le jeune Kaina, héros éponyme de l’histoire, qui vit dans les canopées d’arbres gigantesques qui ont poussés sur une terre recouverte de neige telle une mer. Dernier garçon de sa génération, il fait survivre son village peuplé de vieillard et vieillarde, cohabitant ainsi avec les créatures des sommets, jusqu’au jour où une jeune fille de son âge arrive en utilisant une de ces créatures comme montgolfière, pensant trouver un saga pouvant résoudre les problèmes qu’il y a sur terre dans la mer de neige. L’histoire va nous conter l’histoire de la rencontre de ces deux mondes.
Nous sommes dans une histoire de survie où vont se confronter deux civilisations différentes, qui ont évolué dans des mondes différents, avec des contraintes et des problématiques différentes, qui s’annoncent à la fois classiques, déjà vu dans nombre de titres de SF comme ceux d‘Elisabeth Vonarburg ou Ursula Le Guin sur les thèmes de la natalité, Miyazaki sur le rapport à la nature et les rivalités entre peuples concernant des ressources, ou Neal Stephenson sur l’importance de l’écrit comme mémoire. Et je ne peux pas en dire beaucoup plus car ce premier tome est fort peu bavard.
Pour l’instant l’intrigue apporte plus de questions que de réponses mais la narration s’annonce plaisante à la fois un peu aventureuse (avec ses attaques d’insectes à faire peur aux phobiques) et contemplative (avec ses réflexions écolo et natalistes). C’est assez équilibré. Mais en même temps, les personnages semblent très archétypaux et je n’ai pas encore d’éléments me permettant de m’attacher réellement à eux. C’est un peu plat avec, on le sent, surtout l’intention de faire un récit de SF classique, hommage, bien carré.
J’ai passé un bon moment avec ce lent début de récit science-fictionnel promettant des réflexions intéressantes sur l’écologie, la natalité, le rapport à l’altérité. C’est encore assez timide mais on a envie de faire confiance aux sommités derrière ainsi qu’aux influences qu’on sent. L’alliance Nihei – Takemoto tient décidément plutôt bien ses promesses.
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