Rencontre régionale à Lyon - Prix Goncourt des Lycéens 2012
Le 18 octobre dernier se déroulait la rencontre régionale de Lyon, à l'UGC Ciné Cité où Joël Dicker, Serge Bramly, Gaspard-Marie Janvier, Thierry Beinstingel, Vassilis Alexakis et Linda Lê en lice pour le Goncourt des Lycéens ont répondu aux questions de 259 élèves venus des lycées d'Annecy, Chambéry, Pont du Château, Dijon, Grenoble, Neuville-sur-Saône, Saint-Étienne et Bourg-Lès-Valence.
Les immigrés font sûrement davantage travailler leur mémoire que ceux qui n'ont jamais quitté leur pays.
Je me suis levé au bout d'un long moment. Les deux oiseaux étaient toujours là. Ils ressemblaient à ceux que j'avais vus avec ma mère dans un de mes rêves. Avant de m'en aller, je les ai priés de monter de temps en temps sur sa tombe et de balayer de leurs ailes la poussière qui s'accumule.
La seule chose qui me réjouit, c'est que j'ai la possibilité de t'appeler de temps en temps de mon bureau. Le téléphone entre timidement dans notre vie. Il est heureux qu'il ait tardé à se manifester, sans cela toutes ces lettres n'existeraient pas. Le retour au passé serait impossible. Voilà le tort que nous a fait le téléphone, il a désarmé notre mémoire.
Je pense que je ne connaîtrai jamais les hommes chauves-souris. Il est d'autres voyages que j'aimerais entreprendre et que, faute de temps, je ne ferai probablement jamais. Je commence à prendre congé des pays que je n'ai pas visités, des hommes que je n'ai pas rencontrés.
- Savez-vous si la péninsule de l'Athos était habitée dans l'Antiquité ?
- Elle devait l’être car, selon la tradition, lorsque la Sainte Vierge s'y est rendue, elle s'est heurtée à des statues antiques, ce qui l'a profondément choquée.
Je ne lui ai pas demandé de m'expliquer comment la Vierge était arrivée sur la Sainte Montagne. «Sans doute à bord d'une embarcation poussée par des vents orageux», ai-je pensé, car il m’était naturellement impossible d'imaginer qu'elle avait fait le trajet à pied.
"- quel est le mot le plus précieux pour vous ?
- "Imagination". Sans elle, aucun de ces ouvrages n'aurait vu le jour. Elle est indispensable même aux textes qui se limitent apparemment à la transcription de faits réels. L'écriture crée inévitablement sa propre réalité. Classer séparément textes autobiographiques et textes de fiction n'a aucun sens, étant donné que les uns comme les autres découlent du dialogue mystérieux que chaque auteur entretient avec les mots."
« Le plus bel hommage qu’on puisse rendre à un défunt a été imaginé, à mon avis, par certains aborigènes d’Australie. Lorsque leur chef meurt, ils suppriment un mot, l’effacent définitivement de leur langue. Mais je ne suis pas certain que notre ami nous approuverait si nous faisions de même car il aimait les mots, tous les mots, même ceux qui ne lui plaisaient pas. »
-Pourquoi écrivez-vous? interroge-t-on aussi.
Est-ce une activité saugrenue, comme la cleptomanie ou le saut en parachute? Je regarde encore mes mains. La main droite lâche à nouveau le crayon et s'approche de mon visage. Elle ne va pas me gifler, j'espère? Non, bien sûr. Elle me gratte cette fois-ci la tête : c'est tout ce qu'elle peut faire pour m'aider à trouver une réponse. J'ai découvert de bonne heure que la vie n'avait rien de plus beau à m'offrir que des mensonges. Je l'ai su grâce aux lectures que me faisait ma mère le soir. Je ne rêvais pas encore d'écrire, pour la bonne raison que je ne savais même pas lire, j'envisageais cependant de devenir un grand menteur...;
J'ai voulu lui demander pouquoi la mort d'une langue le chagrinait autant, mais cela n'a pas été nécessaire.
_ Les langues sont des civilisations, des traditions, des histoires, m'a-t-il expliqué en bon professeur. Chacune d'elles préserve un mystère qu'aucune autre ne connaît. Je dois aux langues que j'ai apprises bien des pensées que je n'aurais jamais eues sans elles. Chaque langue que je découvre garantit à sa façon ma liberté.
Peu après, elle m'a apporté le Petit Robert qu'elle a déposé sur ma poitrine. Ce dictionnaire que j'utilise depuis trente-cinq ans et dans lequel j'ai puisé tous mes livres m'a paru soudain extrêmement lourd. J'ai eu peur d'étouffer sous le poids du vocabulaire français.