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EAN : 9782070344345
416 pages
Gallimard (23/08/2007)
3.55/5   85 notes
Résumé :
Vassilis Alexakis

La langue maternelle

Pavlos est rentré à Athènes sans raison précise et sans même réserver son billet de retour pour Paris où il vit et travaille depuis plus de vingt ans. Il redécouvre une ville, une culture, ses origines, un pays très jeune et très vieux à la fois et choisit bientôt d'élucider un mystère qui semble contenir toutes ses incertitudes : quel est donc le sens de la fameuse lettre E jadis suspendue à l'ent... >Voir plus
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Tout a commencé avec la photo en noir et blanc reproduite sur la couverture. L'auteur (à travers son personnage Pavlos) est fasciné par celle-ci. J'aime et suis captivé comme Vassilis Alexakis par cette magnifique photo de la découverte de la statue d'Antinoüs, jeune ami ou amant de l'empereur romain Hadrien, déterrée à Delphes lors d'une fouille en 1894, qu'il commente de façon magistrale sur plusieurs pages, magnifiques, inattendues et poétiques. Il la présente comme « un instantané de la rencontre insolite d'une célébrité du IIe siècle après Jésus-Christ avec une équipe d'ouvriers du XIXe siècle ». le ton est donné, l'auteur, un érudit qui a lu Plutarque en grec ancien et en grec moderne, joue avec les mots, conserve tout au long du récit un humour qui rend la lecture très agréable.

Le sujet de ce roman, écrit en 1995, est en grande partie autobiographique. Pavlos est dessinateur de presse à Paris (comme l'auteur l'a été), il est de retour à Athènes, dans son pays natal. Il choisit de partir à la quête de l'origine de la lettre Epsilon, jadis placée à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. On le suit dans un long périple à travers le pays, occasions de multiples digressions, de l'alphabet grec jusqu'à une comparaison insolite entre billard et ping-pong ! Une écriture délicate et subtile, évoluant dans différentes strates de temps et de mémoire.

Précieux Vassilis Alexakis qui, par l'amour des langues, accède en profondeur à l'histoire des hommes et de la pensée. Sa double culture, qu'il décrypte en permanence dans son oeuvre, démultiplie les possibilités de récit et de sens. Il affirme : « …le but de l'écriture n'est peut-être pas d'éclaircir, mais de multiplier les mystères. »
Ode à la mère (avec la poussière qui s'accumule sur sa tombe), ode à la Grèce. Est-ce la crainte du passé qui s'efface inexorablement, comme s'efface peut-être déjà son souvenir si le lecteur, nous tous, ne faisons pas vivre sa mémoire en lisant ses livres ?

Né à Athènes, Vassilis Alexakis a fait des études de journalisme à Lille et s'est installé à Paris en 1968, peu après le coup d'État des colonels grecs. Il a travaillé pour plusieurs journaux français, dont le Monde, et collaboré à France Culture. On a dit qu'il était le plus grec des écrivains français et le plus français des écrivains grecs, ce qui représente parfaitement son attachement aux deux cultures. Tout comme son double Pavlos, il est retourné en Grèce à la fin de sa vie et est décédé à Athènes en 2021.

La Langue maternelle a reçu le prix Médicis 1995, ex-æquo avec le Testament français d'Andreï Makine. Auteur parfaitement bilingue, Vassilis Alexakis disait avoir commencé la rédaction en grec, pour retraduire ultérieurement en français. La démarche me paraît singulière. Connaissez-vous d'autres écrivains ayant traduit eux-mêmes leurs romans ?
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Chronique complète avec composition personnelle sur fond de la maquette reconstituant le sanctuaire de Delphes sur Bibliofeel, lien direct ci-dessous
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Etrange livre, qu'il est difficile de classer dans une catégorie littéraire précise. le narrateur, qui sembler ressembler par de nombreux aspects à l'auteur, est un Grec de quarante et quelques années, qui habite et travaille en France depuis plus de vingt ans, mais qui sans savoir pourquoi, ressent le besoin de revenir dans son pays pour une durée indéterminée, sans projet ni perspective. Il était parti au moment du coup d'état, il a fait carrière dans le dessin, la caricature, mais d'une certaine façon ne trouve plus de sens à ce qu'il vit.

Très vite, il va s'interroger sur le sens de la lettre Epsilon suspendue à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. Il n'est pas le premier à s'être posé la question, il n'a rien d'un spécialiste, mais cette problématique érudite va vite devenir en quelque sorte le centre de son existence. Il va aller faire des recherches à l'Ecole française d'archéologie d'Athènes, rencontrer des chercheurs, des archéologues...Il va s'immerger dans des récits de fouilles, et au final voyager, en particulier à Delphes, où un archéologue aveugle va lui ouvrir des perspectives insoupçonnées. Mais ces recherches s'accompagnent de souvenirs personnels, en particulier familiaux, beaucoup liés à sa mère, morte il n'y a pas si longtemps et dont il n'a pas vraiment fait encore le deuil.

Finalement, il s'agit de retrouver son identité à travers ses racines et sa culture, toute cette histoire si ancienne et si riche en Grèce, qui peut en devenir un fardeau, une charge, une justification au nationalisme et au rejet de l'autre. Et qui ne peut être assumée qu'à condition de devenir quelque chose de personnel, de ressenti, au-delà des mots pompeux et creux des manuels et des cours ennuyeux de l'école. Se réconcilier avec l'Histoire, permet aussi de se réconcilier avec sa propre histoire, sa propre existence ; se questionner sur les énigmes historiques permet de donner des réponses à ses propres interrogations et incertitudes. Dans une quête qui ne peut jamais vraiment se terminer.

Un beau livre, personnel, d'une grande richesse dans les thématiques et pistes de réflexion. L'écriture est simple, peut-être un peu trop parfois, il m'a manqué un peu de poésie, de lyrisme par moments. Mais j'ai été contente de faire ce voyage en compagnie de l'auteur.
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À Delphes, sur le fronton aujourd'hui disparu du temple d'Apollon, trônait jadis la lettre E. De quel mot ce mystérieux « epsilon » était-il l'initiale ? C'est ce que va tenter de découvrir Pavlos, le narrateur de ce très beau roman, un artiste grec qui, comme l'auteur, a dû s'exiler en France dans les années soixante, après le coup d'état des colonels.
On le comprend assez vite, cette quête aux allures de flânerie initiatique (« L'epsilon me conduit sans m'imposer aucune direction ») est surtout un prétexte pour retrouver les mots et les sonorités de la langue qu'il parlait quand il était enfant.
Mais à travers cette rêverie autour de la langue maternelle, c'est aussi avec Athènes, sa ville natale, et avec la Grèce que renoue progressivement Pavlos, l'« ekpatriménos » (l'expatrié.) En effet, après presque trois décennies d'absence, ce pays, cette ville qu'il croyait connaître par coeur sont devenus des étrangers avec lesquels il lui faut refaire connaissance : « La réalité m'oblige à réviser fréquemment le plan de la ville que j'ai en tête. Je déplace des rues, des collines, parfois des quartiers entiers que je remplace par d'autres. Ce plan ressemble aux très anciennes cartes où rien n'est à sa place. »
Cette redécouverte, qui sonne comme une renaissance pour cet homme un peu désenchanté, n'exclut cependant pas la clairvoyance : aussi Pavlos n'a-t-il jamais de mots assez durs pour dénoncer le culte artificiel de l'Antiquité ou le nationalisme exacerbé de ses concitoyens, intellectuels compris, qui refusent par exemple de partager le nom de Macédoine avec l'ancienne république de Yougoslavie.
Au terme d'une odyssée tragi-comique à travers la Grèce, Pavlos parvient finalement à rétablir le contact avec le monde dont il est issu, et avec sa famille, longtemps perdue de vue.
Surtout, cette  langue « maternelle », c'est celle que lui a apprise sa mère, dont le souvenir plein d'émotion traverse l'ensemble du roman et confère une dimension plus intime à l'énigme de l'epsilon.
Un livre profond, touchant, drôle, poétique, dont la lecture m'a enchanté.
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Un beau livre, qui peut se rapprocher de l'autobiographie sans prendre en compte toute la vie mais la méditation sur soi, la recherche de soi à travers celle de la langue maternelle grecque, dont l'auteur ressent la nécessité de se rapprocher, tout en méditant continuellement sur le mystère de cette origine savante et parfois paradoxalement gênante du grec moderne qu'est le grec ancien, en prenant en particulier la forme de la quête insoluble de la signification de la lettre E, epsilonn, gravée sur le fronton du temple l'Apollon de Delphes, sens perdu dès l'Antiquité. Un roman émouvant sur la vie, la mort, la quête du sens et de l'identité, roman touffu, parfois léger, parfois grave, aux multiples échos et reconnaissances, telle cette belle figure de la comédienne répétant des années après l'interrogation d'Electre entendant la voix tant attendue de son frère Oreste.
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Encore un enchevêtrement de fiction et d'autobiographie, dont le style fragmentaire m'a plu cette fois-ci, dans le cadre d'un roman. C'est l'histoire du retour au pays d'un migrant grec à Paris, un intellectuel, dont le prétexte est l'élucidation d'un mystère archéologique: le sens de la lettre epsilon se trouvant jadis à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. Si les amateurs de polars historiques risquent d'être déçus, les lecteurs intéressés à l'introspection d'un auteur migrant y trouveront leur compte. Car loin d'être élucidée, l'énigme se transforme en recherche de la langue maternelle que le héros craint menacée; la recherche est limitée et scandée par 40 mots commençant (presque tous) par le fameux epsilon, qui représentent autant de personnages ou de circonstances du récit ou sans doute d'éléments aptes à caractériser le personnage qui cherche, en tout cas un TEXTE, voire même la quintessence des 393 p. du roman ainsi que la quintessence de la quête. Leur ordre d'apparition au fil du récit ne me semble pas totalement anodin, lui non plus - serait-il le seul élément d'ordre dans la narration?
Toujours est-il que, comme dans "Les Mots étrangers", le thème de la "langue sauvée" (v. Canetti) est strictement lié à un deuil: le deuil de la mère (d'où "langue maternelle" au sens propre de "maternel"), menace pour la langue; vers la fin de la liste, le E est identifié à "ta ellènika" (la langue grecque), et le 40ème mot de la liste est "ellipsi", le manque (de la personne de la mère, justement, mais sans doute admettant aussi une plus grande abstraction). le cadre est une Grèce intellectuelle étriquée, hyper-nationaliste, obsédée par son identité antique. On peut également apprendre (ou redécouvrir) de nombreuses informations sur et de beaux paysages de Delphes.

Voici ce que j'ai pu retrouver de la liste des mots en E (par une relecture très rapide - un lecteur avisé et intéressé pourra sans doute trouver la liste complète à condition de lire tout le roman un crayon à la main...):
1. élissomai = se faufiler, 2. éndélos = tout à fait, 3. éris = la querelle, 4. eurisko = je trouve, 5. ainigma = l'énigme, 6. ei = tu es, 7. ei = et si...? (interrogatif), 8. érotèma = la question, 9. éna = un (nombre), 10. ê = il dit, 11. hélios = le soleil, 12. Eléni = prénom féminin, [...] 17. égo = je, 18. érateinos = aimable, 19. epsilon = cinquième lettre de l'alphabet, 20. ethnikismos = nationalisme, 21. elpida = espérance, 22. ecclissia = l'Eglise, 23. éros, 24. é é = cri de détresse, 25. étimothanatos = le moribond [un freudien ne manquera pas de remarquer ici l'ordre...], 26. érythro = ancien mot pour rouge, 27. ekpatrisménos = expatrié, 28. élia = l'olivier, 29. éniaochos = le cocher, l'Aurige, 30. eironia = l'ironie, 31. ergatria = l'ouvrière, 32. eufantastos = ingénieux, 33. épistrophi = le retour, 34. éos = l'aube, 35. éphialtis = le cauchemar, 36. ellènika = "ma langue maternelle", 37. enthousiasmos, 38. ékèlès = mot inventé par l'auteur, 39. éleuthéria = la liberté, 40. ellipsi = le manque.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
"Ce quartier n'est pas un endroit, ai-je pensé, c'est une époque. je traverse une époque." J'ai ressenti une douleur inexplicable en voyant une collégienne d'une douzaine d'année, avec un tas de livres sous le bras, en train d'ouvrir la porte de sa maison. Je suis passé à coté de mon ancienne école primaire. Le mur qui protège la cour de récréation a été surélevé, il est haut de quatre mètres. J'ai entendu les cris des enfants. Soudain un ballon de basket est passé par dessus le mur et a atterri presque devant moi. Il a rebondi sur le capot d'une voiture puis au milieu de la chaussée et s'est arrêté devant l'entrée d'un immeuble. Il n'y avait personne dans la rue. J'ai ramassé le ballon et d'un coup de pied je l'ai expédié dans la cour. Aux cris des enfants j'ai deviné que le jeu avait repris. "je suis venu pour vous renvoyer le ballon", ai-je pensé.
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Je me suis levé au bout d'un long moment. Les deux oiseaux étaient toujours là. Ils ressemblaient à ceux que j'avais vus avec ma mère dans un de mes rêves. Avant de m'en aller, je les ai priés de monter de temps en temps sur sa tombe et de balayer de leurs ailes la poussière qui s'accumule.
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Je lis deux pages d'un livre, trois d'un autre. Je n'arrive pas à fixer vraiment mon attention. Je me promène sans but à la surface des choses. Mes voisins travaillent sur un mémoire, j'imagine. Je ne sais pas sur quoi je travaille. "j'apprends", pensé-je. Mais voilà que j'écris aussi, sur un sujet que je ne connais pas. Mon audace m'étonne. Je suis probablement influencé par les chauffeurs de taxi athéniens qui parlent de tout avec une grande aisance.
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La seule chose qui me réjouit, c'est que j'ai la possibilité de t'appeler de temps en temps de mon bureau. Le téléphone entre timidement dans notre vie. Il est heureux qu'il ait tardé à se manifester, sans cela toutes ces lettres n'existeraient pas. Le retour au passé serait impossible. Voilà le tort que nous a fait le téléphone, il a désarmé notre mémoire.
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La société athénienne est exubérante. Elle parle sans cesse, elle exprime intensément ses sentiments, ses points de vue, elle éclate de rire pour un rien, elle mange avec boulimie, elle est toujours disposée à faire la fête comme si le lendemain n'était pas un jour ouvrable et elle a, naturellement, tout le temps besoin de voir du monde. Elle est plus amusante que la société parisienne, perpétuellement préoccupée par l'heure et incapable d'oublier ses obligations. Il n'y a pas beaucoup d'horloges dans les endroits publics à Athènes. Je crois que la société parisienne se fait une certaine idée de l'avenir et qu'elle travaille fiévreusement dans l'espoir de la réaliser. Les Athéniens préfèrent s'occuper du présent. Ils s'emploient à le façonner à leur guise. Ils vivent avec entrain, justement parce qu'ils n'attendent pas grand-chose de l'avenir.
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