Véronique B. Jeandé

Perdue dans ses pensées, ce n’est qu’au moment où elle sentit le corps de son chauffeur se crisper et la moto entamer un freinage d’urgence qu’elle comprit qu’il se passait quelque chose. Elle n’eut pas le temps de prolonger sa réflexion. Un gigantesque bruit de ferraille fracassée éclata dans la nuit, et elle se retrouva éjectée du véhicule avant d’aller heurter les sapins qui parsemaient le bord de la route. Une douleur immense l’envahit au moment où ses os se brisaient avant qu’elle ne finisse par sombrer dans l’inconscience.

Pourquoi rejoint-on une secte ? Ou tout simplement pourquoi adhère-t-on à une religion ? Car il faut admettre que la limite entre les deux est parfois très floue… Besoin de croire en une puissance supérieure, en un mode meilleur… Besoin de trouver un guide, capable de vous montrer la voie et de répondre à toutes les questions que l'on peut se poser… Besoin de s'identifier par rapport à un groupe, d'appartenir à une sorte de "famille"… Les motivations sont nombreuses et complexes. Elles varient pour chaque individu.

- Jérémy, je veux vraiment t’aider. Tu ne l’as pas compris ?
Son interlocuteur soutint son regard, puis répondit d’une voix presque inaudible.
- Je ne suis pas sûr que l’on puisse m’aider…
- Laisse-moi au moins essayer. Si tu ne veux pas me donner ton nom pour le moment, cela peut encore attendre. Mais pour retrouver ta place au sein de notre société, il faudra un jour que tu reprennes ton identité... Est-ce si difficile ?
Jérémy l’observa silencieusement, avant de baisser la tête.
Pierre Delrue sentit un léger frisson le parcourir. Il avait l’habitude de côtoyer des hommes et des femmes que la vie avait maltraités. Pendant quelques instants, le masque impassible du jeune homme s’était fissuré. Et la douleur qu’il venait de percevoir dans son regard semblait incommensurable.

Nul ne peut quitter le Cercle Manteia : J’ai cru que j’y arriverais, mais c’était une erreur. Aujourd’hui, ils ont retrouvé ma trace. Et celle que je croyais aimer n’était là que pour me piéger. Je n’ai aucun avenir. Où que je sois, ils finiront par me retrouver. Ils n’hésiteront pas à utiliser l’amour que je porte à Gabrièle et à sa famille pour arriver à leurs fins. Je ne peux pas laisser planer cette menace sur leurs têtes.
J’espère pouvoir compter sur ton aide.
Pardonne-moi de t’imposer cela.
Jérémy

Avec le temps, chez une personne normale, les souvenirs s'estompent et se déforment, la douleur s'atténue. Mais pour lui, rien ne disparaîtra. La seule solution est de ranger ces images dans une "boîte" et de ne plus jamais les ressortir.

Mon père n’a jamais été contre l’idée d’une bonne raclée de temps en temps… Pour lui, c’est parfois le seul moyen de régler les difficultés. Et honnêtement, il n’est guère plus tendre. Il ne faut surtout pas que j’en parle à mes parents, sinon, ils seraient capables d’en remettre une couche lorsque je vais rentrer à la maison…

Comment caractériser le bien, si le mal n'existait pas ?