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Citations de Véronique Crombé (45)


Arrêtons-nous ici sur l'aspect pratique des choses : attention et concentration justes sont particulièrement liées à la méditation. Le terme habituellement employé est bhavâna, qui signifie littéralement « faire devenir ; développement ». Le bouddhisme propose deux formes de méditation.
Samâtha Bhâvana, ou le Calme Mental, dont le but est l'apaisement du flot continu des pensées et des émotions agitant l'esprit. Pour y parvenir, des méthodes diverses sont employées, qui impliquent toutes un effort de concentration sur un objet, matériel ou non. La technique d'observation vigilante du va-et-vient du souffle est particulièrement en honneur, car c'est celle que le Bouddha aurait lui-même pratiquée.
La pratique de Samâtha peut mener aux états appelés en pâli jhâna, et que l'on peut ainsi définir : « ensemble des états de conscience raffinés susceptibles d'être expérimentés comme l'un des résultats de la méditation profonde ». Samâtha peut-être pratiqué avec profit par quiconque, sans considération d'appartenance religieuse.
Mais seule la deuxième méthode, Vipassanâ Bhâvana ou Vision Profonde, est spécifiquement bouddhique et peut conduire au Nirvâna. Préalable intéressant, Samâtha n'est pas indispensable à la pratique de Vipassanâ. Il s'agit ici, tout en gardant une « toile de fond » à la pratique — et ce peut être le souffle — afin d'éviter à l'esprit de se disperser complètement, d'observer avec attention les phénomènes de tous ordres, quand ils surviennent pendant la méditation, dans leur déroulement, et d'en saisir l'impermanence, le caractère foncièrement insatisfaisant.
La sagesse, enfin, recouvre pensée et compréhension justes. La pensée juste, dit le texte, est « libre de désirs sensuels, de malveillance et de cruauté ». La méditation, ici encore, sous-tend l'effort vers la pensée juste : des pensées négatives ne peuvent surgir pendant la pratique méditative Vipassanâ, et cette dernière, par la compréhension de la véritable nature des pensées, élimine progressivement les attachements qui mènent aux pensées néfastes. La compréhension juste ferme, si l'on peut dire, le cercle : « Comprendre la souffrance, comprendre l'origine de la souffrance, comprendre l'extinction de la souffrance, comprendre le chemin conduisant à l'extinction de la souffrance. » C'est la compréhension des Quatre Nobles Vérités, objet essentiel de la méditation Vipassanâ, et visant à la délivrance.
p. 177
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LE BOUDDHA
Le dernier repas
En plusieurs étapes, ponctuées de discours et d'ultimes recommandations, le Bouddha parvient à Pâvâ, petit bourg où il s'installe dans un bois appartenant à Cunda Kammâraputra, orfèvre selon certains, issu d'une famille travaillant plus globalement les métaux, pour d'autres. Très classiquement, Cunda, ayant rendu visite au Bien-heureux, le convie à prendre chez lui le repas du lendemain. Y est servi un plat sur la composition duquel de multiples hypothèses ont été avancées. Les textes pâli l'appellent Sukaramaddava*, c'est-à-dire « délice de porc », mais, plat de viande de porc ou plat de champignons dont les porcs sont friands, la question déjà abondamment débattue risque de demeurer ouverte encore longtemps. Étonnamment, le Bouddha demande à ce que ce plat ne soit servi qu'à lui et que les restes en soient enterrés car, dit-il, « il ne voit personne dans le monde... qui puisse consommer le sukaramaddava et le digérer graduellement, si ce n'est le Tathâgatha ».
L'après-midi même, le mal dont le Bouddha souffrait semble s'aggraver. Une fois encore, il surmonte ses douleurs avec sérénité. Soutenu par Ânanda, il prend la route de Kuçinâgara. Mais, en chemin, fatigué, il s'arrête pour prendre quelque repos et demande à boire. À sa troisième demande seulement, et au grand émerveillement d'Ânanda, l'eau du courant voisin, troublée par le passage de 500 charrettes, retrouve sa limpidité et le Bouddha peut apaiser sa soif.
p. 158
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* voir * Stephen BATCHELOR dans « Itinéraire d'un bouddhiste athée », (ed. Seuil © février, 2012)
Note 22 page 339 du chapitre 17, page 274 :
— Le terme pali sùkara-madava signifie littéralement « tendre cochon » (sùkara). Dans le canon, il est clair que le Bouddha n'était pas végétarien. Il rejetait la proposition de son cousin Devatta d'imposer le végétarisme comme règle pour la communauté monastique. Il ne voyait pas d'objection à ce que ses moines mangent de la viande, à condition qu'il n'aient été ni « vus, ni entendus ou soupçonnés » que l'animal fût tué spécialement pour eux.
(mis en note par le transcripteur)
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Le dialogue inter-traditions
On ne peut nier qu'à travers les siècles, des luttes parfois féroces opposèrent, au sein même du bouddhisme, les tenants de traditions différentes. Pour des questions de divergences doctrinales, plus souvent, hélas ! pour des rivalités de pouvoir bassement temporel. Si tout n'est pas encore au mieux* la tendance est maintenant à l'apaisement et à l'instauration du dialogue. Des rencontres réunissant des représentants du maximum d'écoles possible se tiennent, à l'instigation du Dalaï Lama, pour mettre en commun les expériences, évoquer les défis nouveaux auxquels le bouddhisme se trouve confronté...
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* Un exemple récent en est la controverse qui secoue durement l'école tibétaine Gelugpa au sujet du culte du protecteur Dorjé Shugden.
– mis en note par le transcripteur : nous pourrions également dans le même ordre d'idée citer le schisme de la Lignée Kamtsang-Kagyu des deux prétendants au trône de Karmapa, « affaire d’État » ?
https://www.phayul.com/news/article.aspx?id=37800&article=Sikkim+rallies+for+Karmapa%27s+visit+to+Rumtek&t=1&c=1
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p. 196
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« Le Bouddha » - “Biographie”, Véronique Crombé - Éditions Desclée de Brouwer © 2000
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Cet exemple spécifique dénote une tendance plus large, issue, dans certains cas, d'une exigence croissante des laïcs, plus que d'une évolution interne des milieux monastiques, au retour à ce que l'on présume être une austérité, une pureté originelle de la pratique.
Dans le même ordre d'idées, des fidèles laïcs réagissent aujourd'hui contre ce qu'ils estiment être l'excès de pratiques superstitieuses — panthéon syncrétique dans les pagodes vietnamiennes, recours aux religieux pour des opérations de divination ou l'établissement d'horoscopes... — dans les centres qu'ils fréquentent.
Place croissante des fidèles laïcs
La communauté bouddhique au sens large tourne, on l'a vu, autour de deux pôles : les moines et les laïcs. Si l'on remonte aux origines, il apparaît clairement que le Bouddha, bien que considérant la vie religieuse comme la seule voie permettant de mener au mieux la « conduite pure », n'en tenait pas moins l'état laïc en haute estime. Pendant des siècles, pourtant, et ce tout particulièrement dans les pays de tradition Theravâda, les laïcs se sont sentis, à tort, en position nette d'infériorité. C'est de moins en moins le cas aujourd'hui.
p. 192
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En guise de conclusion : orientations actuelles
Aujourd'hui plus que jamais, le bouddhisme est à une étape capitale de son histoire. Les choses bougent. Sans prétendre faire ici un panorama complet des transformations et des débats qui agitent actuellement le bouddhisme, à tous les niveaux, il n'est pas inintéressant de mettre en lumière certaines des orientations contemporaines.
Réflexion sur la pratique
De longue date, la pratique méditative tend à s'effacer, ou du moins à passer au second plan, au profit des récitations de textes et des rituels de tous ordres. Le “mal”  affecte les laïcs, qui ont facilement considéré la méditation comme étant prioritairement une activité de religieux, mais également les milieux monastiques. Or, la méditation est, sans ambiguïté, au cœur de l'enseignement du Bouddha. On a toujours observé, dans les pays de Theravâda, une différenciation entre moines citadins, plus impliqués dans les rites, l'érudition, le conseil auprès des laïcs, et moines de la forêt qui prônent un retour à l'austère tradition de solitude et de pratique poussée de la méditation.
p. 191
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Très tôt, donc, dans l'histoire du bouddhisme, des divisions irrémédiables firent leur apparition. On ne devait pas en rester là, et les dissensions entre sectes allaient nécessiter un nouveau concile — reconnu unanimement en tant que tel, celui-là — toujours à Pâtaliputra, sous le règne du roi Açoka de la dynastie Maurya. Monarque de grande envergure, Açoka offrit au bouddhisme son patronage, ouvertement professé dans le texte des édits gravés sur colonnes ou rochers, répartis sur le territoire qu'il contrôlait. C'est sous son règne, alors que les divisions entre sectes se poursuivent, que commence véritablement l'expansion géographique du bouddhisme, sur l'ensemble de ce qui est aujourd'hui l'Union Indienne et au-delà de ses frontières.
Pendant de longs siècles, le bouddhisme reste florissant dans sa patrie d'origine. Un art bouddhique naît, et s'épanouit, aniconique d'abord, avant qu'apparaisse, au début de l'ère chrétienne, une représentation anthropomorphe du Bouddha.
p. 187
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Nombre de règles de discipline ont été établies, semble-t-il, par le Bouddha lui-même, et les textes qui les rapportent exposent généralement en quelles circonstances. Beaucoup d'entre elles visent à s'assurer que les moines ne s'éloignent pas de l'idéal de simplicité et n'exploitent pas outrageusement la générosité de leurs bienfaiteurs. L'homme étant ce qu'il est, ces vœux pieux ont eu, parfois, à souffrir quelques entorses...
De même, en édictant ces règles, le Bouddha souhaitait s'en tenir à son idéal de « Voie Moyenne », ce qui explique ses choix en matière vestimentaire, alimentaire, en matière de logement également. Car, pour lui, l'inconfort matériel constitue un obstacle au progrès spirituel, tout autant que l'immersion dans le luxe et les plaisirs.
p. 184
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SANGHA
Formé de la réunion de deux racines sanskrites SAM et HR, ce qui aboutit à « comprenant », le mot “sangha” se réfère, au sens large, à un « ensemble ». Le vocabulaire bouddhique, dans la plus stricte orthodoxie, réservait autrefois, c'est encore le cas dans certains pays, le terme à la communauté que constituent les religieux, moines et moniales. Un autre mot,“parisa”, est alors utilisé pour désigner l'ensemble des bouddhistes. Toutefois, dans l'usage courant, le « Sangha sous ses quatre aspects » fait référence à la totalité de la Communauté : moines, nonnes, fidèles laïques hommes et femmes. On réserve l'expression Ariyasangha, « le Noble Sangha », aux êtres qui ont réalisé la Vérité, et sont à même de l'enseigner.

Le Bouddha n'étant plus parmi nous, c'est le Sangha qui constitue l'exemple vivant de l'enseignement du Bouddha car, selon la formulation donnée dans le texte de l'Hommage au Sangha : « la communauté des disciples du Bienheureux a une conduite droite, correcte, méthodique, bienséante » et constitue de ce fait « le plus grand champ de mérites pour le monde ».
p. 180
Moines et laïcs
Deux pôles sont en présence, interdépendants. Moines et nonnes, qui ne sont pas autorisés à exercer d'activité lucrative, dépendent, pour leurs besoins matériels, de la générosité des laïcs qui, de leur côté, attendent des religieux enseignements, éclaircissements sur la doctrine, conseils et accomplissement de certains rites. Il est parfaitement possible d'être un excellent bouddhiste sans l'accomplissement d'aucune formalité particulière. Toutefois, la Prise de Refuge donne plus de force à l'engagement. Dans le bouddhisme de tradition ancienne, ce peut être l'occasion d'une petite cérémonie, qui garde généralement un caractère intime et peu formel.
p. 181
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Dans l'enseignement bouddhique fondamental donc, pas de révélation divine, mais une réalisation humaine exceptionnelle, et l'on ne saurait trop insister sur ce caractère profondément humaniste du bouddhisme. Pas de croyance imposée non plus, mais bien plutôt la conviction intime, née de l'expérience, le Bouddha et les plus grands maîtres à sa suite ne cessant de revenir sur cette impérieuse nécessité de l'expérience. Le bouddhisme, enfin, se définit comme la Voie du Milieu, évitant les deux extrêmes : « ... se complaire dans les objets désirables pour les sens, ce qui est bon, vulgaire, terrestre, vil, indigne et sans profit, et (...) se vouer aux mortifications, ce qui est douloureux, indigne et sans profit », extrêmes que le Bouddha lui-même avait expérimentés avant de s'en écarter, et sur lesquels il s'explique également dans le préambule de son premier sermon.
p. 178
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Une question peut se poser à ce stade : le bouddhisme, en effet, se place dans la perspective du samsâra, l'enchaînement des êtres dans un cycle sans fin de naissances et de morts. Rappelons à ce propos que l'on utilise dans le vocabulaire bouddhique les mots de “renaissance” ou de « redevenir », de préférence à celui de réincarnation. Or, si le bouddhisme n'identifie pas, en l'individu, de principe personnel permanent, quel est alors le lien d'une existence à l'autre ? Il faut reconnaître, en toute objectivité, que le sujet fut et reste l'objet de controverses. Globalement, pourtant, le bouddhisme tente de se situer dans un juste milieu entre doctrines éternalistes et nihilistes. Le Bouddha lui-même n'affirme ni ne nie formellement l'existence d'un facteur de continuité, choisissant souvent le silence comme seule réponse lorsqu'il est confronté à cette question délicate.
p. 173
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La Noble Vérité de Dukkha
Le terme pâli de Dukkha est souvent traduit, comme ici, par “souffrance”, mais « insatisfaction » serait une interprétation encore plus proche. Ce qui n'est évidemment pas faux, il s'agit bien de son sens premier. Mais, dans le vocabulaire bouddhique, “dukkha” revêt trois acceptions : la souffrance ordinaire, physique et morale ; la souffrance liée au changement ; et la souffrance liée à l'état conditionné. Si le premier terme est aisé à comprendre, les deux autres le sont moins. L'enseignement bouddhique rappelle que, par nature, tout, dans l'univers que nous côtoyons, est sujet au changement : le temps qui s'écoule nous sépare d'êtres chers, de valeur morale des actes dans la destinée des êtres dans le samsâra, était déjà en vigueur dans certains mouvements religieux contemporains, ou légèrement antérieurs à l'apparition du bouddhisme. Le bouddhisme fait sienne cette idée, en lui apportant sa touche originale : l'accent est mis, en effet, sur le caractère intentionnel que doit revêtir l'acte commis, pour porter des fruits, bons ou mauvais : « C'est la volition que j'appelle karma, dit le Bouddha, ayant voulu, on agit au moyen du corps, de la parole et de l'esprit. »
Toutefois, les textes et les religieux rappellent à l'envi que le “karma” n'a rien d'une fatalité irrémédiable : d'autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer la renaissance, et l'individu, s'il porte le « fardeau » des actes posés dans des existences antérieures, reste libre, dans cette vie, d'agir en toute connaissance de cause. Dans l'agrégat des consciences, enfin, le terme conscience désigne le pur acte d'attention à quelque chose. Sont répertoriées conscience visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile et mentale.
Le composé de ces cinq agrégats que l'on nomme individu est ainsi perpétuellement en transformation, bien que nous puissions avoir l'illusion d'une continuité.
« ... Comme les cinq agrégats naissent, se dégradent et meurent à chaque instant, vous-même naissez, déclinez, mourez à chaque instant. »
Les individus sont semblables aux vagues innombrables à la surface de l'océan : il en est de toutes tailles, de toutes apparences, mais la vague n'est jamais qu'une manifestation transitoire de l'eau...
p. 170-71
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DHARMA
Le terme Dharma est l'un des plus importants du vocabulaire religieux indien en général, bouddhique en particulier.
L'étymologie le rattache à la racine DHR, qui signifie « soutenir, fixer ». Dans son sens général, Dharma désigne l'ensemble des enseignements du Bouddha, mais il désigne aussi la Vérité Ultime, l'Ordre Naturel.
Nous ignorerons sans doute toujours en quoi consista précisément l'enseignement originel — exclusivement oral — du Bouddha. Ce n'est qu'après sa disparition, et de manière progressive, qu'une mise en forme, plus ou moins rationnelle, fut opérée.
Aujourd'hui, le « Sermon de Sârnâth » se voit accorder une place de premier plan parmi les textes canoniques, car on le considère comme exposant la quintessence de la doctrine : les Quatre Nobles Vérités.
Le texte est court, mais très riche.
p. 169
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Les Trois Joyaux du bouddhisme
Au-delà de toutes leurs divergences, qu'il ne faut pas ignorer néanmoins, les multiples traditions bouddhiques se reconnaissent en commun une base fondamentale : les Trois Joyaux : Bouddha, Dharma, Sangha*, c'est-à-dire le Bouddha, l'Enseignement et la Communauté.
BOUDDHA
Le terme même de Bouddha, qui devrait, en toute orthodoxie, s'orthographier Buddha, est un titre, et non un nom propre. Son étymologie le rattache à la racine sanskrite verbale BUDH qui signifie « s'éveiller ». Le Bouddha n'est donc nullement un dieu, mais un Être Éveillé. Le bouddhisme ne se centre d'ailleurs pas sur un dieu suprême, créateur, omnipotent et omniscient. Ceci étant, et contrairement à une assertion fréquente en Occident, le bouddhisme ne rejette pas pour autant le concept de dieu. Disons qu'il le « relativise » : la condition de dieu n'est que l'une des Six Conditions d'existence possibles dans le “samsâra”. Et elle n'en est pas la meilleure, car, dans la perspective bouddhique, la prééminence est donnée à la condition humaine qui, seule, permet un véritable progrès spirituel.
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* Le correspondant, en pâli sera : Buddha, Dhamma, Sangha.
p. 167
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Les derniers mois et le Parinirvâna
« Ô Ânanda, je suis usé, âgé, vieux et chargé d'années. Je suis arrivé à la fin de mes jours. Je suis âgé de quatre-vingts ans. Tout comme, ô Ânanda, un vieux char ne peut continuer à servir qu'à grand renfort de courroies, je perçois que le corps du Tathâgata ne peut marcher qu'à l'aide de soins. » (Mahâparinirvâna Sûtra, trad. Mohan Wijayaratna)
Même si ce chiffre précis donné par le Bouddha lui-même dans plusieurs textes reste sujet à caution, le fait est que le Bouddha vit ses dernières semaines.
p. 153
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Par ailleurs, l'orgueil qui semble être le mobile principal, est perçu comme un « poison » dans la perspective bouddhique.
Un peu plus tard, devant la Communauté assemblée, Devadatta, arguant hypocritement du grand âge et de la fatigue du Bienheureux, l'invite à se retirer et à lui confier la direction du Sangha. Remis en place avec la plus grande fermeté, Devadatta, blessé, quitte les lieux en ruminant son ambition déçue. Çâriputra est chargé de mettre en garde les habitants de la région contre les agissements du mauvais moine.
Devadatta engage alors une œuvre de sape : il s'en prend indirectement au Bouddha, en s'attaquant à celui qui le protège : Bimbisâra.
p. 143
Devadatta va alors commettre l'irréparable.
Le Schisme
Connaissant les penchants de certains moines pour les austérités poussées, il demande au Bouddha de rendre obligatoires cinq règles disciplinaires d'une grande rigueur. Dans son souci constant d'équilibre, le Bouddha refuse, prêtant le flanc à une accusation de laxisme que ne manque pas de lui lancer son adversaire.
p. 144
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Que reproche-t-on à Devadatta ? Fondamentalement, de s'être rendu coupable de schisme. L'un des cinq crimes majeurs pour le bouddhisme. Il y a là, selon toute vraisemblance, une solide base historique. En effet, des siècles plus tard, les pèlerins chinois les plus célèbres, Fa Xian au Ve, Xuan Zang au VIIe siècle, rencontrèrent encore de petites communautés d'ascètes bouddhistes dont les membres se réclamaient de la réforme de Devadatta, et vénéraient les divers Bouddha du passé, à l'exclusion de Çâkyamuni. Mais les zélés biographes du Bouddha ne pouvaient se contenter de ce fait, et, bien vite, chargèrent Devadatta des crimes les plus infâmes et des intentions les plus perfides.
p. 141
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Selon les sources, le Bouddha, inquiet du risque majeur de schisme — il se serait même exclamé avec effroi : « la Communauté est divisée » — intervient avec succès, ramène la paix, et l'incident se conclut par une prédication sur les dangers de la discorde. Mais certaines versions nous présentent le Bienheureux impuissant à rétablir l'ordre, ses religieux — voire les fautifs eux-mêmes — lui conseillant aimablement, mais fermement, de ne pas se mêler davantage de l'affaire. Le Bouddha quitte alors la ville, trouvant le réconfort dans la solitude dont il vantera par la suite les avantages. Solitude qu'il partage en fait un temps avec un digne éléphant, lassé de la promiscuité de sa harde. Dans plusieurs Vinaya, l'intervention des laïcs, qui privent les moines querelleurs de leurs aumônes habituelles, provoque l'envoi auprès du Bienheureux de véritables délégations. Le calme revient, les fautifs reconnaissant enfin leurs erreurs, préalable indispensable à une réconciliation générale.
L'incident correspond-il à une réalité historique ? A. Bareau semble en douter. Il conteste que l'autorité du Bouddha ait pu être mise aussi spectaculairement en échec, et envisage plutôt un report sur l'époque du Bouddha, de problèmes suscités quelque temps après le Parinirvâna, par la nature querelleuse des moines de Kauçâmbî. L'épisode garde cependant son importance : il permet d'insister sur ce que le Bouddha percevait comme un danger majeur pour le Sangha : la discorde et la division.
p. 140
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L'ascète rancunier pousse donc son trop naïf dévot à inviter le Bouddha et ses moines, ayant préparé un piège diabolique pour les précipiter dans une fosse où brûle un feu ardent. Las, les flammes ont tôt fait de se changer en étang, et des fleurs de lotus s'épanouissent dans l'instant pour soutenir les pas du Bienheureux.
Tentatives de meurtre il y eut donc, et il y en aura encore, mais les adversaires du Bouddha s'essayèrent aussi, pour le discréditer, à la calomnie. Ainsi, à deux reprises, ils ont recours aux services de courtisanes. La première, Cificâ, alors que le Bouddha réside au Jetâvana, feint, pendant quelques semaines, de mystérieux rendez-vous, avant de simuler une grossesse qu'elle affiche dans la ville. Puis, publiquement, elle fait éclater le scandale, demandant au Bouddha, devant témoins, d'assumer sa paternité. Réponse : « Si ce que tu viens de dire est vrai ou faux, il n'y a que toi et moi à le savoir. » Conséquence immédiate : mal attachée — ou ses liens rongés par de divines souris — la pièce de bois que la jeune femme dissimulait sous ses vêtements tombe, révélant l'odieuse manœuvre.
p. 135
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Les sources sont unanimes à admettre que le Bouddha disparut à un âge très avancé, que lui-même fixe à quatre-vingts ans, dans certaines relations. Plus de quarante années, donc, s'écoulèrent entre l'Éveil et le Mahâparinirvâna. Et sur ces quarante années, les informations à caractère biographique, nombreuses pourtant, sont très éparses. Plus de narration suivie, sinon dans des ouvrages fort tardifs et dont la fiabilité laisse à désirer. On précise bien, parfois, que tel événement se produisit, que tel sermon fut délivré en telle année après l'Éveil, mais les sources, hélas, se contredisent plus que jamais. De toute manière, en plaçant bout à bout l'ensemble des informations et anecdotes, on ne parviendrait pas à combler l'espace de ces quarante années. Les récits de voyages lointains et merveilleux arrivent donc à point pour combler les vides ; ils répondaient sans doute aux aspirations de dévots, résidents de contrées lointaines, en gratifiant leur pays d'un lieu saint, que la tradition disait visité par le Bouddha en personne.
On ne pouvait, bien sûr, envisager que la vie du Bienheureux ait été, dans la réalité, beaucoup plus courte que ne le laissent entendre les textes. Position aujourd'hui abandonnée, mais qui fut un temps soutenue par certains chercheurs qui croyaient voir l'aveu de cette brièveté dans la désorganisation complète des sources d'information.
Entre ces deux hypothèses extrêmes, il en est une troisième qui semble s'imposer : la simplicité. De quoi était faite la vie quotidienne du Bouddha et de ses moines ? Voyages lents, ponctués de multiples étapes, enseignements, rencontres de laïcs, conversions, voyage à nouveau, retraite imposée par la saison des pluies, une anecdote pittoresque, un miracle de temps à autre... Rien que de très classique, finalement, pour un chef religieux.
p. 132
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Les déplacements du Bouddha
Les pérégrinations du Bouddha qui, rappelons-le, voyageait exclusivement à pied — ou magiquement, par la voie des airs, dans les textes davantage portés sur le merveilleux —, furent relativement limitées, à l'échelle de ce véritable continent qu'est l'Inde.
Né aux confins de l'Himâlaya, dans l'actuel Teraï népalais, il passe l'essentiel de sa vie « publique » postérieure à l'Éveil dans le bassin moyen du Gange. Les points les plus extrêmes de ses voyages auraient été Mathura à l'ouest (voire Taxasila, actuelle Taxila, dans la douzième année après l'Éveil pour certains textes, mais cette éventualité reste douteuse) et, à l'est, le Bengale, où il se serait rendu, tardivement, pour soustraire la fille de l'un de ses bienfaiteurs aux vexations dont elle était victime de la part de sa belle-famille.
Le Bienheureux fréquente donc le pays Çâkya, sa terre d'origine, le royaume de Magadha, qui en est assez éloigné. Il parcourt aussi le territoire des Kosala, des Vatsa, des Kâsi, des Vrijji, des Licchavi pour rendre son dernier soupir chez les Malla.
Mais des traditions, très vivaces aujourd'hui encore, lui attribuent des séjours dans des contrées lointaines — voire mythiques : ce sont là, selon toute vraisemblance, des ajouts tardifs aux motivations variées.
p. 131
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