Citations de Victoire Sentenac (70)
Elle sent ce regard sur elle, et à son tour le fixe en silence. L’expression de Mathieu à ce moment-là est si sincère, intense, qu’elle en a presque le souffle coupé.
Il ne l’avait encore jamais regardée comme cela, sans jouer, sans flirter, simplement dans la vérité de ce qu’il ressent. Elle respire un tout petit peu plus vite.
La vraie valeur d’un chef se voit aussi, et peut-être même surtout, dans ce genre de situations. S’il commence à hésiter, à les faire douter, à leur crier dessus, ils n’y arriveront pas.
Avant d’apprendre que Mathieu était marié, et infidèle, elle éprouvait pour lui une admiration et un respect qui ne faisaient qu’exacerber ses sentiments
Son âge, son expérience, ses compétences professionnelles, son charisme… Il réunissait tout ce qu’elle recherche chez un partenaire amoureux, tout ce qu’elle n’avait encore jamais trouvé.
Et cette attirance physique hors normes, démesurée, qu’elle pressentait, et qui perdure encore malgré sa déception.
Elle souffre, dans sa chair, dans son cœur, de devoir renoncer à lui. Par moments sa douleur est si grande qu’elle envisage même de céder malgré tout, se perdre dans ses bras, quel bonheur…
Elle croise son reflet dans le petit miroir de la salle de
soins, à vrai dire elle a une tête à faire peur. Qu’est-ce qui lui a pris, aussi, d’accepter ce remplacement de jour alors qu’elle fait un mois de nuit complet ? Comme si elle n’avait pas assez de soucis comme ça.
Au fond d’elle-même, un reste d’honnêteté l’oblige à reconnaître
Ça fait longtemps qu’il n’a pas eu à lutter pour obtenir ce qu’il désirait. Et dieu sait qu’il la désire…
Sentir sa colère le contrarie bien sûr, mais il ressent aussi qu’elle est de taille à se mesurer à lui. Ils sont faits du même bois, celui des conquérants, durs à cuire, dominants.
Tu sais, ce n’est pas parce qu’on est grand qu’on ne pleure plus. On est parfois triste, ou fatigué, et alors ça fait du bien de pleurer un peu. Ta maman t’aime fort Gabin.
Sa jeunesse est derrière elle, sa beauté aussi, pense-t-elle tristement. Elle se sent dans une sorte de renoncement global de sa féminité, une mise en jachère de terres infertiles. Elle n’a plus envie d’être coquette, jolie, à quoi bon de toute manière ?
Cette fille a vraiment le don de dédramatiser n’importe quelle situation ! Quel bonheur d’être sur son roulement, que de bonnes nuits en perspective ce mois-ci !
Clémence aime la compagnie des personnes un peu plus âgées qu’elles, elle se nourrit de leur expérience et se sent toujours plus apaisée qu’avec ceux de son âge. Elle baisse la garde, comme s’il n’y avait pas de concurrence possible et qu’ainsi elle pouvait réellement être elle-même.
Elle est si jolie, délicate comme une poupée de porcelaine. Il a envie de la préserver, mais il doit tout de même finir par évoquer les problèmes de Gabin, son instabilité, son impulsivité.
Julia comprend les émotions de sa jeune collègue, Mathieu est un homme fascinant. Sa personnalité solaire, atypique, son parcours professionnel parfait, ses compétences, son physique aussi, il faut bien le reconnaître, tout peut être attirant chez lui.
Elle a réveillé ses instincts les plus bas, ceux qui font de lui un animal, une bête. Et puis surtout, il ne l’a pas choisie. Il a l’impression désagréable d’avoir été à son tour une proie, un objet sexuel
L’espace d’un instant, il pense que certaines femmes ressentent peut-être la même chose quand il les traque, et puis non, il chasse cette idée.
Non, tout de même, ce n’est pas pareil. Il y met du sens, de la galanterie. Il faut une étincelle réciproque, une attirance, un début d’histoire. Un zeste de romanesque et beaucoup de sensualité. Avant le sexe, bien sûr.
Tant que tout le monde est adulte et consentant, il ne voit pas le problème. D’autant qu’il prend toujours les plus grandes précautions pour que sa femme n’apprenne jamais ses égarements, elle est tellement douce, délicate, elle se sentirait si heurtée par ses comportement
On ne peut donc pas dire qu’il se conduit en égoïste, au contraire même, il la préserve.
Cette alchimie puissante, cette attirance… Ça ne peut pas être que physique, il y a forcément autre chose. Qu’est-ce que cette Sarah a de plus qu’elle, avec ses gros seins et sa bouche vulgaire ?
Et sa femme ? Il est marié ! Il a deux enfants. Et c’est un coureur de jupons. Fin de l’équation.
Mais ce qu’elle prenait pour une attente délicieuse avant la rencontre de leurs désirs n'était pour lui qu'une chasse, la traque d'un gibier. Non, elle rejette cette idée, pas Mathieu. Pas ce médecin brillant, mature, si bel homme oui, mais elle n’avait pas l’impression qu’il en jouait tant que ça, de son charme, justement. Elle pensait que ce n’était que pour elle, les apartés, les confidences, les regards en coin, les baisers volés…
Il serait temps pour Clémence de se fixer, de construire, elle le sait. Mais elle freine de tout son possible la course du temps, elle veut encore profiter de sa jeunesse, de son corps magnifique, de ce désir permanent qu’elle lit dans le regard des hommes, qui la réchauffe et la rassure. Elle veut aimer et être aimée, elle veut être l’unique.
Déformer son corps pour avoir un gamin, hors de question pour elle. Elle adore les enfants pourtant, ce relationnel si particulier qu’elle a avec eux, leur humour, leur légèreté et la grâce de l’innocence qui nimbe leurs traits.
Mais en porter un, voir son ventre plat et musclé s’étirer à l’infini, la jolie courbe de ses seins s’affaisser inexorablement sous le poids du lait, répondre nuit et jour aux exigences de ces petits êtres braillards, oublier la séduction, la féminité… Impossible.
Séductrice dans l’âme, mais tellement attachante aussi ! Julia perçoit une grande fragilité chez elle, malgré son assurance, et cela lui plaît. Comme elle le dit souvent, les brèches laissent entrer la lumière, pour qui sait les percevoir. Elle est sûre que le regard turquoise de la jolie Clémence camoufle le reflet de ses incertitudes.
Tous ces petits riens qui font tout, qui donnent de l’espoir, qui amènent un peu de joie, un tout petit peu certes, mais parfois ils n’ont que ce peu-là dans leur journée, les enfants et leurs parents, ces fragments de délicatesse qui les fait se sentir importants, reconnus, compris. Qu’ils ne sont pas une miette, une goutte d’eau perdue dans la mer de l’hôpital, qu’ils ne sont pas en train de sombrer dans une tempête sans nom et sans visage.
Ne pas perdre le sens du soin, l’âme de son métier, sa colonne vertébrale. Si un cœur n’est qu’un organe, un patient un syndrome, et un plateau repas un numéro de chambre, alors oui, ils auront gagné. Ces ombres menaçantes dont on parle sans les voir, les décideurs, les financeurs, tout ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans le couloir d’un service, ni serré la main d’un malade, encore moins croisé son regard, partagé sa détresse.
Julia représente son idéal féminin, à la fois jolie, douce et rassurante. Maternelle. Toutes ces petites décisions insupportables du quotidien, comme il aime qu’elle prenne tout cela en charge ! Qu’elle s’occupe de lui, lui rappelle ses rendez-vous chez le médecin, ses copies à corriger. Qu’elle lui prépare son repas avant de partir travailler, décide de leurs prochaines vacances, de la couleur de leur canapé, de la marque de ses caleçons.