Citations de Virginie DeChamplain (65)
Rester calme. Comme toujours. Ma plus grande qualité. Mon plus grand défaut. Rester calme. En tout temps, rester calme. Respirer de partout. Pour les autres, pour tout le monde. En photosynthèse, presque. Un sapin du Grand Nord. Des fois j’aimerais qu’il y ait quelqu’un d’autre qui respire pour moi.
je cherche les cerisiers
un goût de grands espaces dans le fond de la bouche
comme un mal de cœur qui passe pas
comment on fait pour s’évader
quand on est déjà à l’autre bout du monde
Ça va r’venir, inquiète-toi pas.Vivre c’est comme le vélo. Ça revient toujours.
Mon nom. plus personne ne s'en souvient. Mon nom n'existe plus. Je suis maman maintenant. Maman! maman la guérisseuse, la cuisinière, la couveuse, maman la disciplinaire, la couturière, la maîtresse. Maman qui attend. qui attend que sa vie passe, ,qui la regarde passer. ...
j'attends que vous soyez tous au lit pour sortir dans la nuit, ouvrir grand les bras dans la tempête et hurler mon nom dans le vent. Claire, mon nom est Claire.
En espérant qu’aucun de vous ne se mettrait à hurler mon nom. Mais non, mon nom n’existe plus. Plus personne ne s’en souvient. Je suis maman maintenant. Maman ! Maman la guérisseuse, la cuisinière, la couveuse, maman la disciplinaire, la couturière, la maîtresse. Maman qui attend. Qui attend que sa vie passe, qui la regarde passer.
Je me lève et j'erre dans la maison aux fenêtres ouvertes, la maison où tous les pas raisonnent. J'aimerais que la vie passe plus vite. Que le monde s'effrite, que le monde finisse par finir de tourner, que la Terre éclate et qu'il reste plus que moi, ensevelie sous la charpente en miettes. Qu'il reste que moi avec plus personne à aimer. Plus personne à laisser partir.
- J’suis brisée, Marie. J’ai envie de courir mais je sais pu comment, de sacrer des coups de poing dans des murs mais je sais pu comment, de crier mais je sais pu comment. Quand je crois que ça va mieux, ça recommence à aller mal. Y’a toujours quelque chose qui se brise plus creux ou qui me pousse à m’enfuir.
(La Peuplade, p.140)
J'attends qu'il fasse noir pour qu'on se voie moins un peu. J'attends qu'il fasse noir et je défais ses bretelles . Détricote son chandail. Détricote ses cheveux attachés sur sa nuque, les laisse glisser sur mes joues. La laisse glisser sur mes joues. Les mains enfiévrées les doigts araignées d'eau. J''échappe ses taches de rousseur sur le plancher.Ses dents accrochées dans les recoins sensibles de mon cou.
Des fois j’aimerais ça me rappeler des choses que je me rappelle pas. Comme ma naissance. La première chose que j’ai vue. La première chose qui m’a fait rire. Qui m’a fait pleurer pour vrai. La première fois que j’ai eu mal. J’aimerais aussi avoir pris une photo mentale de moi pendant des moments importants pour pouvoir me les rappeler quand je vais être vieille. Je prends pas la peine de me souvenir de moi. De quoi j’avais l’air en dedans quand je suis tombée en amour. À quel âge j’ai eu peur de mourir pour la première fois. Et toutes les autres. Les fois où je me suis perdue, les fois où je suis partie, celles où j’aurais voulu rester.
Les murs sont tombés
je suis vaste et triste et pleine et dans les quelques heures du jour le monde me glisse dessus
comme une pluie
comme un soleil
et je suis vaste et pleine
Ses cheveux comme un automne qui brûle. Son visage de renard. Un peu farouche, comme mal apprivoisée. On aurait dit que son corps était balayé par le vent. Une tempête au milieu du bar. On aurait dit qu’elle dansait même si elle était juste là, debout devant moi. J’aurais mis cent piasses que sa peau goûtait le feu de camp.
Port-au Prince en décembre
Mes vingt ans dans un bar sous l'averse
personne pour me parler du temps
celui qu'il fait ou celui qui passe
lourde et légère à la fois
Tu viens de partir de la maison.
Tu ne retourneras pas à l'école cet automne.
Tu t'es acheté un billet simple pour l'Europe avec les économies que tu as faites en travaillant au bar du village.
Tu ne me reviendras pas.
Tes frères ne tarderont pas .Vous finirez tous par partir, pour trouver un autre bout du monde où le temps avance dans la bonne direction.
J'ai peur pour toi, un peu. J'ai peur que le monde ne soit pas prêt pour toi. Je t'ai regardée partir et j'ai su à l'instant où tu mettais le pied sur la marche de l'autobus que tu n'arrêterais pas. Que tu avais un souffle dans la poitrine qui avait besoin d être assouvi. Un besoin de mouvement qui te grugeait depuis toujours. Peut-être l'as tu découvert à ce moment-là toi aussi.
Vivre c’est comme le vélo. Ça revient toujours.
J’ai passé l’après-midi penchée au-dessus de ton berceau. Je ne sais pas comment te prendre. Tu es si petite et grouillante. Pleine de mouvements que je ne connais pas. Je ne te connais pas. Ta peau est lisse et fragile et je ne veux pas mettre mon visage dans ton cou de nouveau-née, de peur de ne plus jamais en revenir.
Esti que c'est loin. Je l'ai au plus profond, la Gaspésie. Du cul ou du cœur, c'est difficile à dire.
J’aimerais que la vie passe plus vite. Que le ciel s’effrite, que le monde finisse par finir de tourner, que la Terre éclate et qu’il reste plus que moi, ensevelie sous la charpente en miettes. Qu’il reste que moi avec plus personne à aimer. Plus personne à laisser partir.
J’ai l’automne à l’envers. En dedans au lieu d’en dehors. Humide, tiède dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.
Les femmes de ma vie. On se succède sans se voir, comme des ombres qui courent devant les miroirs, sacrent des coups de poing dedans et continuent leur route pour voir le monde.
Valeureuse descendante de ces femmes-fleuves, j’ai des souvenirs qui m’appartiennent pas.