Citations de Vladimir Fédorovski (344)
A gauche, à droite et derrière la maison, se dressaient les montagnes. Et, au-dessus d'elles, un ciel toujours sans nuages.
Contigu au mur du jardin s'étendait un antique cimetière tartare, toujours vert, silencieux et désert, avec les pierres moussues de ses tombes abandonnées. les oiseaux pépiaient dans les branches des vieux acacias. Tchekov aimait à les écouter, tôt le matin, quand tout dormait encore et qu'assis près de la fenêtre de son bureau, il voyait les jardins en pente descendre vers la mer, et la mer elle-même, cernée par des maisons blanches s'étendant en gradins.
Il contemplait le paysage de son jardin et n'y trouvait que prétexte à mélancolie.
Cet homme qui avait soigné, écrit l'un des plus poignants témoignages du bagne de l'île de Sakhaline, qui s'était toujours partagé entre les dispensaires et le foyer des théâtres, était désormais réduit à l'inaction et circonscrit à Yalta, ou aux sanatoriums.
Plus les jours et les lettres passaient, plus elle l'aimait. Son amour devenait plus profond, plus dense et plus doux, plus absolu. elle comprit qu'il avait gagné en splendeur ce qu'il avait perdu en fièvre.
Pour la première fois, il n'était plus "seul devant les glaciers muets de la vieillesse".
Pour la première fois, le soleil luisait sur la mer, les fleurs embaumaient, le pain et le vin avaient pour Tchekov la saveur d'autrefois, le goût oublié de ses vingt ans.
Une brise légère apportait une odeur de pin, mêlée à d'autres indéfinissables senteurs.
Ils surent à partir de ce voyage qu'ils étaient amoureux, et qu'ils avaient envie de se le dire et de le vivre dans les bras l'un de l'autre.
Et l'amour? Anton Tchekov ne semblait pas lui accorder une grande importance. Il voletait d'une fleur à l'autre, sans intention de se poser ni de fonder une famille.
La Russie de ces années 1890 était le théâtre de famines terribles et le choléra y sévissait.
C'est ainsi qu'il partit pour l'île de Sakhaline, en Sibérie, pour aller soigner, étudier et faire un reportage sur ces hommes et ces femmes envoyés dans l'enfer du froid et de l'oubli. La relation de ce voyage qu'il désigne comme "un véritable enfer" parut en 1893. Il décrivait les mauvais traitements infligés aux détenus, mais aussi la famine, la prostitution enfantine, la corruption des geôliers et du personnel de l'administration pénitentiaire, et ce texte lui valut la gloire et réveilla les consciences, tant ce qu'il y racontait était atroce.
Il était convaincu que c'était de justice que les Russes avaient le plus besoin, et qu'il pouvait contribuer à son avènement en soignant, et en écrivant.
Le sort du peuple le préoccupait, même s'il n'adhéra jamais à aucun mouvement politique.
Avec l'humour désenchanté qui marquera son oeuvre, sa correspondance et tout son regard sur la vie, Anton Tchekov évoque laconiquement sa jeunesse : "Dans mon enfance je n'ai pas eu d'enfance."
L'automne russe exhalait à la hâte ses derniers parfums.
Les voix des chaumières et les grincements des portails montaient du village dans le crépuscule mauve et doux. Quelques aboiements de chiens conféraient à cette heure un sentiment délicieux de sécurité.
La jeune fille emportée annonçait déjà la jeune femme jalouse, exigeante, et la mère de famille passionnée et autoritaire qui cherchera à régner sur son entourage.
Les Russes disent qu'un homme non marié reste un enfant jusqu'à son dernier jour.
Ecrire pour lutter contre la chair lui permit néanmoins d'éprouver le plaisir de cet exercice, et les facilités qu'il avait pour lui. Sa vocation d'écrivain, comme la graine du rosier sauvage, perçait entre les pierres et commençait d'éclore.