L'Alaska n'est plus à mes yeux une immensité de forêts et de cours d'eau : chaque méandre est unique et chaque maison renferme des existences singulières. Ici se cache la vraie beauté.
Le fleuve est d'huile. Il est une peinture complexe, à l'esthétique brune. Sous son uniformité apparente se dissimule une palette de contrastes qui se dévoile au fil de ma progression.
Le crépuscule dessine dans l'horizon les sombres contours acérés des sommets. Grâce à l'obscurité, la lune se dévoile pour la première fois depuis mon arrivée en Alaska.
Un arc-en-ciel perce les nuages et prend appui sur les deux cours d'eau. Je laisse la Tanana me porter lentement, imprimant à jamais son ultime murmure dans mon esprit...
J'éprouve le grand paradoxe du voyageur, celui qui me donne l'impression d'être parti hier mais d'avoir été depuis toujours sur l'eau, celui qui me rend heureux d'être là autant que nostalgique de ma vie d'avant.
Le temps imprime lentement mais sûrement son sceau sur ma peau, attestant de mon long cheminement dans ce monde sauvage qui sculpte les corps et endurcit les âmes.
Au vent flottent, accrochés à un piquet de bois, les drapeaux des Etats-Unis et de l'Alaska, qui symbolise la Grande Ourse en étoiles d'or sur fond bleu marine.
L'aventure doit-elle vraiment chercher une légitimité dans un florilège de raisons qu'on estimera valables et s'alourdir du fardeau des justifications?
Les arbres de la taïga sont liés par un destin commun. Qu'ils soient bouleaux, sapins ou mélèzes, leur écorce sèche et leurs troncs gorgés de sève finiront leur vie à l'état de poussière.