Citations de Wahiba Khiari (11)
La douleur est un cri du corps à l'esprit pour qu'il le protège. Mais quand le corps crie, il est souvent trop tard.
« Alors je suis partie, un peu comme on se lance sur une feuille blanche, avec en tête juste un mot qui inspire et l’espoir profond d’une lointaine écriture .J’ai quitté mon pays parce qu’il ne m’était plus supportable ni même possible d’y vivre.
Un jour, lors d'un cours de "listening" j'ai voulu expliquer à mes élèves le sens de la chanson de John Lennon Imagine. L'idée que le paradis, l'enfer, ou la religion puisse ne pas exister les choquait. Ils avaient peur de ces mots perçus comme autant de blasphèmes. Je les ai amenés à "imaginer", juste "imaginer" un monde sans haine, sans violence, plus besoin de punitions ni de récompenses, pas de lois ni de règles. Je leur ai expliqué qu'on avait le droit de rêver et surtout le droit de l'exprimer avec des mots. Que s'ils parvenaient à penser le monde selon Lennon, ils comprendraient mieux le sens profond de l'islam, et des autres religions; le paradis, c'est un peu ça aussi.
Wahiba, je n'ai pas connu la decennie noire. Je n'ai même jamais été victime de violence tribale ou politique. En dehors de quelques cas de harcèlement de rue et de propos et attitudes raciste, j'ai toujours évolué dans un environnement plutôt sécuritaire. Mais je ressens la douleur de mes soeurs violées. Je ressens la tristesse de ces enfants arrachés à l'enfance et à la joie, la raideur des lèvres qui ne savent plus sourire, le silence assourdissant d'une mémoire pleine d'horreurs. Ce livre, c'est tout ça. Quelle tristesse! Mais aussi quelle beauté! La façon dont vous jouez avec les mots, dont vous les manipulez pour nous faire sentir la profondeur de vos vécus est brillante. Merci de raconter cette histoire dans laquelle je peux me reconnaitre. Merci aussi et surtout de l'avoir fait de cette manière. Je vous tire mon chapeau!
Mon accouchement, je l’ai vécu comme un viol de l’intérieur. L’enfant des violeurs m’a déchirée à son tour, il m’a forcée à le mettre au monde. J’ai crié ma rage dès l’instant où je l’ai senti venir. Il a pris son temps, toute une nuit à me tordre de douleur. Je me serais bien ouvert le ventre au couteau si j’avais eu à choisir.
«Je veux faire se rencontrer des mots qui ne se rencontrent jamais. La poésie, c'est quand deux mots se rencontrent pour la première fois.»
Je suis née à retardement, une alerte à la bombe, une grenade dégoupillée par la nature, une déflagration annoncée, un danger. Je suis née quelque part où il me fut bon vivre, jusqu’au jour où je réalisai qu’autour de moi, rester en vie était devenu un projet de société, le régime en vigueur.
« Pardonner? Refouler mes souffrances, taire mes douleurs, torturer ma mémoire. M’auto-mutiler pour effacer l’horreur de ma tête. Me résigner, accepter, me soumettre, me suicider quoi! ».
Dans cette salle, nombreuses sont celles qui, comme moi, sont rentrées du maquis enceintes, toutes attendent qu’on vienne les libérer du poids de la vie qu’elles n’ont pas choisi de porter.
"S’il avait été l’enfant de l’amour, j’aurais paniqué à la vue de
ces coulées de sang le long de mes cuisses. Seulement voilà, il n’est
l’enfant de rien du tout, lui. Il est une erreur de la nature, le
résultat de l’union d’un cadavre avec ses charognards. Il a été
conçu dans la douleur la plus atroce, il ne peut pas s’en sortir
indemne. Il ne peut naître que difforme ou laid, il lui manquera
sûrement un membre. Il ferait mieux de finir là, avant de
commencer."