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Citations de William Finnegan (50)


Le surf a toujours eu pour horizon cette ligne tracée par la peur, qui le rend différent de tant de choses et, en tous cas, de tous les autres sports de ma connaissance. On peut sans doute le pratiquer avec des amis, mais, quand les vagues se font trop grosses ou qu’on a des ennuis, on ne trouve plus personne.

Page 34, Points, 2018.
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Les vagues sont le terrain de jeu. Le but ultime. L’objet de vos désirs et de votre plus profonde vénération. En même temps, elles sont votre adversaire, votre Némésis, voire votre plus mortel ennemi.

Page 34, Points, 2018.
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Se trouver au milieu de grosses vagues a un coté onirique. Terreur et extase rodent toutes deux ensemble, menaçant de submerger le rêveur. Une splendeur surnaturelle émane de la vaste arène d'eau mouvante, de ciel, d'une violence latente et explosions bien trop réelles. Ces scènes qui s'offrent à vous semblent déjà mythiques alors même qu'elles se déploient. Je suis toujours la proie d'une ambivalence féroce: j'aimerais être n'importe où ailleurs à cet instant et, en même temps, je n'aspire qu'à être ici. Les grosses vagues ("grosses" est un terme relatif, celles dont j'estime qu'elles mettent ma vie en danger, sachant que le quidam d'à coté les trouvera peut être parfaitement surfables) sont un champ de forces qui vous fait vous sentir tout petit, et auquel on ne survit qu'en décryptant soigneusement et distinctement celles qui l'agitent. Mais l'extase que procure les grosses vagues que l'on surfe, exige aussi qu'on mette de coté la terreur, la peur d'être submergé: le filament qui sépare ces deux états d'esprit devient soudain ténu, diaphane. La chance pure pèse lourdement, cruellement, dans la balance. Quand ça tourne mal, ce qui arrive inéluctablement, l'adresse, la vigueur et la jugeote paraissent inutiles. Nul ne saurait conserver sa dignité lorsqu'il se fait retourner par une grosse vague. On ne peut espérer maitriser qu'une seule chose: sa panique.
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"Non, je veux juste refaire Madère" (…)
Je disposais en fait de très bons arguments en faveur de cet éternel retour. Dont l'exceptionnelle qualité des vagues et leur aspect singulièrement effrayant, totalement différent de toutes celles que nous avions surfées l'un et l'autre jusque là. Et ce n'est pas comme si elles étaient désormais faciles à surfer, comme si nous avions surmonté les nombreux défis qu'elles présentaient. Loin de là. En plus, Madère commençait à acquérir une grande célébrité dans le monde du surf. Elle était un peu plus envahie chaque année. Elle serait donc bientôt frelatée, surpeuplée, à l'instar de Bali et de dizaines de Mecques du surf. On parlait déjà d'organiser à Jardim des concours de grosses vagues sponsorisés par des multinationales, avec un gros prix à la clé. Je voyais tous ces signes, j'entendais tous ces bruits de couloir avec une terreur grandissante. C'était maintenant qu'il fallait la surfer, avant qu'elle ne devienne un enfer.
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Dans l'ancienne Hawaï, avant l'arrivée des Européens, le surf avait un caractère religieux. Après les prières et les offrandes, les maîtres artisans confectionnaient des planches dans le bois d'arbres sacrés, koas ou wiliwilis. Les prêtres bénissaient la houle, cinglaient l'eau de lianes pour la faire lever, et sur la plage de certains breaks se dressait un heiau (un temple) où les dévots pouvaient aller prier pour appeler quelques belles vagues. Cette conscience spirituelle n'excluait pas, apparemment, une rude compétition, ni même tout un système de paris. Selon les historiens Peter Westwick et Peter Neushul, « un concours entre des champions de Maui et d'Oahu comportait un prix de quatre cents cochons et de seize canoës de guerre ». Hommes et femmes, jeunes et vieux, rois et roturiers, tous surfaient. Quand les vagues étaient bonnes, « toute idée de travail s'évanouissait, ne restait que celle du sport », écrivait Kepelino Keauokalani, un universitaire du XIXe siècle. La journée entière était consacrée au surf. Nombreux étaient ceux qui sortaient en mer des quatre heure du matin. En d'autres termes, les anciens Hawaïens souffraient d'une fièvre du surf carabinée. Ils avaient aussi beaucoup de loisirs. Les îles bénéficiaient d'un gros surplus de vivres; leurs habitants n'étaient pas seulement d'habiles pêcheurs, chasseurs et cultivateurs de terrasses, mais ils construisaient aussi et géraient des systèmes sophistiqués de bassins de poissons. Leur festival hivernal des moissons durait trois mois, durant lesquels la pratique du surf triomphait fréquemment et où le travail était officiellement interdit.

Ce n’était sans doute pas le mode de vie que les missionnaires calvinistes avaient en tête pour les insulaires. Ils commencèrent d’arriver en 1820. Hiram Bingham, qui menait leur première mission et se retrouva au beau milieu d’une foule de surfeurs avant même de débarquer, écrivait que « la dissolution, l’avilissement et la barbarie manifestes qui régnaient au sein de ces sauvages bavards et presque nus, dont ni les pieds ni les mains, ni la majeure partie de la peau basanée et brûlée par le soleil n’étaient couverts, étaient effroyables. Certains d’entre nous se sont détournés de ce spectacle en pleurant à chaudes larmes. » Vingt ans plus tard, Bingham ajoutait : « Le déclin et l’arrêt définitif du surf, à mesure que la civilisation se répand, peut s’expliquer par les progrès de la pudeur, de l’industrie et de la religion ». S’agissant du déclin du surf, il ne se trompait pas. La culture hawaïenne avait été détruite et la population décimée par les maladies infectieuses venues d’Europe : entre 1778 et 1893, la population d’Hawaï, estimée au départ à huit cent mille âmes, s’était réduite à quarante mille. Et vers la fin du dix neuvième siècle, le surf avait entièrement disparu.
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Le nouvel idéal émergeant était la solitude, la pureté, la perfection des vagues, loin de la civilisation.(…) C’était une piste qui nous éloignait de la citoyenneté au sens archaïque du terme, pour nous conduire vers une frontière à demi effacée où nous pourrions vivre comme des barbares de la fin des temps.
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A l'instar des roses ou des diamants, les vagues sont des objets immuables de la nature.
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L'enchantement me porterait là où il voudrait.
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On ne peut que haïr la façon dont le monde tourne.
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La vague avait un millier d'humeurs différentes, mais , en général, plus elle était grosse, plus elle s'améliorai. Aux alentours d'un mètre quatre-vingts, c'était sans doute la meilleure que nous eussions connue. Plus haute encore, sa vélocité apportait à la régularité mécanique de la lame un supplément d'âme; ses profondeurs rugissantes, scintillantes, et son plafond voûté prenaient l'aspect d'un miracle sans fin, les entrelacs de la surface et les puissantes nervures du mur s'ornaient de détails délicats, désormais apparents, qui lui insufflaient une richesse exceptionnelle.
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Presque tout ce qui se passe dans l'eau est indicible - tout langage est inadapté.
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La vague avait un millier d'humeurs differentes, mais, en règle générale, plus elle était grosse, plus elle s'améliorait. Aux alentours d'un mètre quatre-vingts, c'était sans doute la meilleure que nous eussions jamais connue. Plus haute encore, sa vélocité apportait à la régularité mécanique de la lame un supplément d'âme ; ses profondeurs rugissantes, scintillantes, et son plafond voûté prenaient l'aspect d'un miracle sans fin, les entrelacs de la surface et les puissantes nervures du mur s'ornaient de détails délicats, désormais apparents, qui lui insufflaient une richesse exceptionnelle.
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Je sentais que les frontières du possible semblaient doucement et par saccades reculer.
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Bref, j'étais devenu un païen à la peau brûlée par le soleil. Et je me sentais comme initié aux mystères de l'existence.
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Appelons ça l'hiver sans fin. L'été fait partie de l'imaginaire populaire du surf. Comme une bonne part de cette imagerie, c'est faux. La majorité des surfeurs, partout dans le monde, au nord et au sud de l'équateur, ne vit que pour l'hiver. C'est à cette saison que se déchaînent les plus grosses tempêtes, d'ordinaire aux latitudes les plus élevées. Il y a bien sûr des exceptions comme Waikiki et Malibu, elles aussi iconiques, mais, pour les surfeurs, l'été est le plus souvent la saison du marasme. Les cyclones estivaux du nord-est de l'Australie étaient une autre exception, qui m'intéressait depuis longtemps. Mais quand j'ai quitté Los Angeles au début du printemps 1978, avec ma planche, une tente et une pile de cartes nautiques, mille fois étudiées, des atolls polynésiens, c'était l'hiver que je traquais.
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Quand j’ai emménagé à San Francisco, j’avais réussi à m’abstenir de surfer pendant deux années au moins.
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Tous les surfeurs sont des océanographes. Et, partout où les vagues viennent se casser, tous se livrent à des recherches approfondies de l"océan. On n'a pas besoin de leur expliquer que, quand une vague se casse, c'est l'eau elle-même qui se scinde en particules plutôt que la forme vagues qui continue d'avancer. Ils s'emploient à établir d'autres relations ésotériques, telles que ce lien entre la marée et l'homogénéité de la vague, entre la direction de la houle et la bathymetrie près du rivage. La science des surfeurs n'est pas une science pure, bien évidemment, mais elle est amplement appliquée. Son propos est de comprendre ce que font les vagues afin de pouvoir les prendre, Et, surtout, ce que vraissemblabement elles feront ensuite. Mais les vagues dansent sur une musique d'une infinie complexité. Pour un observateur qui attend dans le lineup et cherche à déchiffrer la structure d'une houle, l'énoncé du problème peut véritablement prendre une forme musicale ces vagues n'approchent elles pas sur un tempo de 13/8, à raison de sept séries par heure, et la troisième de chaque série n'oscille t elle pas largement selon une sorte de crescendo dissonant ? Ou bien : cette houle ne serait elle pas un solo de jaez de Dieu lui-même, dont l'architecture dépasserait tout entendement?
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La musique des mots - ce qu'il avait appelé une fois "l'incroyable et trépidant bonheur d'une phrase bien tournée" -, continuait d'enchanter Bryan. Il adorait les dialogues bien rendus, pris sur le vif, l'humour vernaculaire un peu fêlé, la vivacité truculente, les métaphores saisissantes, et il n'y avait rien au monde qu'il detestât davantage qu'une expression toute faite.
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Voici comment se forment les vagues qu'on peut surfer. Une tempête bat la surface au large, hachurant la mer et créant des vaguelettes désorganisées qui grossissent peu à peu et finissent, pour peu qu'il y ait assez de vent, par s'amalgamer et former une mer démontée. Ce que nous guettons sur les lointains littoraux, c'est que l'énergie que libèrent ces orages se répande dans les eaux plus calmes sous la forme de trains de vagues - des séries de plus en plus organisées qui se déplacent ensemble. Chaque vague est une colonne d'énergie mise en orbite, dont la plus grande partie reste sous-marine. Tous les trains de vagues causés par une tempête constituent ce que les surfeurs appellent une "houle". Celle-ci peut traverser des milliers de kilomètres. Plus un orage est puissant, plus elle ira loin. En voyageant, elle s'organise davantage- la distance entre deux trains de vagues (l'intervalle) augmente. Un train de vagues à long intervalle signifie que l'énergie de chaque vague peut s'étendre à plus de trois cents mètres sous la surface de l'océan. Un tel train triomphera aisément de la résistance de la surface, comme par exemple, des vaguelettes ou d'autres houles moins fortes et moins profondes qu'il croisera ou rattrapera. Quand les vagues d'une houle approchent le rivage, leur extrémité inférieure commence à labourer le fond. Les trains de vagues deviennent alors des séries- des groupes de vagues plus grandes que leurs cousines , générées localement, et aux intervalles plus larges. Ces séries reflètent la forme du fond de l'océan et se déforment en fonction de son irrégularité. Leur partie visible grandit, tandis que l'énergie qu'elles contiennent est repoussée au-dessus de la surface. La résistance offerte par le fond croit à mesure que la vague devient moins profonde et ralentit la progression de sa partie immergée. La partie émergée de la vague devient à ce point plus escarpée. Elle finit par être instable et se prépare à basculer en avant- à "casser". La règle empirique est celle-ci : elle se cassera quand sa hauteur aura atteint 80% de la profondeur de l'eau - une vague de de deux mètres cinquante se cassera dans trois mètres d'eau. Mais de nombreux facteurs, parfois d'une subtilité infinie- vent, contours du fonds, houle, courants- , vont déterminer exactement l'endroit où chaque vague se cassera et de quelle façon.
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Dans l'ancienne Hawaï, avant l'arrivée des Européens, le surf avait un caractère religieux. Après les prières et les offrandes, les maîtres artisans confectionnaient des planches dans le bois d'arbres sacrés, koas ou wiliwilis. Les prêtres benissaient la houle, cinglaient l'eau de lianes pour la faire lever, et sur la plage de certains breaks se dressait un heiau (un temple) où les dévots pouvaient aller prier pour appeler quelques belles vagues. Cette conscience spirituelle n'excluait pas, apparemment, une rude compétition, ni même tout un système de paris. Selon les historiens Peter Westwick et Peter Neushul, "un concours entre des champions de Maui et d'Oahu comportait un prix de quatre cents cochons et de seize canoës de guerre". Hommes et femmes, jeunes et vieux, rois et roturiers, tous surfaient. Quand les vagues étaient bonnes, "toute idée de travail s'évanouissait, ne restait que celle du sport", écrivait Kepelino Keauokalani, un universitaire du XIXe siècle. La journée entière était Honda rer au surf. Nombreux étaient ceux qui sortaient en mer des quatre heure du matin. En d'autres termes, les anciens Hawaïens souffraient d'une fièvre du surf carabinée. Ils avaient aussi beaucoup de loisirs. Les îles bénéficiaient d'un gros surplus de vivres; leurs habitants n'étaient pas seulement d'habiles pêcheurs, chasseurs et cultivateurs de terrasses, mais ils construisaient aussi et géraient des systèmes sophistiqués de bassins de poissons. Leur festival hivernal des moissons durait trois mois, durant lesquels la pratique du surf triomphait fréquemment et où le travail était officiellement interdit.
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