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Citations de Yachar Kemal (116)


- Si on sépare des amoureux, crois-tu qu'on puisse être heureux soi-même, Ali? Sache-le, celui qui détruit un nid voit son propre nid détruit!
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Mèmed était dans un état d'excitation extrême. Il n'arrivait pas à dormir. Il était envahi de pensées. Les idées se ruaient dans sa tête. Il réfléchissait désormais. Le monde avait grandi dans sa tête. Il réfléchissait à la grandeur du monde. Le village de Degirmenoluk n'était plus à ses yeux qu'un tout petit point. Le tout-puissant Abdi Agha n'était plus qu'une fourmi. Au fond, c'était peut-être la première fois qu'il réfléchissait vraiment. Il réfléchissait avec amour, avec ferveur. Il réfléchissait pour la première fois, au-dessus de ses moyens. Il commençait à haïr. Il se sentait mûrir. Il prenait conscience de sa personne. «Abdi Agha est un homme, nous en sommes aussi», se dit-il en se retournant dans le lit...
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- Quand ils vieillissent, les gens deviennent mesquins...
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La terre de l'Anavarza, ce n'est pas de la terre, c'est de l'or. Seul Ali Safa Bey le sait, seul Ali Safa Bey ressent jusqu'au fond du coeur la saveur de cette terre. Chacun de nous connait plus ou moins l'amour, chacun de nous nourrit une passion. La passion d'Ali Safa est folle, incurable, la pire de toutes. La passion d'Ali Safa, c'est la terre noire, féconde de l'Anavarza. À chaque aurore, plantant solidement ses pieds sur cette terre noire, tremblant de volupté, Ali Safa observe la plaine de l'Anavarza, au moment où s'éveille l'univers. Ce réveil, [...] ces insectes aux carapaces dures, multicolores, ces abeilles, ces oiseaux, ces gazelles, ces fleurs géantes, ces moissons jaillissantes, ces rizières repues débordant de verts, ces papillons, ces eaux, ces marais, ces sources, ces routes, ces colonnes de poussière, ces nuages argentés qui déversent la pluie en tourbillon, cet univers pris de folie, cette plaine de l'Anavarza, il voudrait la saisir dans ses bras, la serrer contre lui. Alors qu'autrefois, il n'avait pas un arpent de terre à lui dans cette plaine, il y possède maintenant des fermes et, pourtant, il n'en est toujours pas rassasié.
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Un homme découragé est un homme mauvais. Que la malédiction du Seigneur soit sur les poltrons!
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- Dieu n'aime pas l'homme qui a peur, dit l'hodja. L'homme vaincu, terrorisé, épouvanté, c'est ce que le Créateur a créé de plus horrible.
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- Avec l'âge, l'homme devient craintif, même s'il a été aussi redoutable qu'un dragon. Même s'il lui reste un seul jour à vivre, un vieillard y tient comme s'il s'agissait d'un siècle.
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De quoi rêvaient donc les hommes?
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Cette nuit, c'est la nuit qui unit le 5 au 6 mai. Cette nuit, Hizir va rencontrer Ilyas. A l'instant même de leur rencontre, deux étoiles viendront se heurter dans le ciel. L'une arrive toute frémissante de l'ouest, l'autre de l'est, en tourbillonnant, elles se rejoignent. Et au même instant, elles grandissent, elles se multiplient, elles s'éparpillent sur l'univers en une pluie de lumières. C'est alors que sur la terre, tout s'arrête un bref instant, tout meurt. Le sang cesse de couler dans les veines. Les vents ne soufflent plus, les rivières ne coulent plus, les feuilles ne remuent plus, les ailes des oiseaux et des insectes s'immobilisent. Tout s'arrête, les sons et le sommeil. Les fleurs cessent de s'épanouir, les herbes de pousser. Toute vie, tout mouvement s'arrête. Chez tout ce qui a une âme, chez tout ce qui n'en a pas. Un bref instant, tout meurt. Eh bien, à cet instant-là, si quelqu'un voit les étoiles s'unir et leur lumière se répandre dans l'univers, s'il voit les rivières cesser brusquement de couler, le voeu qu'il exprime alors se réalise. Même s'il s'agit du voeu le plus irréalisable... Si dans la nuit qui unit le 5 au 6 mai, Hizir ne rencontrait pas Ilyas, si le monde ne cessait pas de vivre à l'instant de leur rencontre, les fleurs ne s'épanouiraient jamais plus, plus rien ne naîtrait, plus rien n'enfanterait... A l'instant de leur rencontre, tout meurt soudain sur terre, mais un instant plus tard, la vie se renouvelle, elle jaillit plus robuste, plus éclatante que jamais.

[Yachar KEMAL, "Binboğalar Efsanesi", 1971 - "La légende des Mille Taureaux", traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard, 1979 - page 330]
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« Ils s'assirent au milieu des jardins, sur la terre tiède. Et aussitôt, une coccinelle rouge, tachetée de noir, se posa sur la main de Mèmed. […] Les ailes tendues, la coccinelle s'immobilisa un instant sur la main de Mèmed, puis elle reprit son envol. Et eux l'applaudirent, en bondissant de joie. L'insecte alla se poser sur une fleur de brigadier, disparut dans la corolle. »

[Yachar KEMAL, "Le dernier combat de Mèmed le Mince", Gallimard, 1989 - traduction de Münevver Andaç - cet extrait choisi par Sachenka, dont il nous faut relire toute l'excellente critique... ]
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L'homme ne récrée-t-il pas les mondes qui lui sont inaccessibles dans un univers de rêve, et selon son désir ? Ne récrée-t-il pas la peur et l'amour, afin de vivre dans le paradis ou l'enfer qu'il vient de créer ? L'imaginaire a ce sens-là dans mes romans.
J'ai rencontré beaucoup de gens dans ma vie, et beaucoup d'entre eux m'ont servi de modèles pour mes personnages. Mais tous mes personnages, c'est moi qui les ai créés dans mon travail d'écrivain. Bien sûr, je désire aller vers le réel, mais ce n'est pas la quête centrale dans mon travail. Je veux créer un monde d'imaginaire et de narration, faire quelque chose de différent : réaliser ce royaume de l'imaginaire par la parole. Cela dit, je sais que je ne suis ni le premier ni le dernier parmi ceux qui créent des univers de parole. C'est avant tout une démarche professionnelle, pour moi, comme elle l'a toujours été. Les "sages familiers" qui m'entouraient étaient aussi des hommes de métier. Homère était un vrai professionnel ; les "Homère" turcs et kurdes de mon époque sont aussi des professionnels. Leur art consiste à créer des mondes, en racontant des histoires. Ce ne sont ni des mystiques ni des charlatans ni des mendiants vagabonds, mais les maîtres d'un art que nous avons en partage. Ce sont des hommes d'honneur gagnant leur pain avec la parole. Ils étaient des personnes presque sacrées, dans le milieu où ils évoluaient.

[Yachar KEMAL, "Entretiens avec Alain Bosquet", traduit du turc par Altan Gokalp, éditions NRF-Gallimard (Paris), collection "Blanche", 1992 — pages 43-44]
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Il faisait chaud. L'eau bouillait à grand bruit dans le samovar. Et le marécage bouillonnait très fort, lui aussi, au point que le sol semblait trembler. Moustafa Bey n'était pas accoutumé à tout ce qui l'entourait. Il ne remarquait plus l'éclat, dans le petit verre mince, du thé, d'un rouge aussi foncé que du sang de lièvre, il n'entendait plus le fracas du marécage en pleine effervescence, d'où montaient des milliers de grondements. Et sans cesse il se répétait : à force de guetter, tout mon corps n'est plus qu'un oeil.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", Istanbul, 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 31, page 376 en coll. de poche "folio"]
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- Sans nous, l'univers n'aurait jamais connu la lumière et la bravoure. Notre glorieuse nation à fait de l'univers ce qu'il est! Sans nous, l'humanité serait restée comme infirme... Notre nation qui, partie de l'Asie centrale, est arrivée jusqu'en Asie Mineure! Notre histoire, nous l'avons écrite en lettres d'or! Nous avons gravé l'étoile et le croissant sur les rochers et dans le ciel. La flèche que nous avions lancé des Monts-Célestes est allée se ficher dans le flanc des Alpes! Nous avons donné au monde des lutteurs à la poigne de fer! Nous avons parcouru l'univers, tels des lions rugissants, en secouant nos augustes crinières! Nous avons écrasé tous çeux qui ont surgi sur notre route, mais nous n'avons jamais touché à un seul de ceux qui nous demandaient pitié! Nous avons conquis l'univers, d'est en ouest. Des tigres à la robe couleur d'acier ont parcouru l'univers, et sur leur front, étaient gravés le croissant et l'étoile... Eh bien, les amis, vous êtes de cette race!
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La nouvelle, de village en village, se répandit jusqu'au bourg en un instant : Mèmed le Mince avait été tué ; on descendrait son corps dès que la tempête de neige aurait cessé sur le Mont-Ali.
Les gens de Dèyirmènolouk avaient les yeux rivés sur le sommet du Mont-Ali que frappait l'ouragan. C'était la Montagne des Montagnes, la plus impressionnante de toutes, celle qui avait eu raison de Mèmed le Mince.

(Yaşar Kemal, "Ince Memed", 1955, chapitre XL, traduction française : Güzin Dino, 1975)
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La nuit était très sombre. L'obscurité était épaisse comme un mur. L'odeur des herbes, le parfum tenace des fleurs emplissaient la tente. Le coussin sentait la menthe des montagnes. J'étais depuis deux jours l'hôte de Müslüm Bey. Depuis deux jours, je ne fermais pas l'œil. Je m'imaginais que si je m'endormais, Müslüm Bey me ferait tuer dans mon sommeil. J'étais sans cesse sur le qui-vive. Cela ne m'était jamais arrivé, je n'avais jamais ressenti une telle méfiance. Une pluie douce tombait sur la nuit. Je me suis levé. Je ne m'étais même pas déshabillé. J'ai tout abandonné là-bas, mon fusil, mes cartouches, tout ce que je possédais, mes jumelles, mon fez. Mon cheval était attaché devant la grande tente, lui aussi je l'ai abandonné et je me suis mis en route... [1955 ; traduction française : Güzin Dino, 1975]
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Moustafa bey se leva, il s'étira, puis ramassa sa carabine et retourna à la roselière. Il se laissa tomber sur le kilim, à l'ombre d'un figuier. Il s'étendit sur le dos, près du samovar, la tête posée sur une besace, les genoux dressés.
Un papillon orangé, grand comme la main, tournait à toute allure autour des hampes de roseaux. Il vola un bon moment d'une hampe à l'autre, puis vint se poser sur l'une des fleurs mauves d'un gattilier, et se mit à frotter de ses pattes sa tête, ses yeux immenses. Moustafa bey ne le quittait pas du regard.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 31, page 380 en coll. de poche "folio"]
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« Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés... »
Derviche bey se répétait sans cesse la même complainte. Une complainte vieille de tant d'années, lointaine, lente. Et tentant de revivre le rêve magique qu'il avait vécu tant d'années plus tôt, il répétait sans cesse : ces braves gens, ces gens si bons...
Il pleuvait. La pluie était jaune. Sans un éclair, sans un coup de tonnerre, rien que de l'eau qui tombait sans répit, toujours avec la même intensité, ininterrompue, une pluie compacte, lumineuse, jaune.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 1, page 7 en coll. de poche "folio"]
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Mais ce qu'ils faisaient là, à présent... Tuer des chevaux, mettre le feu aux récoltes et aux maisons, assassiner des journaliers... Comme leur attitude avait changé avec les années... Bien sûr, c'était une question de vie ou de mort... Celui qui tuerait le premier sortirait vainqueur de ce jeu terrible. Un jeu qui avait duré cent, deux cent cinquante ans peut-être et qui touchait à sa fin. Ou Moustapha, ou Derviche, l'un d'eux serait tué et l'autre pourrait mourir de sa belle mort. Ni Moustapha, ni Derviche ne pouvaient compter sur leurs enfants, leurs fils riaient sous cape de ce jeu de mort, parfois ils s'en moquaient ouvertement.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 ‒ traduit du turc en français par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 : chapitre 24, page 301 en coll. "folio"]
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- Notre Mèmed, svelte comme une branche ! ...
- Notre Mèmed le Mince ! ...
- Même petit, il promettait ! ...
- Ça crevait les yeux ! ...
- Les bœufs sont à nous ! ...
- On plantera ce qu'on voudra ! ...
- Fini le métayage ! ...
- Finie la faim en plein hiver ! ...
- Fini de supplier comme un chien ! ...
- Notre Mèmed, svelte comme une branche ! ...
(p. 416)

.../...

- Pour qui il se prend ? ...
- Pour qui il se prend, Mèmed le Mince, ce montagnard ? ...
- Le fils d'Ibrahim le Miséreux !
- Pour qui il se prend, pour distribuer les champs de notre Abdi agha ?
- Regardez-moi cette taille, cette taille qu'il a !
- On dirait un gosse de sept ans !
- Morveux !
(p. 422)
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Ses yeux étaient plein de larmes :
- De par le monde, il y a des hommes bons, de par le monde !
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