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Citations de Yachar Kemal (116)


Moustafa bey se leva, il s'étira, puis ramassa sa carabine et retourna à la roselière. Il se laissa tomber sur le kilim, à l'ombre d'un figuier. Il s'étendit sur le dos, près du samovar, la tête posée sur une besace, les genoux dressés.
Un papillon orangé, grand comme la main, tournait à toute allure autour des hampes de roseaux. Il vola un bon moment d'une hampe à l'autre, puis vint se poser sur l'une des fleurs mauves d'un gattilier, et se mit à frotter de ses pattes sa tête, ses yeux immenses. Moustafa bey ne le quittait pas du regard.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 31, page 380 en coll. de poche "folio"]
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« Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés... »
Derviche bey se répétait sans cesse la même complainte. Une complainte vieille de tant d'années, lointaine, lente. Et tentant de revivre le rêve magique qu'il avait vécu tant d'années plus tôt, il répétait sans cesse : ces braves gens, ces gens si bons...
Il pleuvait. La pluie était jaune. Sans un éclair, sans un coup de tonnerre, rien que de l'eau qui tombait sans répit, toujours avec la même intensité, ininterrompue, une pluie compacte, lumineuse, jaune.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 1, page 7 en coll. de poche "folio"]
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Il faisait chaud. L'eau bouillait à grand bruit dans le samovar. Et le marécage bouillonnait très fort, lui aussi, au point que le sol semblait trembler. Moustafa Bey n'était pas accoutumé à tout ce qui l'entourait. Il ne remarquait plus l'éclat, dans le petit verre mince, du thé, d'un rouge aussi foncé que du sang de lièvre, il n'entendait plus le fracas du marécage en pleine effervescence, d'où montaient des milliers de grondements. Et sans cesse il se répétait : à force de guetter, tout mon corps n'est plus qu'un oeil.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", Istanbul, 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 31, page 376 en coll. de poche "folio"]
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Sa mère se dirigeait vers lui, desséchée, frêle, l'image même de la colère et de la haine.
— J'ai appris que tu avais tué, Moustafa. J'ai appris que tu avais égorgé trois miséreux, au lieu de Derviche ou de ses fils. Les gens, Moustafa, disent que tu n'oses pas tuer Derviche. Ils disent que tu es incapable de tuer un Sarioglou. Ils disent que, lorsque tu vois Derviche, ta main tremble si fort, mon faucon, que tu ne peux même pas tirer sur lui. S'il s'agit là de calomnies, puisse le péché en retomber sur ceux qui les répandent ! Mais dans la bourgade, on ne parle plus que de cela, mon petit, mon brave Moustafa, on dit que ta main tremble. Et que ton fusil te tombe des doigts, à force de trembler, dès que tu aperçois Derviche.
Moustafa bey se taisait. Il était incapable de redresser la tête et de regarder sa mère.
— Le cadavre de Mourtaza a pourri dans sa tombe, il est tombé en poussière. Pourtant, aucun Sarioglou ne l'a rejoint dans la mort jusqu'ici, Moustafa ! En ce moment, mon petit, dans sa tombe, les ossements de ton frère sont douloureux, ton frère qui n'a pas été vengé !
Elle avait l'air méprisant, impitoyable. ses lèvres tremblèrent, s'amincirent, ne formèrent plus qu'une ligne.
— Est-ce donc si difficile, Moustafa, de tuer un Sarioglou ? Est-ce donc si difficile ? Combien de jours, combien de mois se sont-ils écoulés depuis que Mourtaza dort sous la terre noire. J'attends, Moustafa. Je n'en ai plus pour longtemps, mon petit. Comment pourrais-je aller retrouver mon cher Mourtaza, que lui dirais-je ? Est-ce qu'il faudra que je lui dise, tu vas encore attendre sous la terre noire, Mourtaza, attendre bien longtemps, car il est très difficile de tuer un Sarioglou. Nous tuer, nous autres, c'est facile. Mais les tuer, eux, c'est difficile. Quand j'irai rejoindre Mourtaza sous la terre noire, que faudra-t-il lui dire ? Qu'en dis-tu, Moustafa ?
Elle continua à parler. Longuement. Avec tristesse et colère. Puis elle s'éloigna, le dos voûté, en se tenant les reins des deux mains.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", Istanbul, 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 24, pages 298-299 en coll. de poche "folio"]
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Il est un lac sur le flanc du Mont Ararat, à quatre mille deux cents mètres d'altitude. On l'appelle le lac de Kup, le lac de la Jarre, car il est extrêmement profond, mais pas plus grand qu'une aire de battage. A vrai dire, c'est plus un puits qu'un lac. Il est entouré de toutes parts par des rochers rouges, étincelants, acérés comme la lame d'un couteau. Le seul chemin menant au lac est un sentier, creusé par les pas dans la terre battue, moelleuse, et qui descend, de plus en plus étroit, des rochers jusqu'à la rive. Des plaques de gazon s'étalent ça et là sur la terre couleur de cuivre. Puis commence le bleu du lac. Un bleu différent de tous les autres bleus ; il n'en est pas de semblable au monde, on ne le retrouve dans aucune eau. Un bleu marine moelleux, doux comme le velours.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "La légende du Mont Ararat" / "Agridagi Efsanesi", Istanbul, 1970 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), coll, "Du Monde entier", 1998 — page 9]
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Mais ce qu'ils faisaient là, à présent... Tuer des chevaux, mettre le feu aux récoltes et aux maisons, assassiner des journaliers... Comme leur attitude avait changé avec les années... Bien sûr, c'était une question de vie ou de mort... Celui qui tuerait le premier sortirait vainqueur de ce jeu terrible. Un jeu qui avait duré cent, deux cent cinquante ans peut-être et qui touchait à sa fin. Ou Moustapha, ou Derviche, l'un d'eux serait tué et l'autre pourrait mourir de sa belle mort. Ni Moustapha, ni Derviche ne pouvaient compter sur leurs enfants, leurs fils riaient sous cape de ce jeu de mort, parfois ils s'en moquaient ouvertement.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 ‒ traduit du turc en français par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 : chapitre 24, page 301 en coll. "folio"]
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L'idée que nous avons peur ne les effleurera même pas. Les foules n'imaginent pas la duplicité, car elles sont elles-mêmes de bonne foi.
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Il n'y a pas la moindre différence entre la prison et le maquis. Aux deux, il y a des chefs. Les autres sont des esclaves, et des esclaves de la pire espèce... Les chefs, ils vivent comme des hommes ; les autres, comme des chiens.. Toi, tu deviendras un chef ; mais ne traite pas les autres en esclaves ! Que cela soit le secret de ta vie.
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-L'essentiel, c'est de créer avec toutes les fourmis qui sont des nôtres une organisation chargée de surveiller continuellement les moindres faits et gestes de la population. Voilà notre arme la plus sûre. Il faut noyauter le peuple des fourmis, l'attaquer de l'intérieur. Les hommes appellent cela le lavage de cerveau.
[...]
-Sais-tu ce que veut dire le mot "exploiteur"?
-Je sais, mon Roi.
-Eh bien, je veux que ce mot disparaisse des dictionnaires. Aucune fourmi ne doit plus l'employer. Le nouvel ordre social que nous apporterons, cela fait plus de cent mille ans que les fourmis y aspirent sans avoir réussi à le réaliser. Nous leur faisons présent d'une société que toutes les créatures du monde désirent vainement depuis les temps les plus lointains : une société ayant pour fondement la liberté. Dorénavant, toutes les fourmis, toutes les huppes, tous les êtres de l'univers vivront libres.
Page 53
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L'homme ne récrée-t-il pas les mondes qui lui sont inaccessibles dans un univers de rêve, et selon son désir ? Ne récrée-t-il pas la peur et l'amour, afin de vivre dans le paradis ou l'enfer qu'il vient de créer ? L'imaginaire a ce sens-là dans mes romans.
J'ai rencontré beaucoup de gens dans ma vie, et beaucoup d'entre eux m'ont servi de modèles pour mes personnages. Mais tous mes personnages, c'est moi qui les ai créés dans mon travail d'écrivain. Bien sûr, je désire aller vers le réel, mais ce n'est pas la quête centrale dans mon travail. Je veux créer un monde d'imaginaire et de narration, faire quelque chose de différent : réaliser ce royaume de l'imaginaire par la parole. Cela dit, je sais que je ne suis ni le premier ni le dernier parmi ceux qui créent des univers de parole. C'est avant tout une démarche professionnelle, pour moi, comme elle l'a toujours été. Les "sages familiers" qui m'entouraient étaient aussi des hommes de métier. Homère était un vrai professionnel ; les "Homère" turcs et kurdes de mon époque sont aussi des professionnels. Leur art consiste à créer des mondes, en racontant des histoires. Ce ne sont ni des mystiques ni des charlatans ni des mendiants vagabonds, mais les maîtres d'un art que nous avons en partage. Ce sont des hommes d'honneur gagnant leur pain avec la parole. Ils étaient des personnes presque sacrées, dans le milieu où ils évoluaient.

[Yachar KEMAL, "Entretiens avec Alain Bosquet", traduit du turc par Altan Gokalp, éditions NRF-Gallimard (Paris), collection "Blanche", 1992 — pages 43-44]
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Ce Derviche Bey, quel genre d'homme était-ce ? Il l'avait aperçu une seule fois. Son caractère, par contre, il le connaissait bien. Et il était fier d'avoir un ennemi comme Derviche. Un homme au franc parler, qui ignorait le mensonge, loyal, généreux, brave, fidèle aux traditions. Un homme que rien n'effrayait. Un homme au coeur débordant d'amour. C'était comme un bout de paradis, dans la Tchoukourova, un îlot entouré de toutes parts par la cruauté, la lâcheté, la malhonnêteté, la déloyauté. Et de ces îlots-là, il n'en restait plus que deux dans la Tchoukourova. Perchés chacun sur leur butte. Et l'on y vivait dans l'honneur, la probité, l'amitié, la dignité humaine. C'étaient le manoir des Sarioglous et le manoir des Akyollous. Et ces deux manoirs étaient condamnés à la ruine. Tous deux vivaient leurs derniers jours. très bientôt, ce serait la fin de Derviche Bey. Et ensuite, ce serait son tour à lui...
Autour de lui, la Tchoukourova n'est plus qu'un marécage fétide, d'où ne jaillit que de l'ordure... Les enfants ? C'est comme s'ils n'étaient pas là. de vrais aghas, tous, pareils à ces parvenus. Exactement pareils à ces gens-là... tel était donc notre destin et nous n'y pouvons rien changer. Et ce qui est écrit se réalise toujours. Je me demande ce que Derviche Bey pense de ces choses...
Il ouvrit la fenêtre, tendit la tête, une ou deux gouttes de pluie lui mouillèrent le visage, fraîches.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti"), 1973, traduit du turc en français par Münevver Andaç, éd. Gallimard, 1981 ‒ chapitre 5, pages 87-88 en coll. de poche "folio"]
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L’âcre odeur de pourriture du coton se mêlait à l’odeur de cendre qui montait de la terre calcinée et crevassée.
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Un malheur, c'est quasiment une fête, quand on le subit tous ensemble.
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Ils firent descendre le mort dans la fosse creusée dans le sol gluant. [...] L'imam lut le Coran. Les hommes, mains croisés sur la poitrine, l'écoutaient en aspirant le parfum amer des myrtes. Il se remit à pleuvoir. Moustafa Bey s'écarta de la tombe, en traînant les pieds, voûté comme ployé sous le poids de ses sombres réflexions. Il ne pensait ni au mort, ni à la mort. Il n'avait qu'une idée en tête. Il pensait à Derviche Bey. Un liquide jaunâtre, tiède comme le sang, coulait sans cesse des blessures du mort. Et bientôt, la tombe en serait pleine...
« D'ici cinq jours au plus tard, Derviche bey sera tué. A tout prix. Car tout est prête pour le tuer. Tout est prêt depuis des années. »
Ce que faisait Derviche bey, sa façon de vivre, ses moindres gestes, Moustafa bey était au courant de tout. Et cela depuis qu'ils étaient tous deux des enfants. Depuis cent ans peut-être, chacune de ces deux familles savait tout ce qui concernait les membre de l'autre famille. Un ennemi ne pardonne jamais. Et personne ne peut vous connaître aussi bien que votre ennemi. Pour les Akyollous, le manoir qui se dressait sur la colline, à l'ouest des eaux du Savroune, était pareil à une sombre et terrifiante montagne de mort, qu'ils apercevaient dès qu'ils ouvraient les yeux. Et pour les habitants du manoir des Sarioglous, le manoir des Akyollous, également bâti sur un ancien tumulus, représentait la mort sombre et la peur de la mort. Aucun des Akyollous n'avait jamais pénétré dans le manoir des Sarioglous, mais ils en connaissaient le moindre détail, tout comme s'ils y étaient nés, comme s'ils y avaient grandi. Et les Sarioglous connaissaient de même le manoir des Akyollous.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti"), 1973, traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 4, coll. de poche "folio", pages 85-86]
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Et chaque année, quand le printemps s'éveille sur l'Ararat, des bergers grands et robustes, aux beaux yeux noirs mélancoliques et aux longs doigts fins, s'en viennent avec leurs flûtes au lac de Kup. Ils étalent leurs houppelandes au pied des rochers rouges, sur la terre couleur de cuivre, sur le printemps millénaire, ils s'installent en formant un cercle sur les rives du lac. Un peu avant l'aube, sous les masses d'étoiles qui palpitent au-dessus de la montagne, ils saisissent leurs flûtes et célèbrent par leur jeu la grande colère de l'Ararat. Cela dure du point du jour au coucher du soleil. Et alors, à l'instant même où le soleil disparait à l'horizon, un oiseau minuscule, blanc comme neige, surgit au-dessus du lac. Un oiseau long et pointu qui ressemble à l'hirondelle. Il vole en tournant très vite au-dessus de l'eau, il trace sans cesse de vastes cercles blancs, dont l'ombre retombe sur le bleu intense du lac. Les joueurs de flûte cessent de jouer à l'instant où disparait le soleil. Ils remettent leurs flûtes dans leurs ceintures et se redressent. L'oiseau blanc, qui vole à toute vitesse au-dessus du lac, s'élance, rapide comme l'éclair, il plonge une aile dans l'eau, s'élève à nouveau. Par trois fois, il se jette ainsi vers l'eau, puis s'envole à tire-d'aile et disparait dans le ciel. L'oiseau blanc une fois disparu, les bergers s'éloignent l'un après l'autre et se perdent silencieusement dans l'obscurité.
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- Notre Mèmed, svelte comme une branche ! ...
- Notre Mèmed le Mince ! ...
- Même petit, il promettait ! ...
- Ça crevait les yeux ! ...
- Les bœufs sont à nous ! ...
- On plantera ce qu'on voudra ! ...
- Fini le métayage ! ...
- Finie la faim en plein hiver ! ...
- Fini de supplier comme un chien ! ...
- Notre Mèmed, svelte comme une branche ! ...
(p. 416)

.../...

- Pour qui il se prend ? ...
- Pour qui il se prend, Mèmed le Mince, ce montagnard ? ...
- Le fils d'Ibrahim le Miséreux !
- Pour qui il se prend, pour distribuer les champs de notre Abdi agha ?
- Regardez-moi cette taille, cette taille qu'il a !
- On dirait un gosse de sept ans !
- Morveux !
(p. 422)
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Dans la nuit, les sons se confondent, les voix de la nuit, des oiseaux, le bruit des tracteurs qui éventrent les jachères... La plaine scintille d'étoiles. L'odeur du mazout vient de loin, elle se mêle à celles des marais, des tiges sèches, des fleurs calcinées par le soleil, de la pluie, de la bardane.
Un vacarme inouï règne sur cette terre jusqu'au lever du soleil. Toutes les créatures ont surgi de leurs tanières. Pêle-mêle, elles mènent leur combat pour la vie. Dès que le soleil se sera levé, elles retourneront à leurs nids, à leurs antres. L'homme qui guette dans la Passe-Rouge en a du moins l'impression.
Cela dure jusqu'à l'aube. Avec l'odeur des marais au loin, des bruits bizarres lui parviennent. Le marécage bouillonne, pareil à un chaudron gigantesque oublié sur l'âtre.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti"), 1973, traduit du turc en français par Münevver Andaç, éd. Gallimard, 1981 ‒ chapitre 2, page 57 en coll. de poche "folio"]
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L'homme était devenu très vieux. Un beau jour, il se dit, avant de mourir, de quitter pour toujours ce monde qui m'est si cher, il me faut aller revoir une dernière fois cette cité si belle, ces gens si bons, des chevaux si nobles. Les revoir. Et je pourrai alors quitter ce monde la joie au coeur.
Il franchit monts et vaux, il fit route des jours durant, et au matin, il atteignit la ville heureuse où vivaient les hommes si bons et les chevaux si beaux...
[...]
Mais que vit-il à son arrivée ! La cité n'était plus la même, les hommes n'étaient plus les hommes d'autrefois, les chevaux n'étaient plus là. Tout avait changé, tout était différent.

[Yachar KEMAL /ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti", 1973), traduit du turc par Münevver Andaç, éd. Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 1, pages 49-50 en coll. de poche "folio"]
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– Livre-le nous, Derviche bey [...]. Sinon, il te faudra tous nous tuer, comme tu m'as tué, moi. Et à la fin, tu seras tué, toi aussi. Et ta dame et ta fille et ton fils et tout ce qui est issu de toi, tous seront tués. Et ton manoir sera détruit. Et un figuier poussera sur ses ruines. Un figuier immense, trois hommes n'arriveront pas à entourer son tronc de leurs bras... Rends-le nous !
Du sang jaillit de sa blessure. Il se remit soudain sur ses pieds, saisit son épée.
– Emparez-vous de lui et jetez-le dehors, ordonna Derviche bey. [...]
Ils le hissèrent sur sa selle. Son sang teignit de rouge le cheval gris.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti", 1973), traduit du turc par Münevver Andaç, éd. Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 1, pages 48-49 en coll. de poche "folio"]
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Les colonnes de poussière ont disparu. A présent, elles doivent voler quelque part dans la nuit. Au clair de lune, elles étincellent comme en plein jour. Et dans la pénombre, elles sont encore plus majestueuses... Mais à présent, elles sont éteintes l'une après l'autre, elles se sont retirées dans leurs tanières. Le vent ne souffle plus, pas une feuille ne bouge. Une nuit d'août, fraîche, douce comme la soie. Le ciel est lumineux, tapissé d'étoiles qui tournoient en lançant des étincelles. Elle glissent d'un bout à l'autre du ciel, par masses. Tout un fouillis d'étoiles dans le ciel...

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti", 1973), traduit du turc par Münevver Andaç, éd. Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 1, pages 36-37 en coll. de poche "folio"]
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