Voilà aujourd'hui un premier roman d'un jeune auteur Yanis Al-Taïr dont j'ai eu envie de découvrir la plume après avoir reçu une proposition lors d'une Masse Critique exceptionnelle. Je remercie donc l'éditeur et Babelio pour m'avoir sélectionnée.
Nous sommes en 2011, Alejandro se réveille après une nuit bien arrosée dont il ne garde aucun souvenir et après avoir fait un très mauvais rêve dans lequel il a vu sa jeune sœur Laura sortir des flammes. En se réveillant, il voit les pompiers débarquer dans son petit studio : il s'est endormi en laissant une casserole sur le feu !
Tout cela est très déstabilisant pour lui car cela ne lui était jamais arrivé, et le lecteur ne saura qu'à la fin du roman ce qu'il a fait durant cette étrange nuit...
De plus, au petit matin, Alejandro découvre un message de son père lui demandant de le rappeler d'urgence : sa sœur Laura est très malade, on a découvert qu'elle avait une leucémie. Lui qui ne l'a pas revu depuis trois ans, reprend contact avec elle et puisqu'il est le seul membre de la famille habitant Paris, il décide d'emménager chez elle pour l'aider, s'occuper du chat et la suivre pas à pas, dans son combat contre la maladie.
En parallèle, son ami Sacha, archéologue d'origine russe, cherche à fuir l'Egypte qui s'embrase tandis que les manifestants de la place Tahrir scandent "dégage Moubarak". Son passeport russe ne lui facilite pas la tâche. Il a réussi à sauver du pillage du musée du Caire un mystérieux journal intime qui daterait de l'époque byzantine. En attendant de pouvoir rejoindre Paris, Sacha va, page par page, envoyer à Alejandro des copies de ce précieux papyrus, par mail, afin qu'il en prenne connaissance...avant de le lui amener pour une expertise plus poussée.
Alejandro est en effet chercheur en ADN ancien (ou paléogénéticien si vous préférez) et le papyrus présente sur la dernière page une grande tache de ce qui semble être du sang. Aemilia, l'autrice du journal, aurait côtoyé, alors qu'elle était toute jeune adolescente et déjà mariée, la future impératrice byzantine Théodora dont elle est tombée follement amoureuse...
Tous ces événements bousculent Alejandro qui va tenter de continuer à vivre et à accepter le quotidien, tout en se remémorant son passé et en nous livrant ses réflexions sur le monde qui l'entoure...
Il se souvient en particulier de son enfance au Maroc (à Al-Bariya), de ses jeux avec Laura, de leur mère distante et dépourvue de tendresse et d'indulgence qui travaille dans une ONG à laquelle elle se consacre corps et âme au détriment de sa famille et de ses enfants, tandis que le père enseignant et poète leur offre un peu de rêves.
Il nous parle aussi de ses études de médecine en Espagne, de son voyage à Jérusalem pour y travailler comme stagiaire à l'hôpital, séjour durant lequel sa vie a pris un tournant décisif après sa rencontre avec Sacha, jusqu'à son arrivée à Paris pour y reprendre des études à l'institut des Mondes anciens et à l'exercice de son nouveau métier...
Les souvenirs défilent, heureux ou malheureux, l'incitant à se poser de nombreuses questions sur son karma, ses choix, ses rencontres et toutes les décisions qui ont donné un sens à sa vie...
Voilà un roman intéressant et bien écrit que j'ai eu du plaisir à découvrir et qui m'a fait passer de très bonnes soirées lectures.
L'auteur nous dépeint un héros sensible et émouvant qui se laisse déborder par ses sentiments mais qui nous apparait terriblement humain. Il a un métier passionnant et plein d'amis mais se cache derrière une façade qui peu à peu, va se craqueler face à la maladie de sa soeur et au fur et à mesure que les souvenirs de son enfance remontent à la surface.
Il y a de très beaux dialogues, un poème émouvant écrit par le père à sa fille, de belles personnes comme bien entendu Sacha mais aussi Azadeh, dont on espère qu'Alejandro comprendra toute la valeur. Des pages superbes comme celles de son premier cours à l'Institut des Mondes anciens ou de sa rencontre avec Sacha sur le chantier de fouilles.
Les réflexions sur la vie, la maladie, les soins médicaux et les différentes approches médicales, l'archéologie, le printemps arabe...sont toutes très intéressantes.
Mon seul bémol est que je me suis parfois perdue car les chapitres alternent tous ces sujets variés sans chronologie particulière comme le sont nos souvenirs lorsque nous nous les remémorons certes, mais le roman me semble-t-il aurait gagné à un peu plus de clarté.
En effet, les réflexions sur la vie de famille d'Alejandro et la maladie de sa sœur Laura, les événements passés comme sa rencontre avec Sacha et la naissance de leur amitié, les histoires d'amour de l'un ou l'autre de ses amis pas forcément toutes importantes, les autres rencontres amicales qui le sont davantage (comme Romain, Youssef...), les pages du journal intime byzantin, les événements politiques contemporains dans les pays arabes, les fouilles archéologiques, les années d'étudiants en médecine et le pourquoi de l'abandon de ses études...tout s'emmêle sans toutefois que le lecteur sache toujours où et quand il se trouve au premier regard.
Le lecteur devra donc trouver le fil directeur en cours de lecture, fil contenu dans le titre du roman soit dit en passant. Comme vous l'aurez deviné, l'exil tient la première place car nous devons tous quitter quelque chose ou quelqu'un durant notre vie, la maladie nous oblige à quitter celui ou celle que nous étions avant, la vieillesse à oublier notre jeunesse...la mort à quitter ceux que l'on aime, l'exil n'est pas que quitter son pays natal c'est renoncer tout simplement au passé.
Enfin, l'auteur établit aussi un lien entre le journal intime de la jeune byzantine et ce que Laura est en train de vivre, un lien qui heureusement ne se vérifiera pas à la fin mais je ne vais pas tout vous raconter. Ce journal mérite une seconde lecture, plus linéaire ce que j'ai fait en terminant le roman. Il est en effet un roman dans le roman tout à fait intéressant à découvrir.
Merci à Babelio et à L'éditeur pour ce partage qui m'a permis de découvrir une belle plume, un auteur engagé et passionné même si comme je l'ai dit je me suis un peu perdue dans la variété des sujets abordés...ce qui est dommage au final mais pardonnable pour un premier roman.
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