Citations de Yann Martel (135)
C'était un homme dont la profession était d'aimer, et il accorderait réconfort et conseils dans toute la mesure de ses moyens.
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Cela s’est terminé au cours d’une nuit. Je me suis réveillée soudainement. Je ne sais pas pourquoi ni à quoi je rêvais. Je me suis dressée. Tout était confus. Je ne me souvenais de rien, ni de mon nom, ni de mon âge, ni où j’étais. L’amnésie totale. Je savais que je pensais en français, ça au moins, c’était sûr. Mon identité était liée à la langue française. Et je savais aussi que j’étais une femme. Francophone et femme, c’était le cœur de mon identité. Je me suis souvenue du reste, les accessoires de mon identité, seulement après un bon moment d’hésitation. Ce que je me rappelle le plus clairement de cet état de confusion, c’est le sentiment qui m’est venu après, que tout allait bien.
A la limite de la jungle, il s'arrêta. J'étais sûr qu'il allait se tourner vers moi. Il allais me regarder. Il allait aplatir ses oreilles. Il allait rauquer. D'une manière ou d'une autre, il allait mettre un terme à notre relation. Il n'en fit rien. Il se limita à fixer son regard sur la jungle. Et alors Richard Parker, compagnon de mon tourment, être terrible et féroce qui m'avait maintenu vivant, fit trois pas et disparut de ma vie pour toujours.
D'un lit superposé partagé avec un tigre à un dortoir surpeuplé de suricates - me croira-t-on si je dis que la vie est pleine de surprises ?
" Je t'aime ! " Les mots jaillirent, purs, sans retenue, infinis. Le sentiment inonda ma poitrine. " C'est vrai, je t'aime, Richard Parker. Si je ne t'avais pas maintenant, je ne sais pas ce que je ferais. Je pense que je ne survivrais pas. Non, je n'y arriverais pas. Je mourrais de désespoir. N'abandonne pas, Richard Parker, n'abandonne pas. Je vais t'amener jusqu'à la terre ferme, je te le promets, je te le promets ! "
Dans les instants d'émerveillement, on parvient aisément à sortir de la petitesse, à élever son esprit aux dimensions de l'univers jusqu'à embrasser le tonnerre et le murmure, le bon et le mauvais, le proche et le lointain.
Je pense que c'était une baleine qui cherchait à s'accoupler. Elle dut décider que ma taille ne convenait pas ; et puis je semblais avoir déjà un partenaire.
Je touchais le turban que je m'étais fabriqué avec les lambeaux de ma chemise et je disais très fort : " CECI EST LE CHAPEAU DE DIEU ! "
Je tapotais mon pantalon et je disais très fort : " CECI EST LE VÊTEMENT DE DIEU ! "
Je désignais Richard Parker et je disais très fort : " CECI EST LE CHAT DE DIEU ! "
Je pointais un doigt vers la chaloupe de sauvetage et je disais très fort : "CECI EST L'ARCHE DE DIEU ! "
J'ouvrais larges les bras et je disais très fort : " CECI EST LE VASTE TERRITOIRE DE DIEU ! "
Je montrais le ciel et je disais très fort : " CECI EST L'OREILLE DE DIEU ! "
Et, de cette manière, je pouvais me rappeler la création et la place que j'y occupais.
Mais le chapeau de Dieu se défaisait tout le temps. Le pantalon de Dieu tombait en pièces. Le chat de Dieu était une menace continuelle. L'arche de Dieu était une prison. Le vaste territoire de Dieu me tuait lentement. L'oreille de Dieu n'avait pas l'air de m'écouter.
Le zoo de Pondichéry n'existe plus. Ses fosses ont été remplies, les cages ont été démontées. Je l'explore maintenant dans le seul espace qui lui reste, ma mémoire.
La récompense est grande pour qui à l'œil ouvert et l'oreille tendue.
Je m'en moque. Je le regarde et je lui dis :
- Tu te trompes d'homme. Tu ne crois peut-être pas à la vie, mais moi, je ne crois pas à la mort. Va-t'en !
- ... L'amour est difficile à croire, demandez à n'importe quel amoureux. La vie est difficile à croire, demandez à n'importe quel amoureux. La vie est difficile à croire, demandez à n'importe quel scientifique. Il est difficile de croire en Dieu, demandez à n'importe quel croyant. Quel est votre problème face à ce qui est difficile à croire ?
- Nous sommes tout simplement raisonnables.
- Et moi donc : J'ai fait usage de ma raison à chaque instant. La raison est excellent pour se nourrir, se vêtir, se loger. La raison est la meilleure boîte à outils. Il n'y a rien comme la raison pour maintenir les tigres à distance. Mais si on est excessivement raisonnable, on risque de jeter tout l'univers par e fenêtre.
- Aucun scientifique ne vous croirait
- Ce sont ceux-là mêmes qui ont rejeté Copernic et Darwin.
Les gens déménagent à cause de l'usure qui vient à la longue de l'anxiété. A cause de l'impression insidieuse que, quel que soit l'effort qu'on y mettra, le résultat sera négatif, que ce qu'on a mis un an à construire pourrait être détruit en un jour par quelqu'un d'autre. A cause de al conviction que l'avenir est bouché, qu'eux mêmes, les parents, s'en tireront peut-être, mais pas leurs enfants. A cause du sentiment que rien ne changera jamais, que le bonheur et la prospérité ne peuvent se trouver qu'ailleurs.