Yasmina Liassine

Je voudrais avoir écrit ce livre pour des gens qui ne sont pas dans la même situation que moi, et qui se diraient : “Ah oui ! l’Algérie, c’est vrai, c’est aussi cela”… Que l’on sorte ainsi du seul prisme de la guerre coloniale. J’aimerais vraiment convaincre qu’on peut être algérien de bien des façons, même si ce qui était possible avec la génération de mes parents, dans les années 1960 ou 1970, me semble beaucoup plus difficile aujour­d’hui, parce qu’on croyait alors que l’Algérie allait s’ouvrir, évoluer : il pouvait y avoir une forme d’optimisme, et on était loin de penser qu’il y aurait un tel retour du religieux et de l’intégrisme dans les années 1990. Le fait est que les couples mixtes ou leurs enfants sont tous partis : parmi les gens qui étaient avec moi au ­lycée, je crois que personne n’est resté… C’est donc difficile d’être optimiste, mais en même temps l’Algérie est vivante et je pense que rien n’est complètement fermé. 

UN JOUR QUE J’ÉTAIS de passage à Alger, j’ai voulu aller voir le labyrinthe. Cette année-là, j’avais acheté un guide touristique. On en trouve très peu, car qui éditerait un guide pour un endroit sans touristes étrangers ? Mais j’en avais quand même trouvé un et il y était fait mention d’un labyrinthe d’église, le plus ancien jamais découvert. Je ne savais même pas que ça existait, les labyrinthes d’église, et encore moins à Alger. Le labyrinthe était, paraît-il, à l’intérieur de la cathédrale, ce bâtiment très moderne qui ressemble à une tour de refroidissement de centrale nucléaire dans le haut de la rue Didouche (anciennement rue Michelet), dans cette partie de la ville d’où disparaissent peu à peu les maisons avec jardin et où commencent à s’élever les hauts immeubles haussmanniens aux balcons peints en bleu. Dans cet endroit, ai-je donc appris, il y a un labyrinthe d’église en mosaïque qui date de 324 après J.-C. et c’est le plus ancien jamais découvert au monde.

La France qui a fait la colonisation était une France détestable, il n’y a pas de doute, mais il y a eu aussi une France aimable. Ce n’était pas toute la France que combattaient les nationalistes algériens, je crois, et je me souviens par exemple, dans mon enfance, de parfaits nationalistes qui citaient Victor Hugo avec des larmes dans les yeux !

J’ai eu très tôt le goût de l’écriture et de la lecture, la littérature a toujours été une chose très importante pour moi, mais cela n’allait pas de soi de s’y risquer. Et il se trouve que j’ai fait des mathématiques, simplement parce que j’aimais ça : je ne sais pas s’il y a un lien entre le goût des mathématiques et celui de la littérature…