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Citations de Yassaman Montazami (25)


Yassaman Montazami
Une chose était sûre: Shadi Khanoum n'avait jamais autant réfléchi. Elle en avait des migraines. Elle en faisait même des cauchemars.
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Certaines personnes très avisées de son entourage lui avaient plutôt conseillé de les avaler, l'assurant que ses intestins les lui restitueraient sans aucun difficulté et dans leur plus parfaite intégrité, mais elle n'a pu se résoudre à mêler ces merveilles de joaillerie, que lui avait offertes son cher époux, à des déjections, fussent-elles les siennes.
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Alors, dans la foulée des noces de mes parents, Bibi se maria aussi. Elle prit le premier venu dans la masse de ses prétendants, un doux géant qui portait le nom d'un grand empereur de Perse, Darius. Elle se jeta dans le mariage comme on se lancerait dans le vide par une fenêtre. Sa chute dura le temps d'une vie. Ce fut une lente entreprise tout à la fois d'oubli et de détestation de soi, à peine distraite par la naissance de deux enfants à la constitution fragile, dont les fièvres et les maladies occupèrent opportunément ses insomnies.
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L’hospitalité n’était pas la moindre manifestation de la générosité de mon père. Aussi, avant comme après la Révolution islamique, notre appartement resta-t-il longtemps un point de passage pour des dizaines d’exilés politiques.
Si certains avaient quitté l’Iran légalement, la grande majorité d’entre eux avaient enduré la rudesse et bravé les dangers d’un voyage clandestin à dos de mulet à travers les montagnes du Kurdistan et de la Turquie. Une fois requinqués par la cuisine de ma mère et les rasades de vodka que leur servait mon père, ils se mettaient à nous narrer toutes les péripéties de leur terrible odyssée.
J’adorais les écouter. Il m’arrivait de veiller auprès d’eux jusqu’au milieu de la nuit […]
À force d’entendre toutes ces histoires, il m’était apparu qu’un vrai Iranien était nécessairement un fugitif. Aussi m’arrivait-il quelquefois de regretter que nous nous soyons installés en France avant la révolution.
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Et c'est ainsi que le petit garçon fut nommé Behrouz, ce qui signifie en persan "le meilleur des jours".
(p. 16)
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« Être libre de son temps lui laissait également toute latitude de donner le sien. Car mon père était d’un dévouement incommensurable. » (p. 56)
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« Il était parfaitement dénué du désir de dépasser les limites étriquées de son enveloppe charnelle et de l’étendre au monde matériel. » (p. 26)
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Zâhra [qui] présentait cette singularité de n'être pas concernée par le sentiment amoureux, comme si la nature l'en avait préservée. A l'instar de ces êtres auxquels il manque certains chromosomes, l'hérédité l'avait privée des gênes de l'attachement. Aussi les hommes ne l'intéressaient-ils pas plus que les insectes volants dont elle eût suivi du regard les circonvolutions aériennes, avant que de les chasser d'un revers de la main, agacée qu'ils tournoient autour d'elle. Son coeur était une mer étale, que la houle d'aucune passion ne troublerait jamais. (p.26)
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"Remarque,avait-il ajouté en souriant,les préjugés peuvent avoir du bon,parfois.Savais-tu,Samanou,que j'ai lu Madame Bovary parce que c'était Eleanor,la fille cadette de Marx,qui l'avait traduite en anglais?"
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Si Marx avait passé sa vie à la mine ou dans une usine,il n'aurait pas pu écrire Le Capital", soutenait-il.
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Si ton père ne finit pas,nous ne rentrerons jamais en Iran,prophétisait-elle.Nous serons condamnés à rester dans ce pays d'adorateurs de caniches frisés.
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Son coeur était une mer étale qu'aucune passion ne troublerait jamais.
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Karl Marx et mon père avait un point commun : ils ne travaillèrent jamais pour gagner leur vie. « Les vrais révolutionnaires ne travaillent pas », affirmait mon père. Cet état de fait lui paraissait logique : on ne pouvait œuvrer à l’abolition du salariat t être salarié –c’était incompatible. Il fallait avoir l’esprit disponible, on accaparé par des questions d’ordre pratique.
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Si ton père ne finit pas, nous ne rentrerons jamais en Iran, prophétisait-elle. Nous serons condamnés à rester pour toujours ans ce pays d’adorateurs de caniches frisés
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Même s’il arriva plusieurs fois à mon père d’en interrompre la rédaction, cette thèse fut la grande affaire de sa vie. C’est pour l’entreprendre que, juste après son mariage, il était venu s’inscrire en troisième cycle de science économiques à la Sorbonne à la fin des années 1960, encouragé par mes grands-parents qui l’avaient assuré de leur soutien pécuniaire jusqu’à la fin de ses travaux –ils ne pouvaient imaginer que ceux-ci seraient, à proprement parler, interminables.
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Avec les années, Behrouz en vint à admirer la frugalité des domestiques, et pus particulièrement le jeûne que ceux-ci observaient au cours du ramadan. Le cruel destin qui les avait amenés à travailler dans cette maison où l’on recevait presque chaque jour et qui était une sorte de temple dédié à la bonne chère en faisait à ses yeux des héros –ou plutôt des martyrs. Tout ce qu’ils enduraient ici dépassait de loin de qu’Allah exigeait d’un bon musulman.
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Rosa n’avait jusque-là jamais désiré d’enfant. Elle était jeune, elle voulait être libre et ne pas s’encombrer d’une autre vie que la sienne. Elle n’avait du reste pas hésité à avorter plusieurs fois. Par quel miracle ce fœtus-là avait-il échappé aux mains expertes et funestes de la faiseuse d’anges ? Dans quel lointain repli de son ventre s’était-il caché ? Elle l’observa longuement : il semblait incroyablement frêle, et d’horribles et muettes grimaces le défiguraient, comme s’il souffrait. C’est alors qu’un revirement se fit en elle. Le fait que cet enfant ait survécu l’obligeait. Elle se sentit le devoir de relayer la formidable volonté de voir le jour dont il avait fait preuve.
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Lorsqu'il se retrouva face à lui dans l'appartement modeste qu'il occupait seul dans une des banlieues sud de Téhéran, Behrouz fut pris d'une gêne incommensurable. Il ne savait que lui dire, il n'osait le regarder. L'homme le dévisageait sans un seul mot, avec une expression impénétrable, les mains autour de sa tasse de thé. le silence embarrassé qui pesait sur eux et cousait leurs lèvres ne tenait pas simplement aux vingt ans qui s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. mon père se sentait soudain coupable de n'avoir pas été embastillé lui aussi : on ne l'avait pas tabassé à coups de matraque, on ne lui avait pas arraché les ongles, on ne l'avait pas enfermé un mois durant dans une pièce sans fenêtres, éclairée continûment par une lumière aveuglante, on ne l'avait pas forcé à réciter des prières pendant des jours entiers. nul ne lui avait jamais fait abjurer publiquement ses convictions. il n'avait somme toute payé aucun tribut à ses idéaux de jeunesse - il avait même eu le luxe d'y croire sans risque, confortablement, bourgeoisement presque, jusqu'à l'orée de la vieillesse.
Devant cet homme auquel on avait interdit d'enseigner, comme, plus largement, d'occuper tout poste dans la fonction publique, et qui en avait été réduit à faire chauffeur de taxi, il eut même la honte de n'avoir pas achevé sa thèse. Il aurait voulu fuir.
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J'étais en définitive la seule à croire dans le succès de mon père. Il était normal qu'il prenne son temps. Apporter la révélation suprême aux homme réclamait des années de labeur. On ne changeait pas la face du monde comme ça, en un tournemain. La tâche était considérable. Il nous fallait être patients. Mais nous serions récompensés : Behrouz se couvrirait de gloire. Sa renommée serait universelle.
Un jour pourtant, mon père nous annonça qu'il allait nous montrer son travail. Mes grands-parents, alors de passage à paris, ma mère et moi ne nous tenions plus de joie. le mystère allait enfin être levé...
Soudain, mon père sortit de son bureau, tenant entre ses mains un paquet de feuilles entouré d'un élastique épais, qu'il déposa solennellement sur la table du salon. Nous osions à peine nous approcher du manuscrit, intimidés par ce que nous considérions comme une sainte relique. un morceau de la croix du Christ ou une mèche de cheveux du prophète Mahommet nous auraient moins impressionnés. "Eh bien voilà, dit mon père en rompant le silence, c'est le premier chapitre. Il ne reste plus qu'à écrire les neuf autres à présent."
Comment ça ? neuf chapitres ! Seigneur tout-puissant ! Toutes ces années pour écrire seulement le dixième de sa thèse ? Nous demeurâmes bouche bée quelques instants. Nous étions hébétés, consternés, désespérés. Mais nous l'aurions été bien davantage si nous avions su que ce chapitre serait le seul qu'il achèverait jamais.
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Le jour même, mon père chaussait une paire de lunettes noires. Il les porta six mois durant, jour et nuit. Il s'agissait moins de soustraire à notre vue ses yeux gonflés et rongés par le chagrin, que d'étendre en quelque sorte un voile de deuil sur le monde des vivants.
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