Yseult Williams

La vie est absurde, poursuit-elle. Ou bien vous êtes ouvriers et vous vivez dans la misère et l'exploitation, ou bien votre existence matérielle est assurée mais vos actes n'ont aucun sens. La seule manière de s'en sortir est donc d'agir.

En matière d'édition de livres d'enfants, les Anglais étaient déjà très avancés sur la France, avec le soin apporté à l'illustration, le charme des animaux habillés à la dernière mode, des animaux à qui Alan Alexander Milne prête des sentiments humains et un regard candide sur le monde...L'ami "humain" de Winnie, Christopher Robin, ne remplit-il pas la même fonction de conseiller que la vieille dame auprès de l'éléphanteau que Jean est en train d'écrire le destin ?

Le 29 octobre 1929, le krach de Wall Street a des conséquences aussi subites que dramatiques pour la faune interlope de Montparnasse. L'espace d'une nuit, les riches Américains se sont envolés comme des moineaux. Au début de janvier 1930, les premiers effets de cette désertion se font durement sentir. Rue de la paix et avenue Montaigne, les joaillers et les salons de haute couture sont vides.

Voici les mots qu'il (Jean de Brunoff) écrit à Georges Van Hammel, son meilleur ami, quelques jours après la fin de la guerre:
Trois ans ! De dix-neuf à vingt et un ans ! Années où toute la fraîcheur de la jeunesse se transforme en une jeune maturité ! Où l'on s'ouvre à la vie comme un bouton à la lumière ! Où l'on ne se désole pas en regardant la misère de notre terre et la méchanceté de ses habitants, mais où l'insouciance, le rire, l'espoir sont des compagnons qui ne nous quittent guère !

L'autre reine de Paris, c'est Misia, la protectrice de Diaghilev. Il y a encore peu, le Russe ne jurait que par la comtesse Greffulhe, son ambassadrice lors son premier séjour à Paris en 1907. Capricieux et infidèle, il l'a désormais remplacée par Misia, "sa soeur adorée" , comme il l'appelle en public en roulant les r. Belle, cruelle et immensément riche, elle est l'épouse du patron de presse anglais Alfred Edwards, fondateur du Matin. Elle détient un pouvoir social extraordinaire, elle fait et défait les réputations au gré de ses humeurs.

" Il y a eu les Dumas, les Hugo, les Daudet, les Servan-Schreiber et autres.. Dans certaines familles, le talent se transmet de générations en générations. Des Brunhoff, l'histoire a retenu surtout le nom de Jean, l'immortel créateur de Babar et bien entendu de son fils Laurent qui a poursuivi l'oeuvre de son père. Pourtant c'est Jean qui vécut le plus retiré du monde. Loin du chaudron artistique et politique dans lequel étaient plongés son père Maurice, ses frères Jacques et Michel, sa soeur Cosette, son beau frère Lucien et sa nièce Marie Claude. Certaines familles exceptionnelles passent entre les mailles du filet de l'histoire alors qu'en leurs temps, elles étaient incontournables. Les Brunhoff font partie de celles-ci."

Le couple Noailles fait preuve d'une imagination sans bornes pour mettre à l'épreuve la créativité de ses invités. Souvent, pour faire de ces bals des célébrations artistiques, ils font appel à de grands artistes comme Francis Poulenc et Darius Milhaud pour la musique, Pablo Picasso et Christian Bérard pour les décors et Elsa Schiaparelli ou Coco Chanel pour leur costumes de maîtres de cérémonie. (...)
Les aristocrates français qui dominaient la vie artistique parisienne jusqu'alors, voient, depuis le milieu des années vingt, leur pré carré envahi par une nouvelle génération de mécènes, sans titres de noblesse, mais avec des comptes en banques bien garnis. Ces héritiers des grandes familles new-yorkaises ou bostoniennes, éduqués à la mode européenne, ont été frappés par l'absurdité de la guerre. Riches pour plusieurs générations, ils considèrent que leur argent est fait pour être dépensé, sans aucun espoir de retour. Paris, capitale de la vie artistique mondiale, est devenu leur nouveau terrain de jeu.

Une nuit, Maïco et ses compagnes sont réveillées par des cris effroyables. A court de gaz, les SS ont jeté les enfants vivants dans la fournaise.

Celle-ci, sachant pertinemment qu'un de ses clients allemands ne parle pas un mot français, lui répète chaque matin : "Tiens prends-le ton journal, grand con !". L'allemand en question s'enquiert du sens de cette expression auprès d'un Français, qui lui explique que c'est le diminutif de "grand conquérant". Le lendemain, l'Allemand répond à la marchande : "Non moi pas grand con, moi petit con..." et ajoute le bras levé : "Hitler, lui, grand con !".

Faute d'approvisionnement, dans les bonnes maisons, on ne tarda pas à servir du ragoût de rat, du pigeon en sarcophage ou du rôti de chat. Les boucheries parisiennes se tournèrent même vers la ménagerie du Jardin des Plantes, négociant à prix d'or des yacks, des kangourous, des antilopes, des paons et des chameaux.

Le goût du pouvoir, du style et un sens inné de la transgression, trois qualités indispensables pour devenir une impératrice de la presse féminine.

Depuis, chaque fois que je rencontre Philippe Soupault, il me dit " et nous aurions pu facilement le [Hitler] tuer", ce à quoi je réponds toujours avec une régularité sans faille: « Mais nous ne pensions pas que c'était nécessaire. " Pas plus que les autres.

Elle est là, l'idée de génie de son Lucien. Donner à des artistes non spécialisés dans la mode la liberté de l'imaginer selon leur fantaisie. Utiliser les gens à contre-emploi, rien de tel pour faire bouger les lignes d'une presse qui sent la naphtaline.

La faim, la misère, l'absence de perspectives, telles sont, selon elle, les raisons pour lesquelles des gens socialement si disparates se rallient aujourd'hui à un parti dirigé par une bande d'illuminés. Qui est responsable de cette déshérence morale, si ce n'est le capitalisme, qui ne sert qu'une minorité de nantis ?

Bien des années plus tard,le fils de Lucien, Nicolas Vogel, se souviendra de ces mémorables déjeuners: " J'y ai vu Einstein,Daladier, Paul Reynaud, Gustave de Suède,Picasso, Fernand Leger, tout ce que le monde compte de savants, d'écrivains, de peintres.[]"

(1941)
Les grandes maisons, dont les principales clientes sont désormais les femmes des hauts dignitaires allemands, s'amusent en leur concevant des modèles improbables.

« De la Belle Epoque jusqu’à la seconde guerre mondiale, la famille de Babar a traversé les tempêtes avec le panache des grands explorateurs de notre temps »