Citations de Zora Neale Hurston (85)
Les navires au lointain transportent à leur bord tous les désirs d'un homme. Certains reviennent avec la marée. D'autres voguent à jamais sur l'horizon, sans jamais s'éloigner du regard, sans jamais toucher cette terre jusqu'à ce que le Guetteur détourne les yeux de résignation, ses rêves raillés mortifiés par le Temps. Telle est la vie des hommes.
Les femmes, elles oublient tout ce dont elles ne veulent pas se souvenir et se souviennent de tout ce qu'elles ne veulent pas oublier. Le rêve est leur vérité. En conséquence de quoi elles agissent, font ce qu'elles ont à faire.
Elle était trop occupée par la douleur pour se vêtir de douleur.
- Quel bien ça fait pour vous à être en train de peigner mes cheveux ? C’est moi qui prends le confortable dans l’affaire, pas vous.
- Moi aussi. J’ai pas dormi trop bien ça fait maintenant pluss qu’une semaine pasque j’espérais si tant de passer ma main dans vos cheveux ici. Sont tellement jolis. Sont tout juste comme un dessous d’aile de colombe près de mon visage.
Les navires au lointain transportent à leur bord tous les désirs d’un homme.
Cruauté insensée envers ceux que l'on peut fouetter et soumission rampante devant ceux que l'on ne peut frapper. Une fois qu'elle avait choisi ses idoles et leur avait bâti des autels, il était inévitable qu'elle vienne les y adorer. Il était inévitable qu'elle accepte les inconsistances et la cruauté de sa divinité comme tous les bons croyants le font de la leur.
Transhumants permanents sans la moindre attache ou voyageurs à l'air épuisé avec leurs familles et leurs chiens entassés dans une chignole. De nuit, de jour, se hâtant pour la cueillette des haricots. Poêlons, lits, chambres à air couvertes de rustines pendaient-bringueballaient sur des guimbardes antédiluviennes avec une humanité pleine d'espoir fourrée-bousculée dedans, ahanant dans la gadoue. Des gens enlaidis d'ignorance et brisés de pauvreté.
Sur sa montagne de fumier, l'homme essaye de grimper jusqu'à des hauteurs où la douleur n'existe pas.
A coeur envieux oreille perfide.
Non que le comportement de Janie justifiât sa jalousie, mais parce que la fouetter soulageait la peur atroce qu'il avait en lui. Ça le rassurait sur ce qui était sa possession.
Il y a dans l'esprit un bassin au-dessus duquel flottent les mots sur les pensées et les pensées sur les choses entendues et vues. Et puis il y a des profondeurs de pensées que les mots ne peuvent atteindre, et plus profond encore des gouffres d'émotions informes que les pensées ne peuvent atteindre.
Ça c'est un des empêchement de l'esclavage. Mais toi ya pas rien qui peut t'empêcher de désirer.
Fait que l'homme blanc y jette le fardeau à terre et y dit à l'homme nègue d'aller le ramasser. L'homme nègue y va le ramasser pasqu'y faut bien, mais y va pas le porter rien du tout. Y va le refiler à ses femmes. La femme nègue c'est elle la mule du monde, pour tout ce que j'en ai vu.
Janie pendant un temps immesuré était restée sans bouger à l'endroit où il l'avait laissée, à réfléchir. Elle était restée là jusqu'à ce que quelque chose tombe d'une étagère à l'intérieur d'elle-même. Puis elle était entrée dans cet intérieur pour voir ce qui était tombé. C'était l'image qu'elle avait de Jody, dégringolée et fracassée. Mais en l'examinant de près elle s'était aperçue que cette image n'avait jamais été la figure de chair et de sang de ses rêves. Seulement une chose dont elle s'était emparée pour la draper dans ses rêves. C'est ainsi que, tournant le dos à l'image, elle l'avait laissée là où elle gisait pour regarder un peu plus loin. Elle n'avait plus en elle de boutons de fleurs s'ouvrant pour saupoudrer de pollen son homme, ni de jeunes fruits reluisants là où les pétales jadis se trouvaient. Ce qu'elle découvrit fut une pléiade de pensées qu'elle n'avait jamais exprimées à Jody, et d'innombrables émotions qu'elle ne lui avaient jamais dévoilées. Des choses empaquetées et rangées dans des recoins de son cœur où il ne pourrait jamais les dénicher. Des sentiments qu'elle préservait au-dedans d'elle pour un homme qu'elle n'avait jamais vu. Elle avait maintenant un dedans et un dehors et d'un seul coup elle venait de comprendre comment ne pas les mélanger.
... Moi je pourrais pas endurer avec ça si c'était qu'y va me laisser. Je sais pas ce que je ferais. Lui quand même si c'est le temps de la grisaille y peut prendre n'importe quelle chose et faire l'été avec. Et là maintenant on vit sur le bonheur qu'il a fabriqué jusqu'à tant qu'y nous vienne plusse de bonheur encore.
Les marchands d'esclaves avaient depuis longtemps recours à la stratégie consistant à inciter les tribus à se battre entre elles, afin que de nombreux guerriers soient faits prisonniers et qu'ainsi les marchés soient toujours bien achalandés.
On estime à 3 873 600 le nombre total d'Africains échangés, entre 1801et 1866, contre de l'or, des armes à feu et d'autres marchandises manufacturées en Europe et aux États-Unis.
Barracone: Le terme espagnol barraccön peut se traduire par " caserne" et vient à l'origine du mot catalan barrica, la "cabine" . Son dérivé barracoon désigne les bâtiments utilisés pour le confinement des Africains destinés à être vendus et exportés vesr l'Europe et les Amériques. Ces bâtiments, parfois désignés par les termes "usine', "prison", "corrals" ou "cellules" étaient construits près de la côte. Ils allaient du modeste "abri à esclaves" aux imposantes "maisons d'esclaves'", ou "châteaux d'esclaves", édifices fortifiés où les Africains étaient entassés de force dans des geôles ménagées sous les quartiers des administrateurs européens.
En terre d'Affica, on peut pas raconter le fils avant de raconter le père ;je peux pas te parler de l'homme qui est le père, si j'ai pas parlé de l'homme qui est son père. C'est la vérité, non?
Janie voyait sa vie comme un grand arbre en feuilles qui étaient toutes les choses endurées et les choses aimées et les choses faites ou défaites. L'aube et le destin à ses branches.
Les femmes, elles oublient tout ce dont elles ne veulent pas se souvenir et se souviennent de tout ce qu'elles ne veulent pas oublier.