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Citations de Zsuzsa Bànk (29)


J'ai toujours pensé que les gens mouraient entre novembre et janvier, une fois que le soleil a pris congé, que les températures tombent et que l'obscurité s'installe. L'hiver, c'est la mort, pas l'été. L'été c'est la vie. Mais ce qui est fou, c'est que les gens meurent même par des journées brûlantes, claires, innocentes, impeccables. La mort est capricieuse, on doit compter avec elle à tout moment.
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Il est une image que je pourrai certainement toujours voir, un mouvement que j'associe à mon père et à lui seul : sa manière d'entrer dans le lac. Quand la lumière de l'après-midi commence à décliner, sa manière d'ôter ses sandales de bain, de préparer sa serviette-éponge sur la rive, d'envoyer son regard au-dessus du Balaton, de le palper des yeux comme s'il cherchait la meilleure voie pour ses mouvements. Faire les premiers pas dans l'eau, se passer les mains humides à travers la barbe et plonger, nager quelques poussées sous l'eau, remonter pour prendre de l'air, s'arrêter un bref instant, regarder encore une fois la surface du lac et appréhender sa grandeur. Puis nager loin au large et disparaître dans le bleu. (page 302)
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Bien qu'il fît trop froid, elle me laissa m'asseoir dans la cour, sur un banc humidifié par la dernière pluie. Je passai les doigts sur l'eau, j'attendis la pluie suivante, qui trempa mon manteau, mes collants et mes bottes, et je souhaitai qu'elle passe au travers de moi-même, cette pluie, qu'elle me dissolve, peut-être, et que je puisse partir en glissant avec l'eau - quelque part.
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Isti et moi, nous avions appris à nager un dimanche. L'un de ces dimanches comme il y en avait souvent ici, noyé dans un silence qui ne tolérait que le battement d'ailes d'un oiseau pris dans une vigne. Ce jour-là, Virág était assise à l'ombre derrière la maison, Zoltán dormait, Ági montait et descendait les rangs pour goûter les raisins, encore beaucoup trop petits et beaucoup trop verts. Mon père s'était posé une serviette éponge autour de la nuque, avait couru à travers le jardin, puis avait descendu la rue, et lorsque Isti l'avait rappelé depuis la porte et lui avait demandé ce qu'il avait enroulé sur son cou, il nous avait emmenés, non pas à sa plage, mais sur une autre, où des essaims de guêpes tournoyaient au bord de l'eau, épais comme une brume d'hiver. Le sable était sombre, les roseaux paraissaient presque pourris. Mon père nous avait ordonné de continuer lentement en direction du lac, sur un mur étroit, pieds nus, les bras serrés contre le corps. Isti et moi, nous avions fermé les yeux. Je pouvais sentir le battement d'ailes des guêpes et l'air qu'elles déplaçaient. avancez lentement, avait dit mon père, même si elles se posent sur vous, continuez tout simplement , continuez encore, puis, lorsque nous étions arrivés au rivage, il nous avait attrapés, jetés dans le lac et avait crié : Nagez. (pages 86-87)
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Quand elle vivait encore chez nous, ma mère travaillait en usine, dans la ville de Papa. Elle partait tous les matins sur son vélo et fendait le brouillard. Notre chien courait à côté d'elle en glapissant jusqu'à ce qu'elle le sème le long de la grande route. Je me réveillais dès que je l'entendais dans la cuisine. Quand elle laissait la porte se refermer, je me levais pour la suivre des yeux par la fenêtre. J'écartais les rideaux et je secouais la main pour lui faire signe. En secret, je l'appelais la fendeuse de brouillard. Ma mère haïssait notre village. Elle disait : Ici des enfants meurent parce qu'ils tombent dans les fosses à purin. Ils meurent asphyxiés. Où voit-on des choses pareilles ? (page 11)
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Karl, Aja et moi, nous n'avions pas de pères, du moins pas comme d'autres enfants avaient des pères. Nous avions nos mères, avec leurs secrets silencieux qu'elles protégeaient comme des trésors. ...Nous avions nos mères, et malgré les petites et grandes blessures qu'elles nous infligeaient, nous nous agrippions à elles et nous tenions fermement à leurs mains, comme si, autrement , nous pouvions tomber, comme si quelque chose pouvait nous heurter et nous renverser, à cette époque où nous faisions nos adieux aux nombreuses choses qui avaient encadré notre enfance
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Lorsque prit fin notre premier été au bord du lac, Isti demanda pourquoi les feuilles tremblaient sur les arbres, pourquoi les nuages dissimulaient le soleil et si personne ne pouvait faire en sorte que le lac ne perde pas sa couleur le soir, Mihaly peut-être ?
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Cet été-là, Isti s'est mi à écouter des choses qui ne produisaient aucun son. Il disait qu'il entendait le ciel, qu'il soit proche ou lointain, nuageux ou immaculé, il entendait les raisins, les rouges mieux que les blancs, et il entendait la poussière qui vole au-dessus du sol lorsqu'une porte s'ouvre, ces gros flocons blancs, il les entendait.
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…..à sept dans cette maison minuscule dans laquelle ma mère a grandi, à sept sur le plus petit espace, ils vivaient en autarcie, parfaitement bio, sans poisons dans le jardin, sans poisons pour les animaux, sans électricité dans la maison, sans voiture, sans voyages en avion, sans portable, sans consommation, on achetait des objets pour la vie, on faisait attention à eux, on ne les remplaçait pas. Ils vivaient à sept dans cette pièce, ils partageaient les lits, les armoires et la table, mais ma mère le dit aujourd’hui encore : Personne n’était plus riche que nous.
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Je crois que nous n'avons jamais vu notre père sans cigarette. Ses vêtements sentaient la cigarette, ses mains, ses cheveux. Ses cigarettes, il les jetait par terre pour en écraser l'extrémité incandescente, et quand il était couché sur le canapé, nous découvrions des points blancs en papier sur ses semelles. Même dehors, dans la vigne, nous en trouvions des restes entre les ceps, et dans la cave, sous les fûts, à côté des corbeilles. Parfois, un peu de tabac nageait dans une bouteille, et nous le remarquions seulement au moment où l'on avait déjà versé le vin dans les verres.
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Après tout, nous remplissons notre vie, nous la composons, nous l’emballons à ras bord, nous nous installons dans ce monde au prix de la plus grande dépense, nous nous charpentons une vie humaine en puisant dans toutes sortes de strates et avec des accessoires considérables – puis, un jour, nous devons la céder, ça doit prendre fin, et nous sommes censés accepter ça simplement ? Si nous voyons les choses comme cela, y a-t-il rien de plus bête, de plus absurde que la mort ?
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Incurable…..Nous devions commencer par trouver son sens ou son non-sens derrière les lettres, sa signification véritable, ce qu’il y avait en lui de rusé et d’inéluctable – qu’il signifie : incurable, qu’il signifie : sans perspective, qu’il signifie : sans avenir, qu’il signifie : sans lendemain, qu’il signifie : ça ne s’améliore pas, ça n’ira plus jamais bien. La doctoresse l’avait posé sur la table à notre intention, non, elle l’avait jeté avec énergie, sans fil d’émotion, sans même un fil ténu, à peine perceptible, de compassion, elle l’avait jeté devant nous, pour nous. Et elle nous avait ensuite consacré environ six minutes. Peut-être seulement cinq. Après deux semaines d’investigations coûteuses et d’angoisses montantes qui s’étaient transformées en certitude, elle n’avait eu pour nous que ces quelques minutes. Elle n’avait pas dit grand-chose, juste une phrase brève, quoique grammaticalement correcte, à propos de la tumeur, avec sujet, verbe et adverbe déterminant, pas plus de quatre mots : « Elle est comme ça. » Puis son téléphone avait sonné, elle avait fini sa pomme et nous avait lancé un regard qui voulait dire : qu’est-ce qu’il y a, encore ?
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Autrefois, en Hongrie, les aiguilles des horloges s’arrêtaient lorsque quelque chose de décisif s’était produit. Quand la mort emportait quelqu’un, la foudre tombait à proximité, le vent ouvrait la porte, gonflait les rideaux et refermait violemment la fenêtre, le battant de la pendule s’immobilisait d’un seul coup, son tic-tac s’arrêtait –et chacun savait que quelque chose s’était produit, que quelqu’un était blessé ou accidenté, que l’un de nous était parti. L’histoire de ma famille est pleine de ce genre d’images, toutes les histoires familiales sont peintes comme cela, une note de couleur faite de malheur et d’inéluctabilité se dépose sur cette trame et imbibe ce tissu de superstition et de goût du surnaturel. Les récits de ma grand-mère étaient remplis de ces présages et de ces annonces, de ces nouvelles de l’inquiétant. Ils nouaient des liens entre les générations, associaient les mondes visible et invisible et nous disaient : faites-y attention, reconnaissez-les et comprenez-les. Ne les repoussez pas, ne les négligez pas, ne les laissez pas résonner en vain.
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Comment un corps peut-il être détruit aussi vite ? m’a souvent demandé mon père au cours des derniers mois, comme s’il en restait ahuri, comme s’il ne pouvait pas croire que son corps, le sien justement, lui faisait cela, ce corps qu’il n’avait jamais maltraité, envers lequel il ne se montrait jamais négligent ou indifférent, pas d’excès, pas de drogues, peu d’alcool, mais du sport, du mouvement, de l’air frais, ce corps envers lequel il avait toujours fait preuve de bonté. Chaque fois que nous discutions, ou presque, il me posait cette question : comment mon corps peut-il se dégrader aussi vite ? Non, il n’y a pas de bonne fin. Oui, toute fin est cruelle. Ma cousine ressent la même chose avec sa mère démente.
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Parce que cette histoire ne peut être racontée que comme cela, avec la même succession, le même déroulement, nous ne pouvons pas intervertir les chapitres, nous ne pouvons pas les écrire autrement, les lire dans l'ordre de notre choix, cette action, cette trame, la chronologie et la fin sont données à l'avance. Et pourtant, quand cette histoire nous choisit, quand elle nous trouve, quand elle fait de nous ses protagonistes, nous ne sommes pas préparés, nous ne savons rien et nous ne pouvons recourir à rien. Ca ne compte pas que d'autres aient vécu ça avant nous et que nous y ayons participé. Ce qui compte, c'est que nous le vivions. Nous seuls le vivons ainsi, nous seuls le vivons à notre manière.
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Ca n'a rien de particulier et ça arrive à tous. Nous venons au monde, nous mourons, nous perdons quelqu'un emporté par la mort, et un jour quelqu'un nous perd emporté par la mort. Pourquoi est-ce que j'en fait quelque chose d'exceptionnel? Comme si ça n'arrivait qu'à moi?
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Nous regardons le jardin, l'alignement de fruitiers et d'herbes, comme si nous essayions de graver dans notre esprit la moindre fibre de verdure. Pour nous, quelque chose s'achève au cours de ces journées d'été, la maladie creuse une coupure en travers de notre existence, la mort déjà découpe notre vie, il faut que nous lâchions quelque chose, dans ce monde qui continue à tourner nous devons abandonner et donner quelque chose.
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(...) je n'aime plus autant aller chercher dans les livres, parce qu'au bout du compte on est toujours à aller chercher des explications entre les lignes, comme si je ne pouvais pas me contenter du fait que beaucoup de choses restent inexplicables.
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Nous grandîmes tandis que le monde continuait à tourner comme s'il ne se souciait pas de nous et que nos mères mettaient tout en œuvre pour ne pas perdre l'équilibre, trébucher et tomber en ayant du mal à se relever.
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si cela pouvait exister le bonheur dit Anna, alors il y a eu un moment où le bonheur leur appartenait, à eux seuls comme s'il l'on avait pu rassembler tout le bonheur disponible comme s'il avait échappé aux autres pour ne plus appartenir qu' à eux.
....A un moment, quelque chose se brisa comme quelque chose se brise parfois sans qu'on ait été malhabile, sans qu'on le veuille, ça se passe simplement. Quelqu'un avait de nouveau ramassé ce bonheur, l'avait emporté sans demander à l'un ou à l'autre s'ils en avez assez, s'ils étaient rassasiés.
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