Élise Picker

Bientôt, nous nous arrêtons devant la bouche de métro. Il me semble qu'elle s'est rapprochée. Sinon, comment expliquer que nous y soyons arrivés si vite ?

Malgré le froid intense, nous décidons d'un commun accord de poursuivre à pied jusqu'à la station suivante. Galamment, il propose de me prêter sa chapka. Après avoir balancé le serre-tête dans une poubelle, je la cale sur ma tête. Je profite aussitôt de la chaleur qui se répand en moi. Mais est-ce juste l'effet du bonnet ?

Près de la fenêtre restée ouverte, j'observe le ciel. Il est le même pour tout le monde, pourtant, il domine des réalités bien différentes.

Ce matin, June rêve. Ses mondes oniriques n'ont pas de limites et elle fait partie de ces personnes qui se souviennent de tout au réveil. Son rituel du matin est d'ailleurs de noter des bribes de songes, quand elle ne perd pas son carnet.

Chaque matin, c’est le même rituel devant le miroir : essayage à n’en plus finir pour trouver la combinaison qui camouflera les quelques bourrelets qui la désespèrent. Elle a beau se raisonner, se dire que c’est normal de prendre du poids à son âge – sa mère le lui a assez répété –, surtout après une grossesse, elle ne s’y fait pas : elle redoute le monde du travail, impitoyable avec l’apparence.

Aller de l'avant? Eh bien, c'est avancer, construire... C'est retrouver le sourire, l'apaisement. Laisser le passé derrière et se concentrer sur l'avenir... Trouver de bonnes raisons de le faire, aussi...

C’est juste un site où on peut tchater, il y a de tout : des gens qui recherchent juste le frisson d’un soir, d’autres qui veulent discuter et boire un verre ou même trouver le grand amour, et quelques tordus aussi !

J’ai l’impression de ne pas être à ma place dans ce monde qui continue de tourner, loin de mes petites préoccupations. Cette vie insouciante que je touche sans cesse du doigt sans parvenir à l’atteindre me renvoie à mon statut de paria. Un imposteur parmi la foule.

J’ai le sentiment d’avoir trouvé ma place. Je voudrais ne jamais la quitter. Je respire son odeur boisée. C’est tellement bon, comme si j’étais enfin complète…

Dire qu'il était là, juste sous mes yeux, que je n'avais qu'à lever la tête, qu'à prêter attention pour le découvrir.

Je me plante devant lui, ne sachant pas trop comment me comporter. Il me tend la joue et met fin à mon dilemme.

— Bonsoir Rose, vous semblez gelée, entrons vite.

Une fois à l'intérieur, nous nous dirigeons ensemble vers le vestiaire. Je tends mon manteau par dessus le comptoir, dévoilant ma robe blanche fluide et échancrée. Julian émet un son semblable à un petit grognement et siffle entre ses dents :

— Je comprends mieux pourquoi vous n'étiez pas réchauffée...

Je jubile en sentant son regard me parcourir. Et un premier point de marqué avec ma tenue légère, un !

Habituellement, j'ai un peu de mal avec les histoires à la 3e personne, mais j'ai été rapidement touchée par le réalisme des personnages. En effet, Alice est une femme comme il en existe des centaines : mariée, maman depuis peu, mal à l'aise avec son corps post-bébé, et happée par le quotidien et un travail monotone. Elle se retrouve un peu par hasard sur internet et découvre les relations virtuelles. Rien en soit d'extravagant dans ce pitch, et c'est justement ce qui m'a permis de plonger dans cette histoire. Elle est simplement réaliste. Gros coup de cœur ! Je conseille!

Je la vois frissonner. Elle paraît menue, frêle. Je sais pourtant qu’elle ne peut se résumer à ces adjectifs. Complexe, contradictoire, imprévisible, la définiraient mieux. Elle reste un mystère.

« Puisque l'homme idéal n'existe pas, pourquoi attendre après lui ? Même ceux qui ont l'air de parfaits gentlemen tombent vite le masque et se révèlent aussi décevants que les autres. Dans ma tête, la voix de Laure résonne : "Profite un peu plus de la vie, Rose, arrête de courir après des chimères ! " » (p. 74)

Nos vies à cent à l'heure nous amènent parfois à négliger ceux qu'on aime.